Début mars 2016, la Région bruxelloise se dotait d’un portail open data. Pour Bianca Debaets (CD&V), secrétaire d’État bruxelloise en charge de l’Informatique régionale et communale et de la transition numérique, il faut voir dans cette stratégie d’ouverture un potentiel économique important. Mais pas seulement.
Alter Échos : Il y a trois ans, la Belgique était considérée comme une «mauvaise élève» en matière d’open data. En quoi la situation a-t-elle changé aujourd’hui?
Bianca Debaets : Sous mon impulsion, un gros changement est intervenu au niveau de la Région bruxelloise: nous avons désormais une vraie ambition open data. Voici un an, la Région a lancé son portail opendatastore.Brussels. Depuis lors, le nombre de jeux de données a doublé. En 2016, six hackathons open data régionaux bruxellois ont été organisés pour stimuler la créativité et l’utilisation des données ouvertes, avec notamment un accent particulier mis sur la dimension du genre (hackathon d’Amazone).
Alter Échos : Estimez-vous que la valeur de l’open data présente un caractère limité?
Bianca Debaets : Non, pas du tout. Il y a tout d’abord une valeur économique non négligeable. Selon Agoria, une véritable politique d’Open Data peut générer 180 millions EUR et créer 1.500 nouveaux emplois dans l’économie bruxelloise, et ce par la réutilisation des données. Il y a aussi une démarche d’ouverture et de transversalité des administrations avec de nouveaux échanges qui interviennent entre elles. Il ne faut pas sous-estimer non plus la valeur démocratique et une plus grande transparence: on peut combiner plus de données.
Alter Échos : Vous parlez de transparence mais ne s’agit-il pas aussi d’une politique de communication?
Bianca Debaets : Cela fait partie de la transition numérique des administrations. Un changement implique la nécessité d’accompagnement et ce décloisonnement peut faire peur aux administrations. Mais, progressivement, on devrait arriver à plus de transparence, oui.
Alter Échos : Y a-t-il des stratégies spécifiques mises en place pour garantir la qualité des données diffusées sur le portail de la Région bruxelloise?
Bianca Debaets : Tim Berners Lee, l’inventeur du web, a mis en place une catégorisation des données par rapport à leur qualité et utilité. La Région investit dans des données comme la cartographie complète de la Région. Ces informations sont mises à disposition en open data. Réaliser soi-même une telle carte serait très coûteux! Pour évoquer la qualité, c’est en réalité un vrai-faux débat. En effet, la qualité signifie différentes choses: il faut indiquer dans les métadonnées quelle est la dernière mise à jour… pour arriver à mesurer la qualité de la donnée. Ensuite, si on veut faire une application en temps réel avec des données mises à jour tous les cinq ans, il y a un problème. C’est donc une bonne documentation qui est primordiale. Mais la valeur ajoutée provient de la combinaison de données: ouvrir une donnée peut créer un canal de retour pour améliorer la source et donc améliorer la qualité. Enfin, certaines données ont été collectées pour une raison spécifique et le nature propre de l’open data (possibilité de réutilisation pour une autre raison que celle pour laquelle les données ont été récoltées) peut créer des soucis d’utilisation.
Alter Échos : Y a-t-il des obstacles à la mise à disposition des données? Si oui, lesquels?
Bianca Debaets : Il existe en effet des obstacles divers contre lesquels tant EasyBrusels que le CIRB travaillent. Un obstacle peut être, par exemple, le cadre légal, qui limite le type de données. L’ordonnance open data avait prévu un champ large, mais il faut aussi prévoir une infrastructure spécifique dans le cas de données diffusées en temps réel (problématique de capacité informatique). Cela implique une gestion de changement dans les administrations, une gestion qui, à mes yeux, constitue une priorité. Il faut aussi tenir compte du cadre à respecter en matière de vie privée.
Alter Échos : L’open data porte de belles promesses économiques. Que peut-on attendre pour les dix prochaines années en termes d’impact?
Bianca Debaets : On parle d’une économie ‘big data’, ou de nouveaux services sont mis en place grâce à la combinaison de diverses sources d’information. L’open data est un petit volet dans cette évolution vers une économie numérique. Au niveau de la smart city, tout objet va diffuser de l’information. Cette information peut non seulement être utile pour la ville, mais également pour d’autres acteurs privés. Inversement, des données privées peuvent intéresser le public. A l’avenir on arrivera à des plateformes urbaines, ou toutes ces informations seront échangées selon une gouvernance adaptée.
Propos recueillis via e-mail par Laurence Dierickx
En savoir plus
L’Open Data et ses promesses Alter Échos n°443, avril 2017, Laurence Dierickx
«Les valeurs ajoutées de la data citoyenne», Alter Échos n°443, avril 2017, Laurence Dierickx
Bxl’air bot, le robot qui surveille la qualité de l’air bruxellois, Alter Échos n°443, avril 2017, Laurence Dierickx
Un Robot à la rédac Alter Échos n°443, avril 2017, Sandrine Warsztacki