Développée par deux psychosociologues français, la méthode d’intervention sur les offres et les demandes (IOD) propose un modèle pratique et alternatifd’insertion professionnelle. Spot en a décliné le concept en région liégeoise.
Changer la société plutôt que l’individu : tel est le postulat de départ que les psychosociologues français Denis Castra et Francis Valls tentent de suivre depuis25 ans1.
Venus présenter leur travail lors d’une conférence organisée à Bruxelles par Écolo2, les auteurs renversent et dénoncent les dérivesqu’ils décrivent comme la culture ambiante du monde de l’insertion. « On suppose trop souvent que certains individus sont trop fragiles pour le marché du travail, regretteDenis Castra qui est aussi professeur à l’Université de Bordeaux. Recourir systématiquement au stage, proposer des sous-statuts, pousser les candidats à l’emploi àeffectuer préalablement un travail sur eux-mêmes : autant de pratiques qui sont devenues coutumières des travailleurs sociaux qui encadrent ces personnes. »
Concrètement, la méthode IOD s’appuie sur un présupposé théorique : le dynamisme des gens ne vient pas d’eux-mêmes mais bien de leur place dans lasociété et de leurs relations aux autres. Dès lors, on les insérera sur le marché du travail en s’axant davantage sur la relation entre le demandeur d’emploi etl’entreprise. On modifiera aussi la demande de cette dernière. Une question de postulats, ou de valeurs, comme préfère le dire Francis Valls, entre aussi en ligne de compte.« D’abord, si une personne veut travailler, on doit lui trouver un emploi qui lui convienne, annonce-t-il. Nous voulons en outre lui donner le choix entre plusieurs emploisintéressants. Il est aussi évident qu’on défendra d’emblée une embauche via un contrat à durée indéterminée… »
Inverser la demande
Pour parvenir à ce qui paraît de prime abord une utopie, les accompagnateurs IOD s’évertuent à agir sur l’entreprise en la questionnant sur la manière dont ellerecrute et sur les résultats qu’elle en tire. « Les entreprises n’ont, à l’instar des individus qui la composent, pas toujours des critères rationnels pour choisir uncandidat, poursuit Francis Valls. La plupart du temps, en creusant un peu avec l’employeur, on se rend compte qu’il recherche une personne qui restera en poste pour une certaine durée et qui aune marge de progression. Ce qui transparaît peu dans les offres d’emploi traditionnelles. »
Pour construire la relation entre le candidat et son employeur à venir, la méthode IOD brise aussi une série de mécanismes jugés trop normatifs. « Lorsquel’on présente le – et non pas les – candidat, l’entretien ne se déroule pas dans le bureau du patron mais en se baladant dans l’entreprise : en allant voir le poste detravail ainsi que les futurs collègues. Cela facilitera énormément l’intégration du nouveau. »
Quand le candidat est retenu, il faut encore qu’il reste dans l’entreprise. À ce sujet, l’anticipation de la période d’après embauche semble elle aussi décisive :« Le plan d’intégration commence avant l’embauche, déclare-t-il. Le rôle du médiateur IOD est de faire en sorte que l’employeur respecte ses engagements. Pour yparvenir, il faut bien évidemment que l’opérateur IOD bénéficie lui aussi d’un emploi stable, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur de l’insertion classique.»
Spot : la déclinaison liégeoise d’IOD
Librement adapté de l’expérience française, le service Spot3 fonctionne à Liège avec l’appui de trois CPAS. Comme le confie son instigateurFabrice Bartholomé, ce n’est pas l’employabilité des personnes qui est remise en cause. « On travaille sur la motivation des candidats car ce que la plupart des employeursrecherchent avant les diplômes, ce sont des employés sérieux et motivés, explique-t-il. Ensuite, il faut trouver la bonne offre pour la bonne personne. »
Avec un chiffre « confortable » de vingt candidats à l’embauche suivis par un accompagnateur, ce projet qui dépend du plan Marshall social atteint un taux d’insertionde 50 %.
1. L’insertion malgré tout – L’Intervention sur l’Offre et la Demande – 25 ans d’expérience, Denis Castra et Françis Valls, Ed. Octares.
2. Site : www.des-solutions-pour-chacun.be
3. Service de professionnalisation de l’offre de travail (Spot), CPAS de Fléron :
– adresse : rue Albert Marganne, 10 à 4620 Fléron
– contact : Fabrice Bartholomé
– gsm : 0494 18 12 82.