L’édito d’Alter Echos, n°409.
Making of du dossier «Participation»: je me rends au bureau de Periferia pour une interview. C’est à Molenbeek. Quatre caméras font le pied de grue devant une maison, apparemment celle de la sœur du présumé terroriste du Thalys. Croisées de pratique journalistique. Et de me demander: qu’est-ce qu’il va se passer quand la sœur sortira (ils leur sautent tous dessus en même temps ou c’est plus civilisé?)? Et à quoi bon couvrir cette sortie si trois collègues le font par ailleurs? Serait-ce, au contraire, un motif de plus pour traiter le sujet: si la concurrence en parle, il faut également l’évoquer, sous peine de «passer à côté», crime de lèse-actualité.
Une heure trente plus tard, je rebrousse chemin et les quatre équipes sont toujours là. À quoi bon? La poursuite d’une sœur dans les rues bruxelloises va-t-elle vraiment nous aider à comprendre l’acte du frère? Soit. Pourquoi pas. Mais alors, ne fallait-il pas questionner les voisins, le boulanger, l’école, mener enquête. Saisir ce qui peut l’être, comprendre une enfance, un parcours, des rencontres. Ne pas juger, expliquer.
Il ne s’agit pas de sombrer dans un angélisme béat, mais d’offrir un journalisme qui va au-delà du visible, qui traduit (avec toute l’imperfection de l’exercice) le réel de manière complexe et nuancée. Un journalisme qui dépasse l’instantané d’un radicalisme rampant pour offrir des clés de compréhension, des angles de vue variés. Un journalisme qui ne relaie pas le simplisme mais qui le déconstruit.
Le temps est une donnée clé dans le traitement de l’information. Sans doute fallait-il aller vite. Le JT n’attend pas. L’immédiateté du web réinterroge la pertinence d’une mise au point quotidienne. Pourquoi pas un journal ou un JT tous les deux, trois jours? Le temps du recul et de la réflexion. Un journal non pas pour découvrir les faits, le web s’en charge, mais pour les comprendre. Un journal où le rythme importerait moins que l’information. Histoire qu’au lieu d’attendre devant une porte, le journaliste les ouvre.