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Regard critique · Justice sociale

Rencontre

Bruxelles Babel

Une visite guidée des quartiers interculturels de Bruxelles par des personnes issues de l’immigration, tel est le projet de Zinneguides. Les premières visites viennent de débuter.

14-03-2018 Alter Échos n° 461
Bruegel, l'ancien / la tour de Babel

Une visite guidée des quartiers interculturels de Bruxelles par des personnes issues de l’immigration, tel est le projet de Zinneguides. Les premières visites viennent de débuter.

Rond-point Schuman, un mercredi après-midi. C’est là, au milieu d’une foule de fonctionnaires européens, forcément pressés, que John Van Den Plas, l’initiateur de Zinneguides, a donné rendez-vous à un groupe de lycéens italiens venant découvrir la capitale. Dès le début de la visite, le ton est donné: «Bruxelles se limite trop souvent à ses institutions, et non à ses habitants», lance le guide aux jeunes, en leur proposant d’aller à la rencontre du quartier européen. À peine commencée, la visite s’arrête devant une trattoria, la Casa italiana, juste au pied du Berlaymont.

Au bout de deux heures de visite, le groupe aura parcouru 650 mètres à peine, mais aura traversé les strates d’une capitale-monde.

En voyant la troupe de curieux devant sa vitrine, Rosanna, la gérante, sort un moment pour discuter avec les jeunes. Originaire d’Italie, elle raconte son arrivée en Belgique. «J’avais 9 mois. C’était après la guerre. Mon père a trouvé un travail d’ouvrier à Bruxelles et mettait les pavés en rue. On ne devait rester qu’un an ou deux, et on n’est finalement jamais rentré au pays…» C’est au milieu des années 60 que la famille de Rosanna s’installe dans le quartier pour ne plus le quitter. «En cinquante ans, tout a changé, et tout va encore continuer à changer… À Bruxelles, les gens vont et viennent», poursuit-elle. John Van Den Plas reprend le flambeau de la discussion et évoque alors l’immigration italienne en Belgique jusqu’à aborder le visage multiculturel actuel de la capitale. «Bruxelles est une ville profondément mélangée», indique-t-il aux lycéens, avant de les amener à la Grande Mosquée de Bruxelles.

Des citoyens-guides

L’heure de la prière vient de débuter, et le silence du lieu contraste avec l’agitation du quartier. Pour la plupart des lycéens, la visite d’une mosquée est une première. Les regards curieux des jeunes épousent alors la piété des fidèles pour un instant. En sortant, John Van Den Plas interroge les élèves sur leurs impressions. Ils évoquent l’islam en Belgique, l’histoire du lieu, mais aussi le terrorisme, et le guide répond, casse les préjugés, donne une série de chiffres, avant de les emmener au dernier endroit de la journée: le monument du Congo. L’ouvrage rend hommage à «l’œuvre civilisatrice» des premiers colons belges en Afrique. John Van Den Plas explique qu’il a choisi ce lieu en raison de son histoire familiale. «Mon grand-père était un colon. C’est au Congo qu’il a rencontré ma grand-mère, une Congolaise, ce qui n’était alors pas du tout la norme.» Le groupe l’interroge alors sur ses origines métissées, mais aussi sur la colonisation. En tout, au bout de deux heures de visite, le groupe aura parcouru 650 mètres à peine, mais aura traversé les strates d’une capitale-monde au fil des histoires, des visages. «C’est tout l’objectif de nos visites: faire des balades urbaines interculturelles accompagnées par des citoyens eux-mêmes porteurs de plusieurs cultures», résume John Van Den Plas. Une dizaine de citoyens-guides intéressés par ces visites interculturelles ont déjà été formés. C’est le cas d’Alice De Marchi, professeure de théâtre et comédienne italienne, qui fera visiter Saint-Josse, commune où elle a vécu de nombreuses années.  

«On veut casser les frontières mentales à travers cet accompagnement spécialisé», John Van Den Plas, l’initiateur de Zinneguides

«D’autres visites pourront se faire à Molenbeek avec un Italien photographe, à Saint-Gilles avec un Espagnol ou à Dansaert avec une artiste turque, précise John Van Den Plas. Elles se feront aussi dans des quartiers qui n’ont pas cet aspect multiculturel au premier abord, mais qui le sont bel et bien, comme le quartier européen. On veut casser les frontières mentales à travers cet accompagnement spécialisé.» L’initiateur des Zinneguides souhaite surtout que ce projet s’intègre dans le programme scolaire «afin de déconstruire auprès des jeunes les stéréotypes construits autour de la question migratoire».

 

En savoir plus

Alter Échos (web), «Bruxelles: multiculturelle oui, mais interculturelle ?», Marie Jauquet, 11 avril 2016.

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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