Coopcity, le nouveau centre bruxellois dédié à «l’entrepreneuriat social et coopératif», entame ses 1493
activités. Tout un symbole…
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Le 11 novembre 2016, les dés seront jetés. Coopcity, le nouvel incubateur dédié à «l’entrepreneuriat social et coopératif», commencera à accompagner ses premiers entrepreneurs. «On les fait bosser un jour férié dès le début, ça commence bien», rigole Sabrina Nisen, coordinatrice du projet. Pour SAW-B et ses six partenaires à l’origine du projet, le défi est de taille et ne se limite pas aux problèmes de calendrier. Voilà en effet quelques années que les débats autour de l’«entrepreneuriat social» agitent le secteur de l’économie sociale. Pour dresser un portrait à la grosse louche, l’entrepreneuriat social constituerait le versant entrepreneurial de l’économie sociale. «Il s’agit d’une lecture entrepreneuriale d’une réalité envisagée plus souvent sur son versant social», nous expliquait en juin 2015 Jacques Defourny, directeur du Centre d’économie sociale de l’Université de Liège et cofondateur d’Emes (voir encadré). Les bénéfices engendrés sont mis à la disposition d’une finalité sociale, mais fini l’a-capitalisme de l’économie sociale des débuts. On se situe ici au sein du marché, dans une logique plus commerciale. Une logique qui engendre parfois du stress dans le secteur. Pour certains, l’émergence de l’entrepreneuriat social constitue une menace pour l’économie sociale et solidaire… Ce nouveau venu depuis une vingtaine d’années est souvent accusé de faire du «social washing» ou de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) déguisée.
Dans ce contexte, l’émergence de Coopcity constitue un tournant. Car les porteurs du projet ne sont pas n’importe qui. SAW-B – fédération d’économie sociale – tout d’abord, qui marque son intérêt pour l’entrepreneuriat social depuis un certain temps. Febecoop – la Fédération belge de l’économie sociale et coopérative –, Jobyourself, Impulse.brussels, Innoviris, ensuite. Et enfin et surtout Solvay et l’Ichec. Voilà une alliance qui aurait paru bien iconoclaste il y a quelques années… Et qui peut l’être encore aujourd’hui. «Il y a parfois un choc des cultures, et il y en aura encore, explique Sabrina Nisen. Certains vont parfois faire plus attention à la figure de l’entrepreneur, d’autres au projet social. Et la viabilité économique n’est pas envisagée de la même manière selon que l’on se place du point de vue de l’un ou de l’autre partenaire…» Malgré ces différences, l’objectif de ce nouvel attelage est cependant bien défini: il s’agit de soutenir l’entrepreneuriat social dans sa définition telle qu’elle a été établie par le réseau Emes (voir encadré). «Il y a un momentum, affirme Sabrina Nisen. De nouveaux étudiants en management sont de plus en plus en recherche de sens. Des opérateurs comme Solvay ou l’Ichec se rendent bien compte de cela puisqu’ils sont en contact avec les auditoires. Et du côté de certains acteurs de l’économie sociale – comme SAW-B –, il y a une ouverture par rapport à l’entrepreneuriat social. Il y a une chouette opportunité aujourd’hui pour montrer que ce modèle fonctionne.»
L’entreprise sociale selon Emes
Emes est un réseau européen rassemblant des centres de recherche universitaires et des chercheurs en économie sociale. Son objectif est notamment de construire un corpus de connaissances théoriques et empiriques concernant l’économie sociale et l’entrepreneuriat social. Il a ainsi élaboré une définition de l’entreprise sociale.
Indicateurs de la dimension économique:
– une activité continue de production de biens et de services;
– un niveau significatif de prise de risque économique;
– un niveau minimum d’emplois rémunérés.
Indicateurs de la dimension sociale:
– un objectif explicite de service à la communauté;
– une initiative émanant d’un groupe de citoyens;
– une limitation de la distribution des bénéfices.
Indicateurs de la structure de gouvernance:
– un degré élevé d’autonomie;
– un pouvoir de décision non basé sur la détention de capital;
– une dynamique participative impliquant différentes parties concernées par l’activité.
Quatre programmes
Pour remplir sa mission, Coopcity fonctionnera comme un incubateur classique. Il proposera tout d’abord des bureaux sur un espace de 220 mètres carrés situé au sein de la commune de Saint-Gilles, à Bruxelles. Le «package» traditionnel de ce type d’endroit sera proposé: bureaux, salles de réunion, matériel informatique seront ainsi mis à disposition. Des conférences et des ateliers seront aussi organisés. «Nous voulons créer la rencontre, il s’agira d’un carrefour pour tous ceux qui veulent s’intéresser à l’entrepreneuriat social», détaille Sabrina Nisen. Mais les porteurs de projets y seront aussi et surtout accompagnés. Pour cela, ils devront avoir leur siège d’exploitation dans la capitale. Quatre programmes leur seront proposés. «Seed» accompagnera gratuitement 14 porteurs de projets de nouvelles structures pendant un an. L’accompagnement ira de la formation de type «réalisation de plan financier» aux ateliers coopératifs en passant par l’accompagnement individualisé tel qu’il est mis en place dans les agences-conseil en économie sociale. L’accent sera mis sur les projets collectifs. Un deuxième programme, nommé «Blossom», accompagnera quant à lui six à huit projets dans une stratégie de changement d’échelle pendant deux ans. Ici, 500 euros de participation seront demandés. La formation se passera chez Solvay. Des séminaires concernant l’impact social et les spécificités des changements d’échelle des entreprises sociales seront également proposés.
Ces deux programmes seront opérationnels dès cette année. Deux autres seront organisés l’année prochaine. «Innovation sociale» aura pour objectif d’identifier les besoins sociaux insatisfaits à Bruxelles et de voir lesquels d’entre eux pourraient donner lieu à des projets d’entrepreneuriat social censés les combler. «Catalyseur», quant à lui, tentera d’endosser un rôle d’ensemblier. L’objectif sera de rassembler ou de mettre en filière des projets déjà existants mais épars, afin qu’ils puissent trouver des solutions communes à certains enjeux.
Le jour après Feder
Face à cette offre, les candidatures ont été nombreuses, une cinquantaine au total pour «Seed». La sélection s’est opérée sur des critères comme le respect de la définition Emes ou la viabilité économique. «Beaucoup de projets sont centrés sur le vieillissement des personnes âgées, la mobilité, la culture, l’alimentation durable», souligne Sabrina Nisen. Pour mener sa mission à bien, Coopcity bénéficie d’un budget de quatre millions d’euros, financés par le programme européen Feder 2014-2020. Pour la suite des opérations, après 2020, la structure est par contre encore en pleine phase de réflexion. «Nous voulons bien sûr perdurer au-delà des financements Feder. Pour cela, il faudra trouver notre propre modèle économique. Peut-être qu’on va devoir s’accompagner nous-mêmes…», s’esclaffe Sabrina Nisen…
Bruxell-ES
Parallèlement à Coopcity, l’appel à projets «Bruxell-ES» – pour Bruxelles entrepreneuriat social – vient de dévoiler les noms des onze projets qui pourront bénéficier d’une aide allant de 2.000 à 6.000 euros. Bruxell-ES est une initiative indépendante de Coopcity et se situe dans la lignée des appels à projets Impulcera. Elle est gérée par SAW-B. «Il s’agit de projets qui avaient déjà ciblé ce dont ils avaient besoin et qui ont participé à l’appel à projets afin de combler ce besoin», explique Sabrina Nisen. Les moyens reçus leur permettront donc de se faire accompagner où bon leur semble. 40.000 euros ont été débloqués par le cabinet de Didier Gosuin (Défi), ministre bruxellois de l’Emploi et de l’Économie pour cet appel à projets.
Aller plus loin
«Il était une fois l’économie sociale et l’entrepreneuriat social», Alter Échos n°406 du 8 juillet 2015, Julien Winkel.