Eddy Deruwe 1 a participé, il y a six mois, à la seconde bourse d’achat collectif d’immeubles organisée par la Ville de Bruxelles. A cette occasion, il a acquis un immeuble encopropriété avec 17 autres personnes. Ayant participé à la première bourse d’achat, il nous a expliqué l’origine du projet, les problèmesrencontrés, mais aussi la force du projet.
«Au départ, tout vient d’une réflexion commune qui s’est développée au sein de l’association «Bruxelles Ville Libre», lors de l’occupation del’Hôtel Central, en 1995. Les gens se sont rendu compte qu’il était possible de se mettre ensemble pour acquérir des bâtiments. L’une d’elles, Wim Emmerechts, a ensuitedéveloppé cette réflexion au sein de la Délégation Pentagone de la Ville de Bruxelles, qui a organisé les deux bourses d’achat. Lors de la première,un groupe s’est constitué et a été jusqu’à offrir 26 millions pour un immeuble. Pour finir, c’est un promoteur qui l’a emporté. Même chose pour un autreimmeuble qu’un promoteur a acheté pour le convertir en lofts. Bref, rien n’a abouti du côté des particuliers. Cependant, un acquis s’est dégagé de cesexpériences : la mise sur pied d’un groupe, le développement d’un savoir-faire pour gérer un bâtiment, … Par la suite, le groupe de candidats-acheteurs du premierimmeuble s’est scindé en quatre groupes, chacun développant un projet différent et s’élargissant à d’autres personnes. C’est ainsi que la seconde bourse, cetteannée, a rencontré plus de succès auprès des particuliers. Personnellement, j’ai acheté en copropriété, avec 17 autres personnes 2, un ancien immeubleindustriel de 4000 m2. Nous avons introduit rapidement le permis de bâtir et nous espérons commencer la rénovation vers mai-juin 99 pour la terminer fin décembre et yentrer début 2000».
AE – Est-ce que des associations achètent des immeubles lors de cette bourse?
ED – Non. Dans toutes les démarches d’achat collectif, ce sont des personnes. Les associations ont déjà d’autres activités qui leur prennent du temps. Pour que celamarche, il faut l’énergie de chacun, qu’il s’y investisse vraiment, parce qu’il est directement concerné. Les gens qui veulent se contenter d’acheter, sans s’investir, quittentrapidement le groupe. Il y a des risques financiers pour chacun, même s’ils sont limités, mais quand nous avons acheté le bâtiment, nous n’étions même passûrs d’obtenir un prêt hypothécaire… Cela n’empêche pas les personnes d’avoir le soutien des associations qui offrent des conseils techniques ou une infrastructure pour queles gens puissent se réunir. Si les associations portaient ces achats, elles deviendraient des promoteurs. Or, dans ce cadre-ci on sort des relations promoteurs-individus. La dynamique degroupe est très importante dans l’achat collectif.
AE – Pourquoi ?
ED – Dans la démarche promoteur-client, le promoteur détermine tout. Il n’a pas à tenir compte d’une dynamique de groupe. Dans le cadre d’un achat collectif, tout le groupe doitse mettre d’accord sur l’acte de base, le prêt hypothécaire, … Le processus est plus lent, cela prend du temps pour aboutir à des actes financiers et administratifs. Or dansl’immobilier, le temps est capital. Le groupe doit parfois avoir des phases de négociation très rapide, car il y a des actes qui ne peuvent attendre, telle l’introduction du permis debâtir. Dans notre projet, nous avons décidé d’appliquer le principe du développement durable – récupération d’énergie, utilisation d’énergiesolaire, … Cela va coûter cher au départ, il faut donc que tous soient d’accord sur le principe, puis il faut concrétiser tout cela au niveau des budgets et l’inscrire dans lepermis de bâtir qui lui doit être introduit au plus vite».
AE – Et les autres groupes ?
ED – Ce qui est intéressant c’est qu’un premier groupe opère une reconversion de logements vers le logement, un second une reconversion de bureaux vers le logement. Nous-mêmes enopérons une de l’industriel vers le logement. Ce qui cadre avec les tendances impulsées dans le centre ville. Le succès remporté par la deuxième bourse est dûau fait que les gens sont plus décidés qu’à la première, ils ont appris à calculer, à oser. Une prochaine bourse devrait avoir lieu en juin 99.
1 Notons que dans cet article, Eddy Deruwe s’exprime à titre personnel et non en tant que représentant du Centre urbain dont il est par ailleurs responsable.
2 En temps ordinaire, les achats collectifs se font à 3-5 personnes, ici ces achats regroupent, en moyenne, 10 personnes.
Archives
« Bruxelles : la bourse d’achat collectif d’immeubles en pratique »
Alter Échos
21-12-1998
Alter Échos n° 43
Alter Échos
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