Si des initiatives existent, elles sont souvent cantonnées à des projets de quartier. Pourtant, certaines communes en appellent à plus d’audace dans la mise en place des budgets participatifs.
Commune de 4.000 habitants, Olne voulait faire participer cette année ses citoyens aux décisions budgétaires de l’entité. L’idée était de les impliquer en leur demandant leur point de vue sur le type d’investissements prioritaires à réaliser. L’ambition était grande et surtout très différente des budgets participatifs existants en Wallonie. «Il n’existe qu’une seule voie actuellement: dédier un petit budget à des citoyens qui le prennent en charge pour une action dans leur quartier», explique le bourgmestre de la commune, Ghislain Senden. Elle est cadrée par la Région avec des citoyens généralement tirés au sort. À notre niveau, on s’est demandé s’il n’était pas plus intéressant de permettre aux citoyens qui le souhaitent de participer à la compréhension et à l’élaboration du budget communal dans son entièreté.
«Je n’ai pas les moyens, ni humainement ni financièrement, de supporter ce projet.» Paul Furlan (PS), ministre des Pouvoirs locaux
Pour mener à bien ce projet, la commune avait besoin de 50.000 euros. «Cette somme devait permettre aux citoyens intéressés de découvrir l’élaboration d’un budget communal, puis de participer aux débats sur l’ensemble du budget avec la prise en main pour l’un ou l’autre projet par des groupes citoyens.» La Fondation Roi Baudouin avait trouvé l’idée originale et était même prête à débloquer 37.500 euros, à la seule condition que la Région soutienne le projet. La commune s’est alors tournée vers Paul Furlan (PS), ministre des Pouvoirs locaux, qui a refusé de soutenir ce budget citoyen, faute de moyens. Interpellé à ce propos au parlement, le ministre s’explique: «J’ai été sollicité par la commune d’Olne comme par beaucoup d’autres communes qui développent des formes de démocratie participative sur leur territoire. Je n’ai pas les moyens, ni humainement ni financièrement, de supporter ce projet. Des projets participatifs sous de multiples formes sur le territoire sont différents selon les cas. Selon moi, cela relève pleinement de l’autonomie communale.»
En attendant, la commune d’Olne compte se replier sur des projets participatifs de quartier. Depuis 2012, en Wallonie, l’article L1321-3 du Code de la démocratie locale consacre le budget participatif. Plusieurs initiatives existaient depuis longtemps, mais depuis quatre ans maintenant, le conseil communal a la faculté d’affecter une partie du budget à des projets émanant de comités de quartier ou d’associations citoyennes. Concrètement, des dossiers émergeant de débats entre citoyens sont payés par les finances communales et gérés ensemble par les politiques et les citoyens.
Pédagogie à 10%
Ainsi, le CPAS de Charleroi octroie chaque année 30.000 euros et soutient plus d’une quinzaine d’initiatives, avec un maximum de 2.500 euros par projet. Les projets doivent répondre aux critères suivants: lutter contre les formes d’exclusion, renforcer le lien social, avoir un impact positif sur les personnes en situation de précarité… Le dernier appel à projets s’est clôturé le 19 décembre 2016. En général, entre 60 et 70 projets sont déposés. Au fil du temps, ce budget a débouché sur le financement de projets diversifiés tels que des ateliers de l’interculturalité, des cours de chant en alphabétisation, l’ouverture d’une boulangerie pour personnes précaires… «Même s’il ne s’agit pas de gros budgets, ce processus a permis de faire une place aux initiatives citoyennes, notamment par une meilleure connaissance entre les acteurs publics et associatifs», explique Frédéric Abaigar, responsable du budget participatif au CPAS de la métropole wallonne.
Depuis 2002, Thuin a aussi mis en œuvre un budget participatif: 100.000 euros sont ainsi octroyés en 2016, contre seulement 5.000 au début. L’objectif est de permettre le financement de projets contribuant à la créativité des quartiers. «Ils sont le reflet de besoins réels qui ne parviendraient pas facilement à trouver une concrétisation par les chemins habituels de l’administration, constate Philippe Blanchart, bourgmestre faisant fonction. Pour les citoyens qui s’impliquent, la dimension pédagogique est essentielle. Puis, un dialogue différent se noue entre les élus, l’administration et les citoyens. La commune s’ouvre à des avis originaux et s’en inspire tandis que les habitants découvrent les réalités de la gestion d’une commune de 15.000 citoyens.» En 15 ans d’existence, la démarche s’est accompagnée aussi de la création d’un conseil communal de quartier. Chaque quartier élit deux conseillers pour trois ans. En tout, 36 représentants composent ce conseil. Ils sont les interlocuteurs de la commune et se réunissent deux fois par an. Ils disposent d’un budget général et chaque quartier avance ses projets. Le conseil des quartiers vote pour désigner ceux qui seront financés par le budget participatif. «De nombreux projets ont trait à l’aménagement de l’espace. Au moins neuf projets sur dix avec, par exemple, le réaménagement de sentiers, l’installation de bancs, l’ensemencement de talus avec des variétés locales ou la construction d’un kiosque à musique», ajoute Philippe Blanchart. Plus que le budget participatif, les autorités locales ont constaté que ce n’était pas tant le budget participatif qui intéressait les citoyens, mais bien plutôt la possibilité de venir expliquer leurs problèmes dans le cadre de ces réunions de quartier. «Cela dit, cela implique seulement 10% de citoyens.»
Projets formalistes
Malgré ces différentes initiatives, les expériences de budget participatif tardent à se généraliser. En 2002, peu après le forum social de Porto Alegre, Elio Di Rupo, alors tout nouveau bourgmestre de Mons, importait le budget participatif avec l’intention de tenter le coup en Belgique. Les autorités communales montoises avaient choisi Jemappes pour mener une expérience pilote. Quatorze ans plus tard, le budget participatif a vécu… Dès 2005, le processus s’est essoufflé. La faute à un projet lourd, trop formaliste. Le projet initial prévoyait de permettre aux citoyens d’avoir un droit de regard sur les dépenses mais aussi sur les recettes du budget communal. Par la suite, le champ d’intervention du budget participatif a été réduit aux seuls investissements. «En effet, l’expérience ne s’est pas avérée très concluante car il n’est pas simple pour les citoyens impliqués de voir l’intérêt général et non l’intérêt particulier. De plus, l’expérience était chronophage», reconnaît Juliette Picry, porte-parole de la Ville de Mons.
«[…] On discute de ressources limitées, on ne permet pas une réflexion sur les finances publiques et encore moins d’avoir une réelle influence sur les décisions politiques.» Fanny Thirifays, de l’asbl Periferia
Retour à Olne. Spécialiste du budget participatif, l’asbl Periferia devait accompagner la commune dans la mise en place de son projet. «La difficulté majeure est qu’on ne donne pas accès aux citoyens à un niveau de débat global, qui leur permettent de repenser la transformation de son environnement, de participer aux décisions politiques. Les budgets participatifs belges prennent souvent la voie d’un appel à propositions citoyennes: ils financent des microprojets portés par des citoyens, souvent à hauteur d’un budget maximal limité, analyse Fanny Thirifays, de l’asbl Periferia. Bref, on discute de ressources limitées, on ne permet pas une réflexion sur les finances publiques et encore moins d’avoir une réelle influence sur les décisions politiques, on ne recrée donc pas un lien entre les élus, l’administration et les citoyens.» Puis, selon Fanny Thirifays, on oblige souvent les citoyens à réaliser les projets eux-mêmes. «Là aussi, on les cantonne à des projets qui sont à leur portée, très locaux et pas trop techniques. Ils ne peuvent réaménager un espace public seuls, ni repenser la mobilité… Rares sont les expériences où les citoyens jouissent de l’appui des services techniques pour monter leur projet.»
Lire le dossier «La participation, piège à cons ?», Alter Échos, n°409, septembre 2015.