Les missions locales ont les jeunes en ligne de mire… mais avec de bonnes intentions. Coup d’œil du côté du projet « Trajectoire jeunes »1, à Anderlecht.
A l’instar de ce que la mission locale d’Ixelles a développé depuis quelques années (le projet « Young Invest ») (voir encadré), la mission locale d’Anderlecht s’est aussi dotée d’un service entièrement dédié aux 18-30 ans, situé en bas des tours de logement du square Albert Ier. « Nous nous trouvons en quelque sorte en dessous des appartements où vivent les jeunes que nous cherchons à accrocher », sourit Yaël Wischnevsky, coordinatrice de « Trajectoire jeunes ».
Ce « public cible » est caractérisé par un parcours fait de décrochages, de problèmes scolaires, auxquels viennent souvent s’ajouter des facteurs liés au surendettement, à la santé, ou aux questions sociales. Et puis, chose importante, il habite dans la zone « Canal-Midi » puisque le projet « Trajectoires jeunes » est né il y a un peu moins d’un an dans le cadre du contrat de quartier couvrant celle-ci. Il faut dire qu’ici, comme dans d’autres communes bruxelloises, le chômage des jeunes est un problème endémique : sur les 40 % de personnes sans emploi dans le coin, 46 % d’entre elles sont âgées de 18 à 30 ans…
Une attitude souple
Face à cette situation, le projet de la mission locale tente d’apporter des solutions particulières pour ce public particulier. Un public « pour qui le dispositif classique des missions locales de type « permanences – suivi par un conseiller – mise en formation » ne convient pas toujours. Tout ce qui est lié à un parcours structuré pose problème », explique notre interlocutrice. Il n’empêche, le « premier contact » avec les 100 jeunes qui ont été suivis depuis que le projet existe a tout d’abord eu lieu par l’entremise d’une très classique permanence organisée les mardi et mercredi après-midi. Des séances d’information sont également organisées chez certains partenaires, comme le service jeunes du CPAS d’Anderlecht. « Au premier accueil, nous analysons la demande du jeune, nous voyons où il en est. La plupart des jeunes qui viennent nous voir ont un projet professionnel, mais ils ne sont pas du tout au courant de ce en quoi consiste le monde du travail. Il y a aussi parfois des lacunes au niveau de l’attitude, du comportement. Nous travaillons donc là-dessus et nous essayons de convenir de deux ou trois choses à faire », détaille Yaël Wischnevsky. Un jobcoaching « traditionnel » est aussi prévu, avec suivi pendant six mois une fois un travail obtenu.
Là où la « touche » du projet se fait plus spécifique, c’est dans la suite des opérations. « Trajectoire jeunes » tente en effet d’adopter une attitude souple face à ce public en difficulté et à certains problèmes de ponctualité ou de manque de résultats. « En cas de retard ou d’absence à un entretien, le conseiller va rappeler le jeune, en discuter avec lui », illustre la coordinatrice. Jusqu’il y a peu, en cas de difficultés persistantes, le jeune pouvait être redirigé vers un « module de remotivation » qui travaillait sur certaines compétences transversales comme la communication, l’organisation, le tout sur une période de quatre semaines.
Divisé en deux temps, le module comptait ainsi une partie « participative » travaillant sur base de mises en situation, de jeux de rôles, d’ateliers (notamment des ateliers cirque avec l’asbl « Cirqu’conflex ») ou de témoignages de personnes issues du secteur de l’entreprise et une partie « collective » matérialisée par la réalisation d’un journal de quartier. « Les jeunes étaient parfois sceptiques, parce qu’ils sont dans une optique où ils veulent quelque chose de « concret », explique Yaël Wischnevsky. Mais une fois que nous leur expliquions le bénéfice qu’ils pouvaient retirer de ces activités, notamment en termes de « réveil de compétences », ils étaient tout de suite partants. » Mis en place une fois, en octobre, le module remotivation s’est bien passé, mais s’est notamment heurté à deux problèmes : la difficulté à accrocher le public dit « cible » et à mener une sensibilisation efficace à l’adresse des associations de quartier.
Accrocher le public cible
Ces deux écueils sont en quelque sorte récurrents pour « Trajectoire jeunes ». En ce qui concerne le partenariat, un travail a été fait, même s’il n’est pas toujours évident à mener puisque le subside reçu dans le cadre du contrat de quartier couvre les salaires, mais pas les actions à mener. Cela dit, les partenaires ont donc été sensibilisés, mais ont surtout orienté un public de jeunes « classiques ». « Beaucoup de jeunes qui viennent chez nous ont en effet, je l’ai déjà dit, un projet. Ils ne sont donc pas dans notre public cible, qui touche plutôt les jeunes en décrochage important, explique Yaël Wischnevsky. Ils n’entrent donc pas en ligne de compte pour le module remotivation. » Résultat des courses, ce module sera maintenu, mais à la carte. Il fera partie d’une période de formation, systématisée, dont le contenu sera établi à la demande. Des « minimodules » d’un jour ou deux seront également opérationnels à partir des mois de mai/juin sur des thématiques très précises et à la demande également.
Quant au public cible, « Trajectoire jeunes essaiera de travailler avec le service prévention, et les antennes scolaires afin de pouvoir le toucher. Ce sont eux, ces jeunes qui « tiennent le coin » qui sont notre objectif », enchaîne Yaël Wischnevsky. Un public cible qui a tout de même été particulièrement concerné par une formation mise sur pied par « Trajectoire jeune » en collaboration avec le Cefora, qui a pour ce faire engagé 3/4 des moyens. Organisée pendant six mois et centrée sur le métier de magasinier/cariste, elle a concerné des jeunes « tout à fait dans notre public », se félicite notre interlocutrice. Seul problème, ces jeunes « qui n’auraient jamais été pris en formation ailleurs » ont nécessité une attention de tous les instants et au cas par cas qui, s’il fallait réitérer l’expérience, demanderaient des moyens supplémentaires. « Nous allons respirer un grand coup et faire le point, maintenant que les jeunes sont en stage », sourit Yaël Wischnevsky.
Un moment aussi pour réfléchir à « l’après-contrat de quartier », qui prendra fin, avec les financements, en 2014. « Quatre ans c’est peu, regrette Yaël Wischnevsky. Il faut du temps pour s’installer dans le quartier, faire démarrer le projet. Si nous ne trouvons pas d’autres sources de financement ou si le contrat de quartier n’est pas prolongé, c’est quand les choses fonctionneront bien qu’elles s’arrêteront… » Un appel du pied ?
1. Trajectoire jeunes :
– adresse : square Albert Ier, 16 à 1070 Anderlecht
– tél. : 02 524 21 45
– courriel : info@trajectoirejeunes.irisnet.be
Aller plus loin
Alter Echos n° 322 du 11.09.2011 : Aider certains jeunes à trouver un emploi