«Noyé dans votre repassage? Testez notre savoir-fer‡» est le slogan de l’actuelle campagne publicitaire menée par Albertine Jordao, la gestionnaire del’atelier de repassage Carolomannes1. Créé en 1995, ce projet est intégré aux services proposés par le centre de Santé mentale «La Pioche»à Marchienne-Docheries qui accueille des personnes en grande difficulté de vie et possède une maison de quartier. Partant du constat que des femmes avaient quelque chose àdonner, à valoriser et avaient du temps, il restait à concilier ces deux aspirations et à les concrétiser.
Depuis son déménagement en avril 2001 sur le site d’économie sociale de Monceau-FontaiNES, Carolomannes a vu son fichier d’adresses s’accroîtred’une centaine de nouveaux clients (235 à ce jour) et ses dépôts dans les entreprises augmenter de 30 %. Le concept: le client dépose sa manne de linge propre et secet la reprend au maximum 48 h plus tard. Quatre ouvrières repasseuses et deux encadrantes offrent ce service de repassage professionnel. Le projet est financé par le FSE. Lesrentrées propres sont loin dg couvrir les besoins de l’atelier (500.000 FB de recettes, soit 12.395 euros). Le statut des ouvrières: une article 60 et trois personnes enactivation de chômage. Projet de proximité par excellence, Carolomannes s’inscrit dans la philosophie des entreprises d’économie sociale, sans en être, statutairementparlant. Si le volet économique a son importanceý insiste Albertine Jordao, la dimension humaine y prend toute son ampleur. Nous ne travaillons pas avec de pauvres chômeuses, lesclients ont besoin de nous. Nous nous faisons un point d’honneur à engager des personnes «en fragilité», s’enthousiasme Albertine Jordao, et elles sont fièresd’être reconnues comme travailleuses. Dans une autre entreprise, elles décrocheraient, alors qu’elles possèdent un fort potentiel de travail. Mais cette énergie va danstous les sens et il est nécessaire de la canaliser. Elles sont capables de produire un rythme de production soutenu, de faire des heures supplémentaires pour récupérer unretard parce qu’elles savent que le client vient chercher sa manne le lendemain. Elles ont une volonté du travail bien fait. Bien sûr, elles doivent parfois rectifier des erreurs. Ellesexpérimentent et cherchent ensemble des solutions. Cela fait partie du management que d’accompagner ces femmes à dépasser leurs peurs, à développer leur polyvalenceet de les considérer comme des collaboratrices.
Pour Albertine Jordao, l’atelier est un moyen de transition et non une finalité en soi, même si ce n’est pas confortable parce qu’il faut réengager du personnel.
üPasser par notre atelier, c’est mûrir un projet.» Carolomannes encourage ses travailleuses à chercher autre chose, à être fidèles àelles-mêmes, à leur désir. Du reste, l’atelier doit tourner. Il est important de garantir une stabilité du noyau dur des travailleuses de Carolomannes pour assurer unservice de qualité et régulier aux clients. «Le contrôle? Il vient des clients, et c’est bien plus désagréable», fait remarquer la gestionnaire del’association. Projet d’insertion socioprofessionnelle ou pas, l’exigence du client est identique. En même temps, lorsque ce dernier est satisfait, il le dit. Se créentainsi des connivences, se restaurent peu à peu la confiance et l’estime de soi.
L’arrivée de contrats à la suite de prospections engagées et en cours auprès des écoles et des directions des ressources humaines des entreprises de larégion de Charleroi (Cora City, Innovation, l’aéroport de Gosselies…), ne garantit pas encore l’autonomie et la viabilité financière de Carolomannes. Laconcurrence avec les tarifs des ALE et des «travailleuses en noir» est ardue. Les clients ne sont pas prêts à payer le double pour un service qu’ils sollicitent souventquand ils sont débordés. Et les vêtements sont encore frappés du sceau de l’intime, observe Albertine Jordao. Nous n’avons pas non plus des ouvrières quirepassent une chemise en deux minutes. Dans notre atelier, nous prenons six minutes. Accroître la productivité, explique la manager, nécessiterait de revoir le fonctionnement del’atelier dans une perspective plus tayloriste. Or, nous visons la polyvalence: évaluer le temps de travail, assurer le contact avec la clientèle, établir les comptes,même si elles n’aiment pas ou ont peur. «Quelle victoire quand elles y arrivent! J’aime quand elles sont gaies et rient!» L’humour ajoute une plus-value àla qualité du service. La solution pour Carolomannes se trouve dans les chèques-services, qui se font attendre.
1 Carolomannes, rue Monceau-Fontaine, 42-10 à 6031 Monceau-sur-Sambre, tél.: 071 30 35 94, courriel: carolomannes@busmail.net
Archives
"Carolomannes sur le site de Monceau-FontaiNES… confier son linge à leur savoir-fer"
Alter Échos
20-09-2002
Alter Échos n° 127
Alter Échos
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