La directive de l’Onem du 7 juin 2011, revue le 6 octobre, fait grand bruit dans le milieu artistique, qui se mobilise. Coup de projecteur juridique sur un statut qui n’en est pasun.
Qu’est-ce qu’une directive de l’Onem ? C’est une note de la direction vers ses bureaux régionaux concernant l’interprétation d’un voletparticulier de la législation. Ce n’est donc aucunement un changement dans la législation. L’Onem et le cabinet de la ministre de l’Emploi répètentà l’envi que rien ne change. Simple rappel de la loi ? Voire. « Il faut être conscient qu’une directive administrative n’a pas de force légale.Si elle n’est pas en accord avec la loi, il y a moyen de s’y opposer », estime l’avocate Anne Rayet1, spécialiste du statut social et fiscal del’artiste.
La règle du cachet
Rappelons que ce qu’on appelle le statut d’artiste repose sur deux règles concernant l’allocation de chômage, la première s’appuyant sur l’article 10 del’Arrêté ministériel du 26 novembre 1991.
Pour bénéficier de l’assurance chômage, il faut avoir cotisé. Simple logique de la sécurité sociale. En règle générale, la loiprévoit un stage de 312 jours de travail sur une durée d’un an et demi. C’est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup pour des professions où les prestations sontrares et de courte durée comme les artistes. Peu au regard du droit au chômage qui peut durer fort longtemps. L’article 10 propose une règle spécifique, diterègle du cachet, permettant de prendre en compte la rémunération plutôt que la durée de travail (5,77 h au minimum pour une journée) en ce qui concerne lesartistes de spectacles et les musiciens. Le cachet minimal pour que la prestation soit prise en compte a été fixé à 37,70 euros.
Dans la pratique, on a assisté à deux extensions. Via certains bureaux sociaux pour artistes, on a assisté au saucissonnage des contrats transformant par exemple uneprestation à 377 euros en dix jours de travail à 37,70 euros par jour, ce qui n’est pas prévu par la loi. Et on a appliqué la règle à toutes lesprofessions artistiques, voire au-delà. Ce sont ces extensions qui sont visées par la directive. « Le procédé est d’autant plus critiquable que l’onpeut obtenir l’accès aux droits via des prestations autres qu’artistiques. Certains arguent d’un principe de bonne administration. Peut-on revendiquer une espèce dedroit acquis en la matière sur la base de l’usage ? Je n’y crois pas. Le principe de bonne administration ne peut supplanter la légalité », estimeAnne Rayet.
Mais quid des créateurs et des auteurs alors ? « Ils dépendent de la réglementation générale de la sécurité sociale concernant lestravailleurs salariés. On présume donc que les artistes en font partie. Les bureaux sociaux pour artistes qui transforment des cachets en salaires sont donc dans l’application decette règle », précise l’avocate.
La règle du bûcheron
La seconde règle mise à mal concerne le maintien dans les droits et le calcul de l’indemnité. L’article 116 organise le calcul de l’indemnité. Pendantsa première année de chômage, le travailleur a droit à une indemnité équivalant à 60 % de sa dernière rémunération(plafonnée). Après un an, celle-ci diminue. L’article 116 §5 prévoit que cette règle de dégressivité ne s’applique pas aux personnesexerçant des « contrats de très courte durée » : c’est la fameuse règle du bûcheron. « Mais il n’est nullementquestion de secteur artistique. L’Onem invoque désormais devoir prouver que la pratique des contrats de courte durée est de mise dans un secteur en particulier, c’est toutà fait faux. Le point de vue de la loi part de la situation des personnes, pas des secteurs. Le point de vue de l’Onem ne tient pas la route juridiquement », estime AnneRayet.
L’agitation du secteur au moment où les débats sur l’assurance-chômage sont au cœur des discussions politiques sera-t-elle productive ? Récemmentdans nos colonnes, Yves Martin, ancien administrateur de Smart2 et aujourd’hui administrateur délégué d’Artistes et créateurs au travail(ACT)3 estimait que l’adoption d’un vrai statut passerait par la transformation d’une allocation de chômage en allocation de travail. Voilà unehypothèse certes utopique, mais qui mériterait pourtant qu’on l’examine ?
1. Anne Rayet est avocate au barreau de Bruxelles. Afschrift et associés, avenue Louise, 208 à 1050 Bruxelles.
2. Voir aussi article « SmartBe : nettoyage sous la voûte du Palais » dans ce même numéro.
3. Artistes et créateurs au travail :
– adresse : rue Emile Feron, 70 à 1060 Bruxelles
– site : www.act-asbl.be