La Belgique compte deux centres d’observation et d’orientation pour Mena (COO)1. La mission de ces centres est d’aiguiller les mineurs étrangers non accompagnés vers unsecond accueil adapté à leur profil. Reportage au COO de Neder-Over-Heembeek.
C’est derrière l’hôpital militaire que se cache le centre d’observation et d’orientation pour Mena de Neder-Over-Heembeek. Le style architectural du bâtiment, unbloc de béton comme posé sur le sol, laisse l’impression d’un cadre peu amène pour un centre destiné à accueillir des enfants. Néanmoins, une fois franchi lepas de la porte, l’ambiance se réchauffe un peu grâce à ces quelques groupes d’adolescents qui semblent à première vue détendus, plaisantant avec lesassistants sociaux. Les murs du couloir d’entrée sont ornés de fresques peintes par ces mineurs en exil. Ces « totems », censés représenter une partde leur histoire, laissent entrevoir les difficultés qu’ils ont dû affronter. L’un de ces tableaux représente la violence des talibans sous les yeux impuissants du personnel de laCroix-Rouge. Qu’ils soient afghans, irakiens ou guinéens, demandeurs d’asile ou sans-papiers, la règle est censée être la même, le COO est un centre de premieraccueil qui vise, par l’observation du mineur, à proposer l’orientation la plus adéquate pour la suite de son séjour en Belgique, en collaboration avec le tuteur du mineur. Cetaccueil est par essence transitoire, il ne peut théoriquement durer plus d’un mois. La réalité de terrain est évidemment plus complexe : les mineurs ne trouvent pastoujours de place et les délais d’orientation sont difficiles à tenir.
Il y a deux centres d’observation et d’orientation en Belgique, le centre de Neder-Over-Heembeek et celui de Steenokkerzeel, créés en 2004 et 2005 et gérés parFédasil, l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile. Ces deux centres ont pour principale vertu d’éviter la détention d’enfants étrangers encentres fermés et offrent un premier accompagnement adapté à leur âge, lorsqu’ils arrivent en Belgique. La présence des Mena est basée sur leur consentement,mais les centres sont censés être sécurisés, les allées et venues sont contrôlées. Le personnel du centre a pour mission d’aider le jeune à« se poser » le temps de son séjour, à faire le point sur son parcours, à régler d’éventuels problèmes médicaux tout enétablissant un premier profil afin de l’orienter vers une structure adéquate. Ce profil, selon la directrice du COO, Isabelle Plumat, « n’est pas un bilan définitif niune étiquette mais bien une « photographie » dans un contexte donné, de l’état d’esprit du mineur et de sa situation administrative ». Partir vers une nouvelle structured’accueil peut être vécu comme un déchirement par certains de ces mineurs, et c’est justement l’un des objectifs du COO que de les préparer à leur futur lieud’hébergement afin d’assurer une transition en douceur…, mais, dans la pratique, les places manquent cruellement.
Les COO à leur tour saturés
Les COO connaissent des difficultés, « En ce moment, seuls 10 % des mineurs qui passent par notre centre restent moins d’un mois. Par conséquent, legroupe se stabilise et on sort un peu de notre métier de premier accueil », affirme Isabelle Plumat. Ainsi, à la mi-novembre, les deux COO accueillaient 111 mineurs pour 100places disponibles. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Les mineurs demandeurs d’asile, suite à leur passage en COO, sont généralement orientés vers uncentre ouvert de Fédasil. Les délais de ces transferts s’allongent pour cause de saturation du réseau d’accueil. De leur côté, les mineurs qui n’ont jamaisdemandé l’asile paient les pots cassés de cette crise. Cette catégorie de Mena est censée être prise en charge par les services d’Aide à la jeunesse, quidépendent des Communautés. Fédasil les hébergeait en centre ouvert, le temps qu’une place se libère dans ces institutions (parfois plus d’un an). Avec la saturationdu réseau, Fédasil a mis un terme à leur accueil, renvoyant la balle aux services d’Aide à la jeunesse, eux aussi engorgés par les demandes. Il y a donc des mineursnon demandeurs d’asile qui ne trouvent de place nulle part. Parmi eux, certains font des va-et-vient entre différentes structures et passent au COO le temps de rebondir, car c’est le seul lieuqui les accueille pour des durées parfois longues. Ce type d’accueil, qui n’est plus vraiment un premier accueil, peut permettre d’offrir un aiguillage, une ébauche de viestructurée à des mineurs qui ont parfois des histoires difficiles et que personne ne semble vouloir accueillir.
Des jeunes qui gagnent ou regagnent la rue
Certains jeunes viennent au centre et en repartent, gagnent ou regagnent la rue, vivotent dans leur réseau de connaissances. Les chiffres de 2008 sur les sorties des COO interpellent :38,9 % des jeunes ont quitté le centre pour intégrer un réseau d’accueil, 4,2 % sont partis car ils étaient majeurs, une petite proportion a opéré unregroupement familial et 49 % des mineurs ont disparu. Ce chiffre impressionnant est, selon la directrice du centre, à relativiser : « Il faut voir derrière les chiffres.Parmi ces disparitions, on compte seulement 1,2 % de disparitions inquiétantes. Lorsqu’on parle de disparition inquiétante, on pense principalement aux jeunes qui sont repris par unréseau et, pour eux, un protocole d’accord a été signé entre la police fédérale, Child focus, le Parquet et Fédasil (cf. « Disparitions et retour volontaire« ). De plus, en 2009, lepourcentage de jeunes qui quittent volontairement le centre avoisine les 20 % ». Le chiffre de 49 % serait donc à mettre en perspective avec la mission assez large que se donne lecentre lui-même : « Notre travail d’aiguillage, dans les faits, va plus loin qu’un travail sur les primo-arrivants. Si un jeune vient pour bénéficier de l’accèsaux soins qu’on offre dans le c
entre, il sera reçu. » Pour les Mena qui quittent le COO et ont un vécu de rue, il n’existe pas grand-chose. Isabelle Plumat le regrette :« Ces jeunes en rupture s’adaptent mal lorsqu’ils viennent au COO, car ils n’ont pas du tout l’habitude d’une vie structurée. Il existe l’asbl Synergie 14 qui prend en charge cesmineurs étrangers en errance, mais il faudrait d’autres structures de ce genre. Synergie 14, seule, n’est pas suffisante. »
Une absence de structures adaptées pour les Mena en rupture, la saturation du réseau d’accueil des demandeurs d’asile, de longs délais d’attente pour obtenir une place eninstitution ; tous ces facteurs influent sur la capacité des COO à remplir leur mission. Au beau milieu de cet écheveau institutionnel, l’on trouve des mineurs en exil, quipoursuivent leur errance en Belgique et tentent tant bien que mal de se faire une place.
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Photos : Agence Alter asbl, Bruxelles.
1. Le COO de Neder-Over-Heembeek : rue Bruyn, 11-20 à 1120 Neder-Over-Heembeek – tél. : 02 264 43 33 ;
le COO de Steenokkerzeel : Keizerinlaan, 2 à 1820 Steenokkerzeel – tél. : 02 755 23 60.