Le 21 octobre, le Collège des médiateurs fédéraux1 présentait à la Commission de l’Intérieur de la Chambre son rapport sur lefonctionnement des centres fermés. Ce document de référence devrait ouvrir la voie à un débat de fond sur l’enfermement des étrangers et, sait-on jamais,à des propositions de loi.
Le rapport, publié en juillet dernier, est un document extrêmement complet qui clôture de nombreux mois d’enquête. Outre les députés membres de lacommission, plusieurs représentants d’ONG étaient présents le 21 octobre, espérant que ce rapport serait l’occasion d’un grand débat sur l’enfermement desétrangers.
Un document de référence
L’idée de cet audit a germé à la suite de deux événements conjoints. Tout d’abord, un rapport des ONG de visiteurs en centres fermés2,publié en 2006 et qui s’attachait à analyser une série de problèmes constatés dans les centres, grâce à de nombreuses années d’expériencede terrain. Quelques semaines plus tard, un scandale éclatait dans la presse. Des gardiens du centre fermé de Vottem dénonçaient anonymement de graves violations desdroits de l’homme et faisaient à la suite d’un témoignage du même ordre d’une ancienne infirmière. Ces diverses pièces à conviction étaiententachées d’une suspicion de « subjectivité » par l’Office des étrangers et le ministre de l’Intérieur de l’époque, Patrick Dewael (Open-VLD).Dès lors, les parlementaires ont considéré qu’il était grand temps d’exiger un document de référence, incontestable, sur la situation dans les centresfermés et leur fonctionnement.
137 recommandations pour changer les centres fermés
Désormais, le document existe et, parmi les 137 recommandations émises par le médiateur, certaines sont en phase avec ce qu’affirment des ONG depuis des années, unevictoire pour celles-ci ! L’audit mené par le médiateur devait se contenter d’évaluer le fonctionnement des centres fermés au regard du droit national et international,dont les textes de protection des droits de l’homme. On trouve ainsi au cœur du rapport un questionnement sur le recours excessif à la détention administrative desétrangers. C’est en effet un grand principe qui est rappelé par le médiateur fédéral : la détention en centre fermé ne devrait être qu’unemesure de dernier ressort… et pourtant il s’avère qu’il n’y a pas toujours d’examen de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure. Il est donc rappeléà l’Office des étrangers que la détention en centre fermé n’est pas un acte anodin et que des garde-fous doivent être mis en place ou être renforcéspour faire face à l’arbitraire.
Certaines recommandations s’attachent à souligner des changements concrets ayant trait à la vie quotidienne dans les centres. C’est ainsi qu’il est demandé à ladirection du centre fermé 127 bis de proposer aux étrangers détenus des armoires individuelles ou au centre fermé de Merksplas de rénover les salles communes. Cetype de recommandations, bien entendu, ne nécessiterait pas de modification législative, une concertation avec l’Office des étrangers devrait suffire.
Pour d’autres, il semblerait plus pertinent que le législateur intervienne, ou, au moins, que le secrétaire d’État en charge des questions d’asile et d’immigration prenne lesdevants. Voici pèle-mêle un échantillon de recommandations d’envergure dont l’impact, si elles étaient appliquées, ne serait pas anodin pour les étrangersdétenus : mettre en place une permanence juridique de première ligne dans tous les centres, mettre un terme définitif à la détention des familles avec enfants,revoir le fonctionnement de la Commission des plaintes, assouplir le régime de groupe ou encore revoir le rôle des assistants sociaux. Enfin, le médiateur fédéralpropose de mettre en place un organisme permanent de contrôle des conditions de détention dans les centres fermés.
La discussion autour du rapport a duré trois heures. La seule décision concrète prise à ce jour par les parlementaires est de « faire le point »régulièrement sur la mise en place des recommandations et de leur suivi, mais aucune date n’a été fixée. Gageons que certains d’entre eux pousseront leurscollègues vers des travaux plus approfondis, et vers la rédaction de propositions de loi sur les centres fermés qui, forcément, encourageront au débat les partispolitiques. La plupart des députés l’ont affirmé, ce rapport du médiateur est un excellent « outil » de travail, encore faut-il qu’ils sachent s’enservir, sans quoi le rapport du médiateur n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau.
1. Médiateur fédéral :
– adresse : rue Ducale, 43 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 289 27 27
– courriel : info@mediateurfederal.be
– site : www.federaalombudsman.be
2. Centres fermés pour étrangers : l’urgence du débat, octobre 2006.