Le 21 octobre, le Conseil économique et social de la Région wallonne1 a adopté son avis (n°685) sur l’avant-projet de la ministre Arena réformant l’agrémentet le subventionnement des entreprises d’insertion (EI).
Premier fait étonnant: contre toute attente, cet avis émane du Conseil lui-même, et non du Cwesma, le Conseil wallon de l’économie sociale marchande, qui avaitdécidé cet été de consacrer un groupe de travail à la préparation de cet avis. Selon la procédure liée au Cwesma, si l’avis émanedu CESRW, c’est que le banc de l’économie sociale et celui des partenaires sociaux n’ont pu se mettre d’accord au sein même du Cwesma. Or il n’en estrien… Nous y reviendrons.
« Et si on ne changeait rien? »
Deuxième fait étonnant, les partenaires sociaux sont d’avis de ne pas changer la législation existante. Les EI n’ayant fait, disent-ils, l’objet d’aucune « véritableévaluation », « globale et approfondie », le Conseil « s’interroge sur l’opportunité d’une modification des dispositionsdécrétales. » En particulier, « le Conseil note que l’interrogation essentielle quant à la capacité des entreprises d’insertion à assurer,à terme, leur viabilité financière hors subsides et à s’autofinancer, reste posée. » À signaler: ce 18 novembre est remis à la ministre lerapport final d’une mission commandée à Crédal et Febecoop sur l’évaluation financière et sociale des EI, qui a passé au crible tous les projetsagréés. Ni la première lecture de l’avant-projet ni l’avis du Conseil n’ont paradoxalement attendu ces conclusions, dont ils savaient l’imminence.
Et enfin, les partenaires sociaux contestent le bien-fondé des deux principales innovations proposées par la ministre Arena:
> La création d’une prime pour créer une fonction d’accompagnateur social lui semble aller à contre-courant du processus de spécialisation des missionsattribuées à chaque type d’opérateur, logique dont procède l’évolution récente des politiques d’insertion. L’accompagnement social doit êtreconfié à d’autres opérateurs, extérieurs. De plus, cette fonction comporte des risques de « double casquette » (entre intérêts économiquesde l’EI et intérêts de son personnel) et n’est pas assez clairement définie. Le Conseil demande que la Région ne la subventionne pas.
> L’élargissement des critères qui définissent les demandeurs d’emploi dont l’embauche donne lieu à des primes régionales est aussi contesté par lespartenaires sociaux. La suppression de la condition d’une durée de chômage de deux ans va trop loin: elle « ‘onstitue un élargissement considérable »,puisque « plus de 60 , des demandeurs d’emploi en Région wallonne » pourront entrer en EI, c’est-à-dire tous ceux qui ne disposent pas d’un diplôme du secondairesupérieur. Autrement dit, l’avant-projet « gomme la spécificité des entreprises d’insertion », spécificité qui justement « justifie lesdispositions particulières dont bénéficient ces entreprises en termes de subventionnement t. Pour le Conseil, sans durée de chômage minimum, la condition dediplôme doit se limiter au secondaire inférieur.
Une réforme compromise?
« Court-circuitage » du Cwesma, refus d’attendre les résultats de l’évaluation en cours, soupçons de « chipotages » de la procédure, sur le bancdes représentants des entreprises sociales, cet avis du CESRW est cavalier et précipité.
> Les représentants des EI (Caips et le RES) au sein du Cwesma avaient en juin avaient déposé une note donant leur position commune, « article par article ».
> À les en croire, et sans entrer dans les méandres des « incidents de procédure », le Conseil a clairement fait en sorte à plusieurs reprises de contournerle Cwesma pour élaborer un avis « entre partenaires sociaux ».
> Le CESRW pêche clairement par manque de connaissance de la situation sur le terrain, ajoute Walthère Davister de la fédération Caips. « Affirmer quel’accompagnement maintient les ouvriers des EI dans la dépendance! ».
À l’heure qu’il est, le banc économie sociale du Cwesma, même s’il se dit prêt à entendre certaines des critiques des partenaires sociaux,interpelle le Conseil en demandant une procédure de concertation pour dénoncer cet avis, explique Walthère Davister . « Même le président du Cwesma, qui nepeut en aucun cas prendre parti pour un banc, a joint sa voix à ces interpellations ». Cet avis du CESRW est plus qu’un incident : il remet en cause, nous dit-il, l’existencemême du Cwesma.
Et de se rassurer en concluant qu’au moins cet avis ne donnera pas d’arguments fallacieux à la DG Concurrence de la Commission européenne, qui vient de communiquer son feuvert à la ministre Arena sur le projet.
1 Rue du Vertbois 13 C à 4000 Liège, tél.: 04/232 98 11, site web: http://www.cesrw.be
Archives
"CESRW : avis contesté sur les entreprises d'insertion"
Thomas Lemaigre
18-11-2002
Alter Échos n° 131
Thomas Lemaigre
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