Pendant une année, le musée BELvue a donné carte blanche à un groupe de 25 citoyens d’origines et d’âges divers, sans expérience muséale, pour réfléchir au patrimoine et à ses liens avec la société d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
L’exposition C’était mieux demain est le résultat d’un projet de co-création qui pose un regard neuf sur le patrimoine de ce pays. «Le but était d’avoir des profils très différents pour rendre l’expo riche. Chacun est venu avec son bagage, son parcours, ses passions, explique Aurélie Cerf, coordinatrice de ce projet qui a demandé une année de préparation. «Cela a demandé à chacun des facultés d’adaptation assez larges. Ils ont aussi découvert les défis que représente le fait de travailler au sein d’un large groupe diversifié, où chacun a des opinions et des idées différentes», poursuit-elle. La philosophie était simple: pas de cadre ou presque. Si ce n’est de tenir compte des lieux comme de certaines contraintes techniques pour que l’exposition s’intègre dans la scénographie du musée. «On n’a par contre donné aucun cadre sur la thématique de l’exposition. Ce sont les participants qui l’ont pensée de A à Z», ajoute la coordinatrice du musée BELvue. Cette exposition a été réalisée dans le cadre de Public à l’œuvre, un projet participatif qui vise à inverser les rôles traditionnels de «musée» et de «public» et à impliquer les citoyens dans tous les aspects de la création d’une exposition dont ils choisissent eux-mêmes le thème: concept, scénographie, communication ou encore médiation.
Cette forme d’interaction intergénérationnelle entre les professionnels d’un musée et les citoyens a été lancée en mai 2019 par le musée bruxellois. Toute personne intéressée par l’histoire de la Belgique, la diversité et la culture, quels que soient son âge ou son origine, était invitée à poser sa candidature et à commencer à rêver d’une exposition au musée BELvue qui se déroulerait dans le cadre du parcours permanent du musée dédié à la Belgique et à son histoire. «On a été choisi pour notre diversité d’âges, de langues, de catégories sociales, mais le musée ne connaissait pas nos capacités artistiques. On a dû se découvrir nous-mêmes sur cet aspect-là, en découvrant les richesses des uns et des autres», raconte Joëlle, une des participantes. «Le projet est né de l’intelligence collective. Ce qui était extraordinaire, parmi cette diversité de candidats, c’est qu’il y a eu une entente magistrale, et des liens forts ont été créés», continue-t-elle. Serge, un autre participant qui s’est chargé de la scénographie de l’exposition, se félicite aussi d’une telle expérience culturelle et citoyenne: «Donner l’occasion à des personnes qui ne se connaissent pas de créer un projet commun et créatif, ce n’est pas courant, surtout dans le cadre d’un musée. Certains sont habitués à ce type de lieu, d’autres pas. Cela en fait un vrai espace de démocratie.»
Un patrimoine qui lie les individus
«Que laisserons-nous aux générations suivantes?», tel est le fil rouge de ce parcours citoyen. «Si tout le monde n’était pas d’accord sur les thématiques retenues, tous les participants s’accordaient par contre sur l’angle d’approche, la manière dont on allait développer l’exposition dans ce dialogue entre hier, aujourd’hui et demain. La volonté était que le visiteur s’empare des grandes questions posées pendant le parcours», continue Aurélie Cerf. Dans chacune des sept salles du musée BELvue, les visiteurs sont donc invités à découvrir un aspect du patrimoine matériel et immatériel de la Belgique lié au thème de la salle: patrimoine architectural, artistique, mais aussi linguistique, environnemental ou social… On y interroge tantôt l’accès à l’eau, les monnaies locales, les manifestations d’hier, celles pour obtenir de meilleures conditions de travail, comme celles liées au climat, en passant par la mondialisation ou encore les masques que nous portons pour se protéger du coronavirus. L’héritage qu’une génération lègue à une autre a de multiples facettes. «Le patrimoine, tel qu’il est envisagé dans l’exposition, s’entend dans le sens large de tout ce qui lie les individus, bien au-delà des seuls bâtiments et des traditions», résume la coordinatrice du musée.
Depuis septembre 2019, les participants se réunissaient plusieurs fois par mois au musée pour des ateliers interactifs durant lesquels ils ont fait connaissance et ont appris à mieux connaître le musée. Ils ont découvert le fonctionnement du BELvue de l’intérieur, l’équipe du musée, les expositions temporaires précédentes. En mars, trois groupes de travail avaient été formés: scénographie, médiation et communication; l’ouverture de l’exposition était prévue pour le 22 avril 2020. «Alors que la date d’ouverture se rapprochait et que le rythme des réunions allait s’intensifier, le coronavirus a tout remis en question. Les ateliers interactifs ont dû être transformés en réunions virtuelles, par groupes de travail, tout en suivant de près les évolutions de la crise», témoigne Aurélie Cerf. Malgré les circonstances imprévues et la situation difficile et incertaine dans laquelle le groupe a dû travailler, l’enthousiasme est resté intact et des solutions créatives ont été trouvées pour finaliser le parcours citoyen.
C’était mieux demain. Musée BELvue, place des Palais 7, 1000 Bruxelles. Jusqu’au 23 août et sur réservation via www.belvue.be