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Charleroi : tous dans le même bassin scolaire

Un projet pilote instaurant un bassin scolaire pour l’enseignement qualifiant dans la zone du grand Charleroi est actuellement en développement. Ambitieuse, cette initiative a pour desseind’expérimenter la mise en place d’une structure de concertation inter-réseaux et devrait permettre à l’ensemble des établissements scolaires du bassin de mener unepolitique concertée en matière d’offre d’enseignement qualifiant.

12-09-2008 Alter Échos n° 258

Un projet pilote instaurant un bassin scolaire pour l’enseignement qualifiant dans la zone du grand Charleroi est actuellement en développement. Ambitieuse, cette initiative a pour desseind’expérimenter la mise en place d’une structure de concertation inter-réseaux et devrait permettre à l’ensemble des établissements scolaires du bassin de mener unepolitique concertée en matière d’offre d’enseignement qualifiant.

Les établissements d’enseignement qualifiant des communes de Charleroi, Châtelet, Fleurus, Fontaine-l’Evêque et Gerpinnes réunis en un bassin scolaire ? S’il est encoretrop tôt pour se prononcer sur la viabilité de ce projet pilote actuellement en développement, celui-ci semble bien avancer malgré quelques difficultés. Rappelonsqu’il s’agit ici de mettre en place une structure de concertation regroupant les établissements dispensant un enseignement qualifiant dans la zone du grand Charleroi et qui appartiennent auxcinq réseaux d’enseignement (communal, provincial, Communauté française, libre non-confessionnel et confessionnel). But de l’opération : tenter de dépasserles logiques de concurrence quelquefois à l’œuvre entre établissements scolaires, afin de les remplacer par une culture de la concertation et de la coopération. Unedémarche dont le but avoué est d’aboutir à un redéploiement progressif de l’offre d’enseignement qualifiant dans une perspective de développementterritorial.

Si le dossier se révèle sensible, il semble néanmoins avancer peu à peu comme le confirme Frédéric Ligot, conseiller en charge du dossier au cabinet deRudy Demotte, ministre-président de la Communauté française1, et qui a également traité le dossier en collaboration étroite avec le cabinet deChristian Dupont, ministre de l’Enseignement obligatoire de la Communauté française2. « Nous avons mis en place un groupe de pilotage composé d’une dizainede personnes issues d’établissements scolaires des différents réseaux. Celui-ci avait pour but d’élaborer un règlement d’ordre intérieur de base du bassin(dont le but est de préciser la composition de l’instance plénière, du bureau, ou encore les mécanismes de prise de décision) et de rédiger une noted’intention générale. Ce dernier travail effectué, le groupe de pilotage s’est autodissous il y a quelques jours. »

Une note, des enjeux, des principes d’actions

Dans les pages de cette note d’intention générale, on retrouve le principe fondateur de l’initiative puisqu’il y est dit que l’ « on peut penser que le fait d’assurerà l’ensemble de l’offre d’enseignement qualifiant présent sur un bassin une plus grande cohérence […] permettra d’accroître progressivement son attrait et de participerainsi à sa nécessaire revalorisation. » Un objectif à propos duquel Frédéric Ligot déclare : « Il est vraiment important que l’on revalorisel’offre d’enseignement qualifiant sur la zone du grand Charleroi. C’est ce bassin qui a l’indice socio-économique le plus faible de la Communauté française. Pour rappel, avec60,6 % des demandeurs d’emploi n’ayant pas dépassé le niveau de l’enseignement secondaire, la proportion de demandeurs d’emploi peu qualifiés sur la région de Charleroiest plus importante que pour le reste de la Wallonie. Il est également à noter que 36 % des demandeurs d’emploi ont moins de 30 ans. À mon sens donc, on ne peut travaillerefficacement au redressement socio-économique d’une région sans s’intéresser aux questions de cohérence, de pertinence et d’efficacité des filièresd’enseignement qualifiant et de formation professionnelle. Dans ce cadre, cette initiative est importante car trop souvent, les acteurs du monde scolaire ne se connaissent pas et agissent chacun dansleur coin alors qu’ils ont les mêmes publics, les mêmes difficultés et travaillent sur les mêmes enjeux. Il importe vraiment de décloisonner le milieu. »

Si ce décloisonnement s’avère nécessaire, il ne peut bien sûr se faire qu’avec la pleine collaboration des acteurs et des établissements scolaires. Un point quipourrait se révéler épineux puisque la note d’intention prévoit que le projet de bassin scolaire repose sur la participation volontaire et non contrainte desécoles. « Néanmoins, nous avons également prévu une série d’incitants spécifiques à destination des écoles désireuses de rentrerdans cette collaboration et de revisiter leur offre d’enseignement », continue Frédéric Ligot. On le voit, le but est donc d’inciter un maximum d’établissementsà participer au bassin (une quarantaine d’écoles sont ainsi concernées pour la zone du grand Charleroi). Il serait même possible que l’instance de concertation puisse,à terme, et toujours sur une base volontaire, être élargie à d’autres opérateurs scolaires (enseignement de promotion sociale) et non scolaire (Ifapme et Forem).

Du fonctionnement de l’instance de concertation

En ce qui concerne le fonctionnement de l’instance de concertation proprement dite, tous les dossiers d’harmonisation ou de redéploiement de l’offre d’enseignement susceptiblesd’activer des incitants seront traités par elle. Pour procéder à une prise de décision à ce sujet, l’accord unanime des mandataires de chaqueréseau sera nécessaire, de même que l’avis positif du Comité subrégional pour l’emploi et la formation (CSEF) de Charleroi, également membre de l’instance deconcertation. Une manière de donner un maximum de légitimité aux mesures prises par l’instance. « L’aval du CSEF sera le garant d’une adéquation des décisionsprises en matière d’offre d’enseignement par rapport aux enjeux socio-économiques propres au bassin », affirme Frédéric Ligot à ce sujet. Si les chosessemblent donc tout doucement avancer au niveau local (Charleroi), le projet de création de bassins scolaires reste cependant encore fraîchement accueilli à d’autreséchelons de pouvoir. Structuré en réseaux, le milieu de l’enseignement en Communauté française se montre quelque peu chatouilleux dès lors qu’un projetsemble pouvoir toucher aux spécificités et à l’autonomie de ces mêmes réseaux. Des inquiétudes auxquelles Frédéric Ligot répond enaffirmant que le projet de bassin scolaire entend respecter totalement l’autonomie des pouvoirs organisateurs et des instances de concertation officielles déjà compétentesen matière d’harmonisation de l’offre d’enseignement.

Rationaliser le secteur ?

Néanmoins, quelques bémols subsistent. Ainsi le Secrétariat général de l’enseignement catholique (Segec) semble temporiser en affirmant que s’il est favorableà des concertations concernant l’offre d’enseignement qualifiant, il n’est pas a priori preneur dans la création de bassins scolaires. U
ne réserve qui vient s’ajouterà la crainte (émise par certains acteurs du milieu) que les projets de bassin scolaire ne finissent par aboutir à une rationalisation financière et humaine du secteur.Mais Frédéric Ligot se veut rassurant : « Le projet à Charleroi n’a pas pour but de rationaliser mais d’optimaliser. » « Il ne s’agit pas d’investir moins maismieux et plus », peut-on également lire dans la note d’intention du groupe de pilotage.

En tous les cas, du côté de certains opérateurs de terrain, le projet semble faire mouche. Ainsi, Philippe Anselin, directeur de l’Institut Saint-Joseph de Charleroi etmandaté avec d’autres par les pouvoirs organisateurs du libre confessionnel de la zone concernée pour participer au groupe de pilotage, émet un avis plutôt positif ausujet du projet de bassin scolaire pour la zone du grand Charleroi. « Je suis favorable à toute initiative qui aille dans l’intérêt des élèves, ce quiest le cas ici. Dans la région de Charleroi, beaucoup de diplômés sont obligés d’aller travailler en dehors de la région, ou se retrouvent mal orientésparce que leur filière ou leur diplôme ne correspond pas aux besoins de la région. Le projet de bassin scolaire devrait permettre de remédier à ce type de situation.Je crois que la zone de Charleroi, compte tenu de sa situation, ne peut plus faire l’économie de ce type d’initiative. »

Une initiative qui, comme on l’a dit, avance pas à pas : l’instance de concertation du bassin devrait être instaurée dès ce mercredi 24 septembre.

1.Cabinet de Rudy Demotte, ministre-président de la Communauté française :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 227 32 11
– courriel : cabinet.rudy.demotte@cfwb.be
– site : www.demotte.cfwb.be
2. Cabinet de Christian Dupont, ministre de l’Enseignement obligatoire de la Communauté française :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 227 33 11
– courriel : christian.dupont@cfwb.be
– site : www.christiandupont.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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