Ce 27 juin, Creasoc1 lançait son opération pilote de « chèques-expertise » pour les initiatives locales de développement de l’emploi (Ilde)et les entreprises d’insertion (EI). L’occasion, pour les partenaires et les nombreux professionnels présents, de faire le point sur les enjeux du secteur, un an aprèsl’entrée en vigueur de l’ordonnance sur l’économie sociale.
Empêché, le ministre bruxellois de l’Emploi, Benoît Cerexhe2, a via sa représentante, rappelé le rôle spécifique du partenariat Creasocdans le paysage de l’économie sociale bruxelloise. Compte-rendu autour d’une enquête et de 4 enjeux.
D’abord des chiffres, issus de l’enquête menée récemment par Creasoc. À ce jour, 38 entreprises sont agréées en Région bruxelloise : 34en Ilde et 4 en EI. Soit un potentiel de 400 emplois.
L’enquête réalisée auprès de 30 entrepreneurs du secteur permet notamment d’identifier des besoins qu’ils estiment non rencontrés, malgrél’appréciation positive qu’ils font de l’information disponible. Parmi ces besoins, ceux relatifs à la gestion des conflits, de l’interculturalité et dela fidélisation des chefs d’équipe sont pointés en bonne place. Plus globalement se pose la problématique du positionnement dans un marché peu solvable. Lesentrepreneurs interrogés se posent aussi beaucoup de questions sur les processus d’autonomisation de leur activité par rapport aux organismes de portage. L’accompagnementd’entreprises déjà existantes et les liens avec des entreprises n’évoluant pas dans le champ de l’économie sociale les préoccupentégalement.
Du côté des 25 structures d’appui rencontrées pour les besoins de l’enquête, on pointe la nature généraliste du travail à fournir,l’importance de calibrer des services au cas par cas, la capacité à réorienter les demandes vers d’autres conseils ainsi que le caractère décisif desopportunités offertes par l’environnement immédiat dans le développement des projets soutenus.
En conclusion de l’enquête, les partenaires de Creasoc retiennent trois enjeux :
Primo, pour les Ilde et EI issues d’une asbl d’insertion (cas le plus fréquent), la question du portage et de l’autonomisation des activités crééesest cruciale. Tant du point de vue du métier : les travailleurs sociaux ne sont pas des spécialistes de la création d’entreprises ; que du point de vue du sevrage : lamaison-mère peut perdre des compétences avec l’envol d’une entreprise créée en son sein et celle-ci peut être tentée de ne solliciter que lamaison-mère pour des conseils et de l’accompagnement par la suite.
Secundo, en matière d’insertion socioprofessionnelle, comment gérer une activité économique en tenant compte des caractéristiques des travailleursembauchés ?
Tertio, de façon générale, il s’agit de tenir compte de la tension entre la gestion et l’accompagnement de travailleurs en insertion et rentabilitééconomique de l’activité.
Quelle commission paritaire ?
La tension entre métiers de l’insertion et logique de rentabilité s’illustre notamment à travers la difficulté de choix de la Commission paritaire danslaquelle inscrire l’Ilde ou l’EI. Comme le soulignait Pascale Desrumaux, directrice de Cannelle, Ilde active dans l’Horeca à Schaerbeek, les formations au métier del’insertion offertes par la Commission paritaire 329 sont pertinentes. Mais pour accéder à des formations utiles aux métiers de l’Horeca, il faudrait adhérerà la 302 (Horeca) ou à la 327 (entreprises de travail adapté et ateliers sociaux). Dans ce cas, ce sont les métiers de l’insertion qui seraient mis en question avecune pression au recrutement de travailleurs très performants. Une autre possibilité devrait être envisagée selon elle : la création d’une commission paritairepropre.
Renverser les représentations
CF 2000 est active dans le recyclage et le réemploi de matériel informatique et la formation de personnes originaires de l’Afrique de l’Ouest. Outre la triangulation avecle CPAS, dont dépendent les stagiaires sous statut d’article 60, l’un des problèmes rencontrés par l’Ilde réside dans les représentations dupublic et de l’institution. Pas facile de motiver dans la durée des personnes sur le thème des nouvelles technologies tout en leur proposant de travailler dans le réemploi,le recyclage, explique José Matéo, responsable R&D chez CF 2000. Selon M. Nsiala, de l’Ilde Gammes, il s’agirait moins d’une tension interculturelle qued’une évolution nécessaire des représentations par rapport aux enjeux du développement durable. Africains comme Européens doivent faire leur révolutionmentale et intégrer que le recyclage et le réemploi sont un secteur d’activité à part entière, économiquement rentable et socialement utile.
Autre représentation à modifier afin d’adapter les dispositifs d’encadrement et de soutien à l’économie sociale, celle qui consiste àconsidérer les créateurs d’activité dans ce secteur comme des auto-créateurs. Or, insiste Linda Struelens de l’asbl EVA (Emancipatie via Arbeid),l’expérience – et l’enquête Creasoc – montre que c’est le portage qui caractérise la création d’activité en économie sociale. Ce quipose des problèmes spécifiques auxquels répond EVA par un modèle développé au fil des projets soutenus : choix a priori d’autonomiser dès quepossible les activités, forte responsabilisation des chefs de projet dès le départ, établissement de comptabilités différentes, mise en réseau avecd’autres acteurs du secteur dans lequel l’activité se développe, soutien sur mesure à tous les acteurs de l’activité créée (CA,collaborateurs, …) mais jamais à la place du chef de projet.
Renforcer la motivation des travailleurs
Concernant plus particulièrement les travailleurs en fin de contrat d’activation, l’enjeu principal réside dans la pérennisation de l’emploi. C’està partir de là que l’Acfi (Action coordonnée de formation et d’insertion), avec d’autres partenaires, a mis au point un projet de jobcoaching. Sur 350 personnesaccompagnées, à Bruxelles, 60 % ont retrouvé un emploi durable, explique François Ledecq. Pour ce dernier, contrairement au discours idéologique desfédérations patronales sur les (manques de) compétences, c’est la question de la motivation qui est centrale. D’où la nécessité d’unjobcoaching, utile tant aux personnes dans un parcours d’insertion socioprofessionnelle qu’à leurs employeurs. Le coacheur est en effet amené à informer et conseillerle travailleur mais aussi à être médiateur de conflits, faciliter les relations au travail voire même conseiller des modifications dans l’organisation du travail.
Pour la représentante du ministre Cerexhe2, Izabelle Kesrewani, le partenariat Creasoc doit permettre de renforcer les dispositifs déjà existants. Il vise en outre, àtravers l’expérience pilote de chèque-expertise, à mobiliser des conseils généralement moins accessibles sur les volets les plus économiques desprojets agréés. L’attachée de cabinet a également précisé que la part régionale du financement de cette opération pilote est minime auregard de la contribution du Fonds social européen.
Creasoc est un programme de soutien et de promotion des secteurs de l’insertion socioprofessionnelle et de l’économie sociale bruxellois. Il s’agit d’un partenariat quirassemble des structures déjà existantes : AlteR&I, Crédal, Groupe One, Solidarité des Alternatives wallonnes et bruxelloises, l’EPFC et l’Institut RogerGuilbert. Objectif : renforcer les capacités des acteurs du secteur à identifier les enjeux de leur développement et à y apporter des réponses, notamment enmatière de formation. Creasoc est soutenu par le Fonds social européen, la Communauté française, la Cocof et la Région bruxelloise.
1. Plus d’infos sur le site de Creasoc
2. Cabinet Cerexhe, rue Capitaine Crespel 35 à 1050 Bruxelles – tél. : 02 508 79 11 – fax : 02 514 48 60 –info@cerexhe.irisnet.be