Du nom d’un mécène bruxellois du XIXe siècle, le site des Ateliers Mommen1 est la dernière cité d’artisteshéritée de l’époque existant encore aujourd’hui dans la capitale. Situés rue de la Charité, à la frontière du Saint-Josse populaire et desinstitutions européennes, les Ateliers assurent un loyer bon marché à leur quarantaine d’habitants, tous créateurs artistiques. Menacés ces dernièresannées par la pression immobilière (la Commission européenne s’apprête à investir la tour Madou toute proche), les artistes mènent depuis deux ans uncombat pour sauver les Ateliers. Récit.
Communauté d’artistes cherche … 3 millions d’euros
Il y a un an, à l’approche de la mise en oeuvre du projet de rénovation porté par le propriétaire des lieux, la S.A. Centre Mommen, l’inquiétudegrandit. Les travaux prévus aboutiraient à une véritable transformation des lieux en immeuble de standing. Il serait alors impossible pour les artistes deréintégrer des logements aux loyers revalorisés en conséquence. La contre-attaque s’organise avec la création, par les artistes-habitants, de l’asbl LesAteliers Mommen. Un leitmotiv : sauvegarder le caractère social et culturel de la cité.
Rencontré par les artistes, le promoteur se montre sensible à leurs arguments. Mais reste conscient de la valeur de son bien. Il accordera finalement 15 mois aux habitants desAteliers pour proposer un montage financier crédible qui permette le rachat du site ou de la société anonyme qui en est propriétaire. Montant : 3 millions d’euros !Pour y parvenir, les habitants des Ateliers se sont d’abord tournés vers la commune de Saint-Josse, qui avait fait classer le bien en 1992 à l’initiative del’échevin Demannez, aujourd’hui bourgmestre. Ils tentent également de solliciter le mécénat et organisent une série d’activités desensibilisation et de soutien à leur projet.
Pouvoirs publics présents !
Très vite, les pouvoirs publics montrent leur intérêt. La commune, tout d’abord, qui dégage 1,2 million d’euros sur fonds propres (le fruit de ventes et decharges d’urbanisme). Le gouvernement fédéral ensuite, dont le ministre de la Politique des grandes villes, Christian Dupont (PS), est sollicité. Le contrat logement2005-2007 que lui soumet la commune est tout entier consacré aux Ateliers Mommen. Ce sont 1,4 million d’euros supplémentaires (soit 900 000 pour l’achat et 500 000 pour destravaux de rénovation) qui viennent renforcer les chances de survie de ce patrimoine architectural, culturel et social. La piste du mécénat est alors abandonnée.
Deux (problèmes) en une (solution)
Deux problèmes subsistaient : trouver le solde de la somme nécessaire à l’achat – soit près d’1 million d’euros – et trouver la formule juridiquepermettant à des pouvoirs publics d’acquérir une société privée. C’est finalement la formule de la régie communale, ce sera la deuxième dugenre à Bruxelles, qui est retenue. Constituée sous forme d’une S.A. de droit public, elle pourra créer une filiale, qui acquerra la S.A. Mommen ; elle pourraégalement contracter l’emprunt pour couvrir le solde du prix d’achat. La signature des documents finalisant l’achat est prévue dans le courant du mois defévrier prochain.
Alors, assuré, l’avenir des Ateliers Mommen ? Une bonne partie des conditions sont en tout cas enfin réunies pour assurer logement, ateliers et espaces de créationà des conditions abordables pour des artistes au statut pécuniaire modeste.
Pouvoirs publics et artistes : continuer à innover
Reste à innover dans les rapports entre les habitants du lieu et leur asbl d’un côté, entre les pouvoirs publics et la régie communale de l’autre. Si desexpériences plus ou moins semblables existent en France, en particulier à Paris, il n’y a aucun précédent en Belgique.
Les artistes-habitants tiennent, entre autres, à avoir leur mot à dire dans la sélection des nouveaux locataires. Un groupe de travail incluant des représentants de lacommune a débouché sur un accord de principe. Un comité d’avis culturel, enrichi de personnalités extérieures aux Ateliers, passera les candidatures en revue.Sur cette base, une instance officielle (probablement l’Agence immobilière sociale) établira son choix sur base de critères sociaux. Les actuels habitants des Atelierstestent la formule, pour leur part, depuis quelques mois. La reconduction de leur bail, en mars prochain, constituera un test intéressant de leur interaction avec la commune.
Autre enjeu, autre groupe de travail : il s’agit de trouver un compromis architectural qui convienne à la Commission des Monuments et Sites et qui respecte le souhait des habitants demodifications minimales. L’appropriation artistique des lieux nécessite en effet un aménagement sobre et flexible de l’espace.
Enfin, la gestion artistique des ateliers Mommen, à l’avenir, devra pouvoir concilier les projets et objectifs de la communauté d’artistes-habitants et leslégitimes souhaits de la commune. Des idées sont déjà avancées, de part et d’autre, telles que la création d’une résidenced’artistes – avec l’aide des deux Communautés – ou la tenue d’expositions d’art contemporain. Une convention est en gestation, qui formalisera sur ce point les rapportsentre asbl Ateliers Mommen et régie communale.
Dans tous les cas, la qualité de la concertation et de la participation sera gage de valorisation et de rayonnement de cette expérience unique en Belgique. Jusqu’àprésent, tant du côté communal que du côté de l’asbl Ateliers Mommen, on se dit confiant dans la capacité du dialogue ainsi lancé àproduire de nouveaux petits miracles.
1. Ateliers Mommen asbl – contact : Virginie Schoëff ou Jean-Louis Struyf – tél. : 02 217 26 74 – courriel : ateliersmommen@collectifs.net – www.ateliersmommen.domainepublic.net