L’éolien a le vent en poupe. En Wallonie, le gouvernement, ambitieux, a mis la barre à la hauteur des pales : entre 900 et 1 000 éoliennes serontinstallées d’ici 2020. Il y en a 226 actuellement. Mais quelle place les citoyens prendront-ils dans ces moulins modernes ?
Jean-François Mitsch, administrateur d’Enercoop (coopérative active dans l’énergie renouvelable), est forcément enthousiaste par rapport à lapolitique éolienne wallonne : « cet objectif représente un investissement de trois milliards d’euros. Plus de 800 éoliennes sont déjà àl’étude. Même si au final, ces 1 000 éoliennes ne représenteront que 2,5 % de notre consommation d’énergie en Belgique, notre dépendanceau pétrole sera réduite. »
Mais… problème : le vent aujourd’hui n’est ni social, ni citoyen. Les études d’incidence ne permettent pas aux riverains de se défendre correctementet le partenaire public sert encore trop souvent de paravent à des intérêts privés. « Les communes les plus pauvres accueillent des projets éolienstrès rentables qui ne créent pas d’emploi et dont le profit part à l’étranger, poursuit l’expert. L’éolien en Belgique estcontrôlé à 5 % par les pouvoirs publics tandis que les 95 % sont détenus par des groupes privés étrangers. »
Pourtant, un vent citoyen se lève et il ne manque pas de souffle. Des dizaines de projets de réappropriation voient le jour, de la création d’éolienne àl’achat d’un mât, comme c’est le cas pour « Nosse Moulin »1.
Nosse moulin à vent
A la base de « Nosse Moulin » se trouve un groupe de citoyens qui, du côté de Gembloux, se pose beaucoup de questions suite à la libéralisation dumarché de l’électricité durant l’hiver 2006-2007. Ils organisent une réunion d’information, comparent la qualité des offres. Dans la foulée, ungroupement d’achat de 120 ménages opte pour un opérateur vert, et le collectif « Energie Gembloux » se constitue.
Débats et séances d’informations diverses se poursuivent sur l’énergie renouvelable quand au printemps 2010, la société AboWind débarqueavec un projet de parc éolien aux frontières de Gembloux et La Bruyère. Cet opérateur a déjà un parc éolien en France, en Allemagne et en Espagne.C’est avant tout un développeur qui n’a pas pour vocation de conserver le patrimoine qu’il crée. Mieux, une partie de ses éoliennes a déjàété reprise par des collectivités locales ou des coopératives. Une aubaine pour le collectif « Energie Gembloux » ? « On a beaucoupréfléchi sur ce qu’était une coopérative, sur ce que cela représentait en investissement financier, mais également en temps, explique Paul Blume, undes coordinateurs de la coopérative. Les interrogations dépassaient aussi le cadre privé. « Entre des citoyens qui collectivisent leur argent et un projet citoyen, ladifférence est fondamentale. Nous voulions faire en sorte de nous approprier la production d’énergie, faire des bénéfices pour promouvoir des projetsd’investissements sociaux dans la région en termes d’énergies renouvelables. »
Pour parvenir à ses fins, le groupe « Nosse Moulin » a signé en septembre 2010 une convention de reprise d’un mât. A quelques trois millionsd’euros l’éolienne, le partenariat de la coopérative « Emission Zéro »2 est le bienvenu ! Le principe de cettecoopérative est notamment d’essaimer les éoliennes à travers la Wallonie en soutenant les projets naissants, comme « Nosse Moulin ». « Ellenous aide à acquérir totalement un mât. « Emission Zéro » a de l’expérience et des revenus tirés d’autres éoliennes.Avec son soutien, la position devient plus favorable par rapport aux organismes bancaires ». Reste alors la constitution de « Nosse Moulin » en coopérativeà finalité sociale, agréée depuis peu par le Conseil national de la coopération. « Ce n’est pas un détail, précise Paul Blume. Cetteagréation nous inscrit dans une philosophie qui privilégie le social à la rentabilité. »
Mais le projet est cadenassé par le promoteur. « Nous avons profité d’une opportunité. Du coup, nous n’avons rien à dire sur les aspects dedéveloppement. On achète du clé sur porte ». Une porte que d’autres citoyens, opposés aux projets, voudraient voir refermer. La commune de Gembloux, elle,met la balle au centre. Tant que les divers permis libérés de tout recours ne sont pas délivrés, elle reste neutre. Paul Blume l’affirme : « Si lacommune est demandeuse un jour, nous lui céderons volontiers une éolienne. C’est important que les pouvoirs publics s’impliquent. » L’appel d’air estclair.
1. Nosse Moulin scrl :
– adresse : rue Emile Labarre, 61 à 5030 Gembloux
– site : www.nossemoulin.org
2. Emissions Zéro :
– adresse : rue du Lombard, 3 à 5000 Namur
– site : www.emissions-zero.coop/