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Classes-passerelles pour primo-arrivants: un cadre sans cadre?

Depuis 2012, un décret en Fédération Wallonie-Bruxelles réglemente l’organisation des «classes-passerelles», via le Daspa, un dispositif d’accueil et de scolarisation pour les élèves primo-arrivants, en leur proposant une étape de scolarisation intermédiaire d’une durée limitée, avant de retrouver une scolarisation classique. Mais, sur le terrain, les réalités varient et indiquent des difficultés que ce cadre politique n’a pas réglées.

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Depuis 2012, un décret en Fédération Wallonie-Bruxelles réglemente l’organisation des «classes-passerelles» pour les primo-arrivants, via le Daspa (dispositif d’accueil et de scolarisation), en leur proposant une étape de scolarisation intermédiaire d’une durée limitée avant de retrouver une scolarisation classique. Mais, sur le terrain, les réalités varient et indiquent des difficultés que ce cadre politique n’a pas réglées.

Les objectifs pédagogiques d’un Daspa misent sur l’apprentissage intensif de la langue française ainsi que sur une remise à niveau adaptée pour que l’élève rejoigne le plus rapidement possible le niveau d’études approprié. Pour ce faire, les élèves bénéficient d’un horaire adapté à leurs besoins. Ce programme ne peut toutefois pas descendre en dessous de 15 heures hebdomadaires consacrées aux sciences humaines (y compris l’apprentissage du français) et de 8 heures pour la formation scientifique et mathématique. La durée du passage d’un élève en Daspa est comprise entre une semaine et un an, mais elle peut être prolongée de six mois. Depuis 2012, le Daspa ne concerne plus uniquement les seuls élèves primo-arrivants d’un pays en développement comme dans le décret de 2001. Les jeunes ressortissants de pays «développés» (au sens de l’OCDE) peuvent désormais aussi suivre ces cours.

Prolongeant le décret de 2001, organisant les «classes-passerelles» en Fédération Wallonie-Bruxelles, le décret de 2012 était attendu par les enseignants comme par les établissements scolaires. Car, depuis leur existence, les classes-passerelles connaissent un succès croissant. Concrètement, la création d’un Daspa est laissée à l’initiative des écoles à condition de respecter certaines conditions, comme celle de se trouver dans une ville d’au moins 60.000 habitants ou à proximité d’un centre pour réfugiés. Pour l’année scolaire 2012-2013, le système a été renforcé, avec un subventionnement de plus de 70 dispositifs. Pour l’année scolaire suivante, 35 dispositifs sont subventionnés dans l’enseignement fondamental et 36 dans l’enseignement secondaire, employant entre 150 et 160 enseignants.

Selon nos informations, certains établissements ayant mis en place ce dispositif pourraient être menacés à cause d’un nombre insuffisant d’élèves suivis. Pourtant, sur le terrain, des enseignants en appellent à élargir le dispositif. «Le nombre de classes-passerelles devrait être augmenté. On a encore beaucoup de demandes non satisfaites, notamment à Bruxelles. Dans le primaire, c’est encore pire. Y trouver une place est très souvent une mission impossible», explique Alain Clignet, coordinateur du Daspa au campus Saint-Jean à Molenbeek. Il déplore également l’absence d’évaluation en fonction de critères et d’objectifs précis établis dès le départ. «Les enseignants ne sont pas toujours suffisamment formés. Chaque école fonctionne comme elle veut, au petit bonheur la chance. Tout ce qui est périphérique, comme le suivi de l’inscription, l’orientation ou l’intégration… Rien n’est prévu pour l’après-Daspa, et donc, chacun fait comme il veut. De temps en temps, il y a quelques initiatives pour accompagner l’élève, mais largement insuffisantes alors que, dans les OKAN (Onthaalonderwijs voor anderstalige kinderen, leur équivalent flamand), un coach suit ces jeunes.»

Autre élément pointé du doigt par le coordinateur: le fait qu’un nombre important d’élèves primo-arrivants n’intègre pas ce dispositif pédagogique. «Beaucoup arrivent dans des établissements ‘classiques’, sans être mis au courant qu’un dispositif est prévu pour eux. C’est le cas aussi de leurs parents qui ignorent tout ou presque du Daspa. Comme il n’y a pas d’obligation de passer par un Daspa, certains élèves primo-arrivants se retrouvent ‘largués’ dans ces classes, parfois, sans connaître un mot de français.»

 

Chaque école sa popote

«18 mois pour apprendre le français et s’intégrer dans un dispositif scolaire, cela relève du miracle.» Bénédicte Mestag, Collège Roi Baudouin

Chaque école use d’imagination pour trouver des solutions adéquates pour accompagner au mieux les élèves en Daspa. Le suivi d’un élève dépendra de l’établissement dans lequel il sera inscrit. Certaines écoles vont plus loin que d’autres dans l’accompagnement. Globalement, il existe deux façons d’accompagner ces jeunes en fonction de l’âge. De la première à la deuxième secondaire, ils peuvent intégrer une classe-passerelle à part entière ou voir leur cursus adapté pour suivre 15 heures de cours de français. Entre la troisième et la sixième secondaire, les élèves intègrent les classes ordinaires et peuvent recevoir, en fonction des établissements, un certain nombre d’heures de cours de français.

«Chaque école fait un peu sa popote», explique Bénédicte Mestag, sous-directrice du Collège Roi Baudouin à Bruxelles. Dans cet établissement où l’on compte une quarantaine d’élèves inscrits en Daspa, on fait le pari sur la compétence des élèves. «Les enfants qui arrivent sont souvent déracinés. Arriver dans une nouvelle école, parler une nouvelle langue, ce n’est pas rien. Aussi, les cours de français sont organisés, en fonction de leur niveau de connaissance, et pas en fonction de leur âge comme cela peut se faire ailleurs. On fait en sorte aussi de les accueillir comme dans un cocon: ils sont peu nombreux en classe pour leur permettre de s’intégrer à notre système scolaire.»

Quant à la période du dispositif, de l’aveu de Bénédicte Mestag, elle est trop courte. «Dix-huit mois pour apprendre le français et s’intégrer dans un dispositif scolaire, cela relève du miracle. Généralement, on constate que le passage du Daspa au système traditionnel prend plus de temps. L’idéal, ce serait 24 mois au minimum pour faire du bon travail.» À côté de l’apprentissage du français, difficile de trouver une place pour les mathématiques ou le néerlandais, incontournable à Bruxelles, avec des cours adaptés aux élèves en Daspa. «Certains besoins pédagogiques ne sont pas pris en compte, et c’est à nous de trouver des dispositifs pour répondre aux besoins de ces jeunes. L’autre problème, c’est qu’on fonctionne en enveloppe fermée, ce qui empêche de nous organiser et de mettre un dispositif sur le long terme puisque nos financements dépendent du nombre d’élèves que nous avons, jour après jour. Avec ce nouveau décret, on a perdu des heures financées alors que le nombre d’élèves n’a pas diminué, et si un nouvel élève arrive en cours d’année, c’est très difficile de l’intégrer, rien que sur cette base économique.»

Si, sur le terrain, on se réjouit d’un cadre comme celui prévoyant le Daspa. On en appelle pourtant à son adaptation afin de mieux répondre aux réalités constatées par les enseignants et les directions d’établissement sur le terrain. Ainsi, en 2012, le décret prévoyait la réalisation d’une analyse tous les trois ans avec de nouveaux appels à candidatures… Aujourd’hui, il semble que cette analyse soit devenue lettre morte, même si la Fédération Wallonie-Bruxelles souhaite généraliser les méthodes de didactique du français langue étrangère développées dans les dispositifs d’accueil et de scolarisation des primo-arrivants aux élèves qui ne disposent pas d’une maîtrise du français suffisante lors de leur arrivée dans l’enseignement.

Aller plus loin

Alter Échos n°389 du 30.09.2014 : Parcours d’accueil obligatoire pour les parents d’écoliers?

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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