La ministre wallonne de l’Action sociale et de la Santé, Christiane Vienne (PS)1, a conclu les e-colloques, ces forums thématiques organisés sur le net.Organisé pour les 10 ans de l’action sociale en Région wallonne, cinq thèmes ont été débattus entre septembre et décembre 2005. En conclusion duprocessus, Vincent de Coorebyter, le directeur général du Crisp2, était invité à présenter une synthèse des débats. L’occasionégalement pour la ministre de rappeler sa volonté d’instaurer, d’ici début 2007, une « charte sociale wallonne”.
Pour rappel, les e-colloques étaient hébergés sur le site www.labiso.be dont l’Agence Alter est, avec l’asbl Texto pour la partie technique, la chevilleouvrière3. Les thèmes abordés se voulaient transversaux à l’ensemble des secteurs de l’action sociale et la santé : « le rôle de l’usager», « le territoire et le temps », « l’évaluation. », « la qualité » et « l’innovation et le changement ». Pour chaque thème:une synthèse des débats et une note prospective réalisées par un expert. Le tout a servi de base au travail de synthèse général réalisépar V. de Coorebyter. Ce dernier souligne le caractère volontariste et « généralement constructif » des propositions formulées.
Décloisonner pour mieux travailler ?
Un constat général : les personnes en situation de précarité sociale cumulent de plus en plus souvent les difficultés, d’ordre matériel bien sûr(chômage, qualification, ressources, logement, santé), mais d’ordre « immatériel » également (estime de soi, confiance, problèmes de solitude, etc.).
Pour répondre à ces difficultés, les professionnels et les usagers (bénéficiaires ? acteurs ? le terme a fait débat), ayant participé auxdiscussions revendiquent une prise en charge globale et intégrée. Alors que ces secteurs se caractérisent plutôt par un cloisonnement des pratiques, des services, desbudgets… D’où l’appel quasi généralisé au décloisonnement des politiques sociales, à une meilleure articulation des différentes aides, en fonctiond’un territoire donné, les « bassins de vie ».
Mais Vincent de Coorebyter interroge, dans son analyse, cette demande de décloisonnement entre opérateurs issus des différents niveaux de pouvoir (fédéral,régional, communautaire). « La persistance de ce thème de la coordination au fil de longues décennies d’action sociale ne peut que frapper l’observateur : est-ce l’indicede sa pertinence, sans cesse réaffirmée malgré le peu d’intérêt que les pouvoirs publics lui portent, ou l’indice de ses insuffisances, comme s’il échouaità faire la preuve théorique et pratique de l’intérêt qu’il présente ? ».
La révolution copernicienne
Autre élément marquant, la place centrale que les professionnels entendent laisser aux usagers. Vincent de Coorebyter questionne ce lien qui est fait par plusieurs interventionsentre le rôle central dévolu à l’usager et cet appel à la coordination des moyens disponibles. « À peu près systématiquement, une triangulationest postulée, sur une base territoriale, entre les professionnels de l’aide, les usagers et les pouvoirs publics, dans laquelle les premiers semblent se voir comme les garants de laconstruction collective d’une réponse sociale qui intégrerait les usagers et les pouvoirs publics aux différentes étapes du processus, mais en plaçant le plussouvent les professionnels en position d’interface et de moteur. ». Cette nouvelle forme d’action sociale où l’usager, s’appuyant sur les professionnels, prend uneplace centrale « semble devoir déboucher sur une révolution copernicienne à laquelle les responsables publics ne sont pas forcément prêts ». Celasous-tend en effet des changements institutionnels mais également de culture politique. Dans ce nouveau modèle, le rôle des élus serait de permettre « ledéploiement d’une action collective dont ils n’auraient pas la maîtrise ».
Trois paris
En conclusion, Vincent de Coorebyter identifie trois paris. Le premier est social : tenir compte des expériences où les usagers détiennent et exercent une expertise.L’usager ne s’y définit pas par ses carences mais bien par ses capacités que les professionnels doivent valoriser, aider à développer. Pourtant, note ledirecteur du Crisp, certains participants ont apporté un bémol à cette vision. Il est parfois trop tard. Les handicaps psychologiques, physiques, la baisse d’estime de soisont parfois irrémédiables et les intervenants sociaux se disent alors incapables de sortir ces personnes de cette spirale infernale.
Le deuxième pari est politique. C’est un appel à la démocratie participative, visant à impliquer le citoyen (usagers, travailleurs sociaux…) dans lefonctionnement concret de la société. Les réponses y sont construites collectivement, en mettant l’usager au cœur de la décision. Ici aussi V. de Coorebyterénonce un risque : que le rôle central soit dans les faits confisqué par les professionnels.
Enfin, le dernier pari est technocratique. Pour répondre à la perte d’énergie que constitue le fractionnement de l’action entre niveaux de pouvoir, secteurs,opérateurs publics et privés, il faut de la coordination. Et ici, le bémol se fait plus radical. V. de Coorebyter pointe les incertitudes que sous-tend cette pistefréquemment énoncée. Va-t-on pousser la logique jusqu’au bout en abolissant les répartitions actuelles pour les refonder dans de nouveaux scénarios ? Et« est-ce que les résultats seront bien au rendez-vous ? », s’interroge-t-il à propos de cette demande de moyens supplémentaires pour mettre de l’huiledans les rouages, prendre le temps de se parler, de se coordonner.
L’importance des bassins de vie
La ministre s’est félicitée que l’accent ait été mis sur le territoire. Pour le directeur du Crisp, c’est sans aucun doute au niveau de la Régionwallonne que doit se jouer la carte de la territorialisation des politiques sociales. « La Région wallonne détient plusieurs avantages, en particulier au vu des compétencesqu’elle gère par ailleurs (pouvoirs locaux, logement, emploi, développement économique…) ». D’après les participants aux e-colloques, l’intérêt decette logique territoriale est double, relève Vincent de Coorebyter. La prise en compte des spécificités de l’environnement concret des usagers qui varie d’un territoire àl’autre et l’intégration, (plutôt que le découpage administratif ou sectoriel) des différents problèmes vécus et des solutions à y apporter. Mais ilrelève d’emblée les résistances qui verront immanquablement le jour, en particulier du côté des communes, jalouses de leur autonomie.
Une charte
La ministre Vienne a profité de l’occasion pour annoncer pour début 2007, la sortie d’une « charte sociale wallonne » consacrant les droits de l’usager. Ce sera « unedéclaration solennelle de ces droits et des mesures nécessaires à leur mise en œuvre effective ». Ce texte ne se traduira donc pas par des moyens supplémentaires. Pasde référence non plus à la conditionnalisation de l’aide chère au tenant d’un « État social actif ». En effet, pour la ministre « cetexte est un outil symbolique en matière d’égalité des chances ». Dans cet esprit, le vote du texte au Parlement wallon devrait ouvrir une annéeconsacrée à l’égalité des chances, a expliqué la ministre.
1. Cabinet Vienne, rue des Brigades d’Irlande, 44 à 5100 Jambes – tél.: 081 32 34 11 – presse-vienne@gov.wallonie.be
2. Le centre de recherche et d’information socio-politique, place Quetelet, 1A à 1210 Bruxelles – tél. : 02211 01 80.
3. Le site www.labiso.be propose quelque soixante cahiers, chacun relatant une expérience, un dispositif, un projet dans ledomaine de l’action sociale et de santé. Il a également abrité les débats qui ont lieu dans le cadre de l’e-colloque.