Ils sont partout, et font de tout. Mais qui sont les coachs? Comment se forment-ils? Zoom sur un marché aussi flou que florissant.
Le coaching touche aujourd’hui toutes les sphères de la vie, du bien-être à la carrière en passant par le rangement ou le couple. Il y a autant de coachings que de coachs. Le coaching consiste à accompagner une personne dans la réalisation de ses objectifs afin d’atteindre un meilleur équilibre et d’améliorer sa qualité de vie. «Le coach éveille les ressources mais n’est pas celui qui fait. Il oriente la personne vers une solution de manière autonome», explique Marc Drèze, psychologue de formation et coach au Centre pour la formation et l’intervention psychosociologique (CFIP).
Une pratique non réglementée
Apparu dans les années septante aux États-Unis, le coaching débarque dans les années nonante en Belgique. L’appellation n’est à ce jour pas protégée. Sans diplôme requis, tout le monde peut s’autoproclamer coach.
Des fédérations ont vu le jour pour tenter d’y mettre un cadre. Comme l’International Coach Federation Belgium créée en 2002, branche belge de l’ICF qui compte 29.000 membres dans 124 pays. Elle propose une certification à trois niveaux. Pour devenir ACC (Associate Certified Coach), le premier palier, 60 heures de formation et 100 heures de pratique sont nécessaires. ICF Belgique compte à ce jour 177 coachs certifiés. Elle a en outre instauré 11 compétences de coach pour que les personnes soient formées – dans les écoles reconnues – de manière équivalente, ainsi qu’un code déontologique. La Belgique compte une autre association professionnelle, l’EMCC (European Mentoring & Coaching Council). Les écoles et les formations de coaching sont nombreuses en Belgique. «C’est clair que la profession est assez floue, reconnaît Anne-Françoise Gailly, coach et formatrice, d’où l’intérêt d’une formation, d’une éthique et des fédérations.» «Il y a à boire et à manger», souligne Geneviève Depresseux, coach depuis 2011.
Comment dès lors éviter les joueurs de pipeau? Sans se prononcer sur la réglementation, elle constate que «les certifications comme l’ICF sont une preuve de professionnalisme». «Pour renouveler notre certification tous les trois ans, il faut prouver dix heures de supervision par un coach au-dessus de nous, et 40 heures de formation continue», preuve supplémentaire de sérieux selon Isabelle Descamps, directrice de Coaching Ways Belgique.
Un succès croissant
Pour les coachs interrogés, le coaching intéresse parce qu’il comble un vide. «Il y a une déshumanisation des relations, même dans le non-marchand. L’impératif économique influence le travail et engendre une perte de repères», explique Marc Drèze. «Le coach recrée du lien, écoute», souligne Isabelle Descamps. Pour Geneviève Depresseux, «il remplace le curé au confessionnal». Le coaching, remède aux méfaits de la société individualiste? Pas pour Pierre Le Coz, philosophe et coauteur avec Roland Gori de L’Empire des coachs (Albin Michel, 2006). Selon eux, le coaching est «une nouvelle forme de contrôle social»: «Avec ses recettes psychologiques et son jargon managérial, le coaching nous apprend à intérioriser les impératifs de performance et de compétitivité.» Et de souligner, dans un article de Libé (1), «que les coachs sont loin d’avoir tous une formation psychologique digne de ce nom». Un débat qui revient souvent en matière de coaching.
«Le coach remplace le curé au confessionnal», Geneviève Depresseux, coach.
Un coach n’est pas un psy. Isabelle Descamps, spécialisée en gestion du stress, se défend de jouer aux apprentis sorciers: «C’est l’éthique du coach. Il doit être capable de voir si une personne, en burn-out par exemple, doit d’abord consulter un psy.» «Les deux pratiques s’inscrivent dans une relation d’aide mais ne font pas la même chose», observe aussi Chiara Aquino Benitez, d’Alter-Psy, un collectif citoyen né contre la loi sur la psychothérapie. Cette réforme portée par Maggie de Block et récemment validée prévoit de limiter la psychothérapie aux seuls diplômés en médecine et en psychologie. Va-t-elle engendrer un phénomène de reconversion des psychothérapeutes vers le coaching? Et donc, brouiller davantage les frontières? «Difficile à évaluer aujourd’hui», selon Alter-Psy, pour qui la crainte est ailleurs. «Les coachs risquent d’être voués dans le futur au même sort que nous, à la reconnaissance d’une formation professionnelle unique, alors qu’à la base, ces ‘métiers’ sont nés hors des disciplines académiques et des sentiers battus. Il faut de la place pour tout le monde», plaide Chiara Aquino Benitez. L’UCL propose un certificat de Life coaching en 2014. À la différence des formations ICF – qui requiert des «aptitudes» –, ce programme n’est ouvert qu’aux médecins, psychiatres ou diplômés en sciences de la famille ou de la sexualité.
Coût du coaching
Les tarifs de coaching varient en fonction du domaine et du statut du client. À titre d’exemple, Geneviève Depresseux (ICF Belgium) facture 70 euros une heure de coaching individuel, 120 euros en entreprise. La facture peut être beaucoup plus élevée. Le secteur rapporterait plus de 1,5 milliard d’euros (25 millions d’euros en Belgique). Ce métier est-il un business pour ceux qui le pratiquent? Impossible de tirer une conclusion générale, tant les pratiques et les prix varient. «Si l’on doit se contenter de personnes privées, il faut être conscient qu’on fait du social», explique Geneviève Depresseux, qui complète donc sa pratique d’activité d’expertise – ou de consultance – dans l’expertise clinique, son domaine d’activité avant de devenir coach. Isabelle Descamps confirme: «Si on ne propose que du coaching, on rame!»
D’autant que se former au coaching a un prix, qui consiste souvent en un chiffre à trois zéros. Chez Coaching Ways, une formation de 23 jours pour apprendre les «Les 11 compétences du coach selon ICF» vous coûtera 5.500 euros si vous êtes indépendant ou en asbl. La formation de l’UCL – deux jours par mois sur une année scolaire – est fixée à 5.000 €.
(1) Emmanuèle Peyret, «Plutôt qu’une mode, le coaching est une addiction», Libération, 4 juin 2007.