Les locataires des logements sociaux vieillissent, c’est l’un des défis majeurs du secteur. Certaines sociétés de logement ont décidé de prendre la question à bras le corps et mettent en place des projets pour ce public particulièrement vulnérable et, forcément, de plus en plus nombreux. Exemples à Châtelet et à Liège
Entre la baisse du taux de natalité, l’augmentation de l’espérance de vie et l’avancée en âge de la génération Babyboom, la population belge vieillit à la vitesse grand V. D’après les projections d’Eurostat, d’ici 2060, un Belge sur quatre aura soufflé ses 65 bougies et plus. Dans le logement social, ce vieillissement de la population pose question, à la fois en termes d’adaptation des appartements aux besoins de ces aînés démunis face aux surcoûts engendrés par le vieillissement, ou de cohésion intergénérationnelle au sein des quartiers.
A titre d’exemple, sur les quelque 4 500 locataires du Logis Châtelettain, dans la région de Charleroi, un millier environ est âgé de plus de 60 ans. Progressivement, la société de logement public tente de rénover une partie de son parc immobilier pour proposer des logements mieux adaptés aux seniors en y plaçant des rampes, des douches de plain-pied, etc. Les aménagements sont réalisés dans le cadre des chantiers formatifs solidaires de la Régie des Quartiers de Châtelet. Les locataires voient ainsi leur facture allégée du prix de la main d’œuvre. Le service social du Logis Châtelettain s’inscrit également dans un partenariat avec les CPAS, une coordination de soins à domicile, les maisons médicales, l’Awiph, de façon à favoriser le maintien des aînés à domicile.
En bon voisin’âge
A côté de l’accompagnement individuel, le Logis Châtelettain a choisi de travailler sur le collectif en proposant des activités intergénérationnelles, comme une chorale où chantent à l’unisson aussi bien des personnes âgées que de jeunes adolescents. Un beau défi quand on pense à l’image un brin poussiéreuse que revêt ce genre de loisirs. « Depuis que l’on organise l’opération « Immeuble en fête », on a vu des liens se recréer entre les habitants. Des covoiturages s’organisent. D’autres proposent à leurs voisins plus âgés de faire leurs courses, observe aussi la référente sociale Delphine Minot. Cela peut avoir l’air simple comme ça, mais recréer de la cohésion ne se fait pas du jour au lendemain. Tout cela est possible aujourd’hui, parce que, en amont, un travail de long terme sur les mentalités a été mené par la Régie des quartiers pour que les habitants deviennent acteurs de leur quartier. »
La dimension intergénérationnelle a aussi primé dans le cadre de l’opération « Eté solidaire », mise en place avec le soutien de la Région wallonne pour permettre aux jeunes d’exercer un job étudiant tout en s’investissant dans la rénovation de leur quartier. Histoire de faire tomber les clichés de part et d’autre. « Les personnes âgées ont vu que les jeunes s’investissaient dans l’amélioration de leur quartier. Ils leur ont ouvert leurs portes pour boire un verre d’eau, leur ont préparé des crêpes… Et les jeunes ont vu que les personnes âgées ne sont pas renfermées sur elles-mêmes, qu’elles ne passent pas leur temps à tout critiquer », poursuit Delphine Minot.
Résidence services à Liège
Autre lieu, autre projet, le Logis social de Liège 2 a développé un projet de résidence services pour ses locataires seniors, en partenariat avec IsoSL, l’intercommunale de soins spécialisés de Liège. La résidence, qui comptera de 10 à 20 appartements, sera construite sur un terrain de la société de logements situé à l’arrière de la maison de repos Les Orchidées, à Chênée. A tout moment, les locataires de la résidence pourront tirer la sonnette d’alarme reliée à la maison de repos, ou demander le passage d’un infirmer, d’un kiné, etc. Si les appartements de la résidence services seront loués un petit peu plus cher que dans le reste du Logis, on restera bien en dessous de ce qui est pratiqué dans les résidences services classiques, ou le loyer peut aisément atteindre les 1 500 euros par mois. « L’idée est de permettre à des personnes qui n’ont pas les moyens d’aller en maison de repos d’accéder à cette forme d’aide et, pour nous, de libérer les appartements qu’ils occupent », se réjouit Delphine Bawin, la référente sociale du Logis social de Liège.
A ce stade, l’architecte a été désigné, mais le lancement du chantier a pris un peu de retard. En cause, la complexité de coordonner les législations qui relèvent du logement et de la santé.
Déménager sans déraciner
Pour les sociétés de logement, l’enjeu du vieillissement est double. Les personnes âgées occupent souvent des logements trop grands, qui pourraient combler des familles plus nombreuses. Il s’agit autant de veiller au besoin d’un public particulièrement vulnérable que, plus prosaïquement, d’assurer une gestion optimale du parc immobilier.
La nouvelle réglementation sur les conditions d’accès au logement public, d’application depuis le premier janvier de cette année, introduit un changement de philosophie à cet égard. Là où il était courant d’occuper un logement social à vie, aujourd’hui, les locataires sont amenés à déménager au gré de l’évolution de leur situation familiale. Comment faire déménager des personnes âgées vers des logements plus adaptés et libérer de la place pour d’autres, sans pour autant les déraciner du quartier où elles ont vécu depuis toujours et tissé des liens de solidarité ? L’alchimie est complexe.
Si le Logis Social de Liège s’est lancé dans un projet de résidence services, c’est justement parce que la question des transferts était devenue insoluble depuis la nouvelle réglementation. A titre d’exemple, trois listes entrent en considération pour les demandes : les personnes qui occupent un logement suroccupé, sous-occupé, et les requêtes pour convenance personnelle « Les personnes âgées entrent souvent dans cette troisième liste où nous ne puisons jamais, car les deux premières catégories remplissent déjà toutes les demandes. Et quand on est dans le cas d’un transfert pour cause de sous-occupation, les personnes ne peuvent pas choisir leur entité », regrette Delphine Bawin. La référente note toutefois que cette situation est spécifique au Logis social de Liège où le turn-over est particulièrement important en raison de la taille du parc immobilier et de sa situation en périphérie liégeoise. Dans d’autres sociétés, plus petites, le travail social des référents permet généralement de trouver des accommodements raisonnables.
Depuis deux ans en Wallonie, les 68 sociétés de logement de service public (SLSP) se dotent l’une après l’autre d’un référent social, en quelque sorte un coordinateur social de la gestion locative. Dans ce numéro spécial Alter Échos dresse le portrait de ce dispositif qui se construit pas à pas, et continuera à mûrir.