En janvier 2009, Alter Échos annonçait la mise sur pied d’un programme pilote de collaboration entre maisons de jeunes, centres d’information jeunesse et secteur del’insertion socioprofessionnelle. Plus d’un an plus tard, ce sont soixante-deux collaborations qui ont vu le jour entre deux secteurs qui se connaissaient mal. Les projets pilotes sontterminés et les différents acteurs attendent de savoir à quelle sauce ils seront mangés.
Le secteur de l’insertion socioprofessionnelle (ISP) et les maisons de jeunes (MJ) ne se connaissaient pas bien. Après un an de collaboration dans le cadre d’un projet pilote, on sent debonnes vibrations, on perçoit une envie de poursuivre la collaboration. En quelques mois, ce sont soixante-deux conventions qui ont été signées entre maisons de jeunes etacteurs de l’ISP. Pour l’instant, tous les projets sont gelés, et les différents acteurs impliqués dans ces activités transversales aimeraient savoir sil’expérience va se poursuivre ou s’il y sera mis un terme. Alors stop, encore, ou « Allo, Houston » ?
L’objectif de ce programme pilote, qui a débuté au printemps 2009, était de tisser des liens entre deux mondes, l’insertion professionnelle et les maisons et centres dejeunes, de faire passer des informations d’un secteur à l’autre. Les jeunes qui se rendent en MJ sont souvent confrontés à des problématiques d’insertionsocio-professionnelle. Le partenariat devait s’établir sur des bases volontaires, accompagné d’incitants financiers – 1000 euros par projet – sans compter troiséquivalents temps plein chargés de coordonner les différentes initiatives. Informer le public des MJ et les aider dans d’éventuelles démarches étaitl’intention avouée des promoteurs de ce projet, essentiellement Marc Tarabella, alors ministre de la Formation de la Région wallonne et ministre de la Jeunesse pour la Communautéfrançaise. Un an après, le gouvernement a changé, ce sont de deux ministres qui se partagent les compétences : Évelyne Huytebroeck pour les aspects Jeunesseà la Communauté française et André Antoine pour la Formation à la Région wallonne.
« Créer des synergies entre les secteurs »
Un an de collaborations et les premières évaluations arrivent du secteur jeunesse. Au sein de la Fédération des centres de jeunes en milieu populaire(FCJMP)1, Pierre Évrard, le coordinateur, retient beaucoup d’éléments positifs : « Ces projets ont permis de créer des synergies entres les deux secteurset d’ouvrir le secteur de la jeunesse, de mieux cerner les questions liées à l’emploi. » Désormais, la fédération se demande quelle sera la suiteréservée aux projets, sachant que leur objectif est que cela s’étende. « Nous voulons développer une toile d’araignée de collaborations dans une recherche detransversalité, mais il faudrait davantage de moyens. »
Au vu du contexte de disette budgétaire, la question des moyens est toujours délicate, même abstraction faite des retards de paiement de la Région wallonne. « Lescollaborations sont terminées, mais nous n’avons toujours pas reçu le paiement, il semble que l’administration ait été un peu surchargée. » Néanmoins,Pierre Évrard a reçu la garantie de recevoir les paiements dans de brefs délais.
Il préfère s’étendre sur les éléments positifs des collaborations : « Les projets variaient d’une maison de jeunes à une autre. Dans certaines, desséances d’information avaient lieu, présentées par des professionnels de l’ISP. Des accompagnements à la recherche active d’emploi étaient proposés, del’aide à la rédaction de CV, des préparations aux entretiens d’embauche. Certaines maisons de jeunes sont allées plus loin en « hébergeant » dans leurs locaux untravailleur du secteur de l’insertion socioprofessionnelle. » Un regret est tout de même exprimé par Pierre Évrard : « Toute la réflexion et le travail autourde ce projet se sont faits avec des représentants du Forem, il manquait un pilier essentiel : des employés d’asbl d’insertion socioprofessionnelle ou d’entreprises de formation par letravail. »
La Fédération des maisons de jeunes en Belgique francophone2 (FMJBF) retient aussi des éléments positifs de ces collaborations. Antoinette Corongiu,directrice de la fédération n’apprécie pas trop le flou qui règne actuellement : « Il n’y a aucun suivi politique, on attend des réponses du cabinet Antoine,notamment pour les trois postes subventionnés, nous attendons aussi des signes de l’administration de la Jeunesse pour évoquer la suite de ces collaborations. L’objectif qui nousétait assigné a été globalement atteint, un rapprochement s’est effectué entre les deux secteurs et des maisons de jeunes sont désormais en projet avec desjeunes autour de l’insertion socioprofessionnelle. Aujourd’hui, les partenariats sont terminés et il n’y a plus un euro pour financer ce genre d’actions. Cette première démarcheétait très intéressante tant qu’elle se cantonnait à fournir de l’information aux jeunes. Nous n’allons pas pleurer si un tel projet n’est pas reconduit mais les troispostes subventionnés, nous ne souhaitons pas les perdre, quitte à les réorienter vers des missions qui correspondent aux fondamentaux des maisons de jeunes. La prioritépour l’instant est de savoir quelle est l’intention politique. »
« Le secteur s’est senti abandonné »
Même si l’enthousiasme n’atteint pas la même intensité, il semble que ces deux fédérations partagent deux sentiments : l’impatience et la curiosité. Queva-t-il advenir de ce programme pilote, connaîtra-t-il une suite ? Certains s’interrogent sur la pertinence de lancer des projets qui, ensuite, semblent disparaître des agendaspolitiques, à l’image d’Antoinette Corongiu qui ose évoquer une « opération électorale ». Afin d’en savoir plus, les trois fédérations (encomptant la Fédération Infor-jeunes, elle aussi impliquée dans le projet) vont interpeller le ministre André Antoine en lui présentant leurs évaluations.
Pendant que les différents acteurs attendent des réponses de ce dernier, le cabinet d’Évelyne Huytebroeck3, par la voix de Bernard Mathieu, responsable desmatières Jeunesse, nous rappelle certains éléments contextuels afin de prendre la mesure des difficultés : « Ce programme a clairement souffert du changement delégislature, les choses ont été confuses, notamment autour des « casquettes » de chaque ministre en charge dans cette affaire, en matière de financement par exemple. Lesecteur s’est senti en partie abandonné à cause de cela. Puis est venu s’ajouter un problème de liquidation des subventions, en passe d’être réglé.»
Bernard Mathieu n’est pas devin, mais il tente tout de même de nous pr&eacu
te;senter les prochaines étapes : « Le projet pilote de collaboration est en fin d’exercice.Nous sommes désormais en contact avec le cabinet Antoine pour discuter des modalités d’évaluation. Un comité d’accompagnement aura la charge d’évaluer la mise enœuvre de ces projets. Au niveau local une évaluation sera conduite par le Forem et les Fédérations de maisons et centres de jeunes. Le Comité d’accompagnementdevrait se réunir en avril ou en mai. Bien sûr, la question de l’avenir du projet se posera en fonction de deux dimensions : les moyens qu’il faudrait consacrer à uneéventuelle extension mais il faudra surtout prendre en compte « l’effet d’opportunité » du projet, et mesurer l’ampleur de cet effet. C’est au comité de proposer des orientationset de chiffrer. » Rien n’est encore joué pour la suite. Dans l’ensemble, le cabinet d’Évelyne Huytebroeck estime que la collaboration a été intéressante, lelien et la continuité au bénéfice du jeune sont cités par Bernard Mathieu, mais surtout « le fait que la question de l’ISP se pose forcément en centre dejeunes, et ce projet est a priori positif car les maisons et centres de jeunes sont confrontés à certaines problématiques jeunesse (comme l’ISP) pour lesquelles tous ne sont pasforcément outillés. » Du côté du cabinet du ministre André Antoine, on estime qu’il est trop tôt pour se prononcer : « nous sommes dans une phasepréliminaire d’évaluation de ce dossier. »
1. FCJMP :
– adresse : rue Saint-Ghislain, 20 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 513 64 48
– courriel : infos@fcjmp.be
– site : www.fcjmp.be
2. FMJBF :
– adresse : place Saint-Christophe, 8 à 4000 Liège
– tél. : 04 223 64 16
– site : www.fmjbf.org
3. Cabinet d’Evelyne Huytebroeck :
– adresse : rue du Marais 49-53 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 801 75 11
– site : http://evelyne.huytebroeck.be/