Au travers d’un colloque, la FGTB Bruxelles1 a ouvert un espace de discussion avec les acteurs associatifs du développement urbain, en vue de rendre Bruxelles plussolidaire. Pour y parvenir, il semble indispensable de disposer d’équipements collectifs de qualité.
Le 1er décembre, la FGTB-Bruxelles organisait un colloque sur le thème « Bruxelles solidaire ! Quelle politique sociale ? – Les équipements de la ville endébat », en partenariat avec Habiter Bruxelles et la Centrale culturelle bruxelloise. Pour la FGTB, la lutte syndicale ne se limite pas au monde du travail, elle « va de pair avecla lutte contre la pauvreté, la protection de l’environnement et le renforcement de l’égalité d’accès à des services de qualité [logement,école, crèche, etc.] pour tous. » Dès lors, il lui semblait normal – voire urgent – d’entamer un dialogue entre mouvement syndical et monde associatif.
D’entrée de jeu, Eric Buyssens, directeur du service d’études FGTB posait la question : « Quelles politiques d’équipement, de services, faut-ildévelopper pour revitaliser les quartiers, entre autres dans le secteur non-marchand ? De quelles services a-t-on besoin ? Comment les déployer ? »
Des services pour recréer du lien
Françoise Noël, directrice du CRU (Centre de recherches urbaines de l’ULB), a évoqué les enjeux sociaux et les politiques urbaines du développement deBruxelles. Longtemps, la production industrielle a contribué au développement et à l’équipement de la ville, sur base du modèle de la planification urbaine.Ce modèle est remis en cause depuis 20 ans, au même titre que l’Etat-providence et l’emploi des travailleurs, d’où l’instabilité etl’insécurité des revenus, et l’apparition d’une notion de « planification souple ». La ville se fragmente : les classes moyennes se retrouvent entre elles,les plus défavorisés aussi. Au niveau politique, les réponses visent à assurer l’attractivité économique de Bruxelles, « agir sur l’espaceurbain de manière à diminuer les polarisations socio-spatiales », « mener une politique de développement social urbain dans certaines parties de la ville, visantà mener des actions transversales dans les domaines urbanistique, économique et social, dans un souci de plus grande équité en faveur des groupes les plusdéfavorisés. » Dès lors, l’enjeu est de recréer du lien via une politique de « services au public capables de créer des appartenances ».
Pour sa part, Eric Luna, chargé de mission au SRDU (Secrétariat régional au développement urbain), a présenté les réalisations de services etd’équipements collectifs dans le cadre du volet social des contrats de quartier. En 12 ans, 40 contrats de quartier ont été lancés et 19 sont clôturésà ce jour. La politique de revitalisation urbaine au sens large a fait émergé 109 équipements (ouverts, en chantier ou à l’étude) de type : sallepolyvalente, espaces habitants, espaces sportifs, service social, culturel-artistique, etc.
Ces équipements ont eu plus d’un impact sur les quartiers : visibilité, renforcement ou développement d’une offre de service diversifiée,réaffirmation d’une présence publique, possibilités d’épanouissement individuel et collectif, accueil de groupes cibles dans une logiqued’égalité des chances, points d’appui aux dynamiques locales, etc. Ces constats positifs sont nuancés par une série d’améliorations àapporter, telle, par exemple, la nécessité de garantir un encadrement adapté et continu, afin de permettre l’accès de ces équipements à tous lespublics. Nadine Gabet, chef de service des Affaires sociales à la Commission communautaire française (Cocof), abonde dans ce sens. Elle a rappelé les changements introduit par ledécret de cohésion sociale, qui vise tous les publics des quartiers fragilisés (et non plus uniquement les personnes d’origine immigrée), et la nécessitéd’inciter à la concertation avec les communes et l’associatif pour que ça marche. Loïc Rousselot, du Groupe d’études et de recherches sociales del’Université de Nantes a, pour sa part, pointé les aspects innovants des services de proximité en milieu populaire, mais il a également mis en garde contre lesrisques d’enferment social ou spatial liés à ce type de services.
Pour un développement urbain durable
Claude Jacquier, directeur de recherche au CNRS, a mis l’accent sur l’importance des villes européennes comme acteurs collectifs pratiquant l’innovation sociale. Ilsouligne qu’on n’atteindra pas le développement urbain durable en se basant uniquement sur le triangle économie-social-environnement. Il faut de la gouvernance politique etde la démocratie. Et il faut aussi tenir compte de « l’atmosphère » : capital humain, social, manière de travailler ensemble, etc. Le développement de laville, précise encore Claude Jacquier, ne se limite pas à attirer la richesse, encore faut-il la retenir, l’accumuler et la redistribuer.
Enfin, il formule, entre autres, comme recommandations :
• préciser les objectifs explicites et implicites de la régénération urbaine intégrée ;
• faire des diagnostics de qualité ;
• tenir compte des échelles (agit-on au niveau de la rue, du quartier, de la ville) ;
• veiller à la masse critique des interventions (finances, ressources humaines qualifiées) ;
• tenir compte de la durée, des rythmes, du temps des élus (4-5-6 ans) et du temps du changement (15-20-30 ans) ;
• penser à la transférabilité ;
• valoriser la coproduction avec les communautés locales, en tenant compte de l’importance de la question du genre ;
• veiller à la qualité des professionnels, du leadership local et des dispositifs de pilotage ;
• enfin, le développement urbain durable doit être une « conspiration réformiste ».
Eric Corijn, directeur du centre de recherches urbaines Cosmopolis-VUB, plaide aussi pour un développement durable de Bruxelles. Pour lui, la fracture la plus importante se situe entre laRégion et la périphérie : « Les classes moyennes emploient la ville, y ont un emploi, mais elles ne participent pas à la redistribution des richesses dans Bruxelles,ni ne contribuent à son fonctionnement. » Il est temps de faire sauter le carcan, déclare-t-il, et de réfléchir avec 64 municipalités et non plus 19. Dans lafoulée, il insiste sur la nécessité d’avoir plusieurs projets de villes. Le PRD (plan régional de développement) est un élément, mais il faut unprojet pour une ville élargie et un projet pour une ville mondiale.
Le rapprochement
En clôture, Philippe Van Muylder, secrétaire général FGTB Bruxelles, a rappelé la nécessité de convergences entre le monde syndical et le secteurassociatif. La non-rencontre est due, selon lui, à une certaine condescendance de la part du syndicat vers les intervenants du social, « persuadé que les vrais enjeux se situaienten aval de la précarité ». Et peut-être aussi, pense-t-il, au fait que les intervenants sociaux ont posé un regard condescendant sur les syndicats commes’occupant uniquement de « nantis », à savoir de travailleurs bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, d’une bonneprotection sociale et d’une bonne défense syndicale. Pour Philippe Van Muylder, il est temps de tirer un trait sur ces visions réductrices et réciproques. Le public de laFGTB ayant changé, des collaborations doivent être menées avec le secteur associatif afin de mieux répondre aux besoins des affiliés.
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