Le danger d’une impression… c’est qu’il s’agit d’une impression, c’est-à-dire qu’elle repose sur un ressenti pouvant être biaisé par toutes sortes d’éléments. Dans notre petite bulle de magazine œuvrant à une société où les droits sociaux et économiques de toutes et tous seraient mieux garantis, on pourrait ainsi penser que la situation, quoique encore difficile, s’améliore sur les questions de genre. Alter Échos s’est fait récemment le relais de toutes sortes d’initiatives visant à améliorer la condition des LGBTQIA+, à déconstruire les stéréotypes de genre, à favoriser la mixité au cœur de certains secteurs, de certaines fonctions ou pour certaines tâches. Au sein même du dossier que vous trouverez dans ce numéro, consacré à la maternité, Jacques Marquet, sociologue de la famille et de la sexualité à l’UCLouvain, note que, «depuis trois générations, les trajectoires féminines s’écartent de plus en plus du rôle exclusif d’épouse et de mère». Tout irait donc vers un mieux, les choses seraient en train de cheminer tranquillement vers plus d’égalité.
Pourtant, on devrait savoir que le retour de flamme n’est jamais loin. Et qu’il faut se méfier des impressions et des biais de perception. Ce n’est pas parce qu’on parle davantage d’un sujet et que les initiatives se multiplient dans certains petits milieux que la situation s’améliore ou que l’ensemble de la société suit le mouvement. Pour s’en convaincre, il est utile d’aller jeter un œil au dernier «Rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France,» publié par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, créé par la présidence de la République en 2013.
On peut ainsi y lire qu’«un tiers de la population (27% des femmes et 40% des hommes) déclare qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants (+ 6 points par rapport à l’an dernier)».
Dans son préambule, le rapport 2023 note que, «malgré des avancées incontestables en matière de droit des femmes, la situation est alarmante». Il dresse le portrait d’une société «qui demeure très sexiste dans toutes ses sphères», où les «stéréotypes de genre, les clichés sexistes et les situations de sexisme quotidien continuent d’être banalisés». Plus fort, il lâche aussi quelques chiffres qui tordent le cou à l’idée d’une amélioration en mode linéaire. On peut ainsi y lire qu’«un tiers de la population (27% des femmes et 40% des hommes) déclare qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants (+ 6 points par rapport à l’an dernier)».
Mais ce qui interpelle encore davantage, c’est que le rapport souligne un plus grand ancrage des clichés «masculinistes» et une plus grande affirmation d’une «masculinité hégémonique» chez les hommes de moins de 35 ans… 32% d’entre eux considèrent ainsi que le barbecue est une affaire d’hommes, soit quasiment 10 points de plus que la moyenne des hommes (23%). On en rirait presque si on ne lisait pas plus bas que «48% des hommes entre 15 et 34 ans considèrent que l’image des femmes véhiculées par les contenus pornographiques est problématique contre 79% des hommes âgés de 65 ans et plus». Notons ici qu’il ne s’agit que de quelques exemples piochés arbitrairement et que le rapport en abrite bien d’autres…
Va-t-on donc vraiment vers un mieux? Les chiffres de ce rapport ne semblent pas vraiment le prouver. Et à celles et ceux qui seraient enclin(e)s à dire que la France, ce n’est pas la Belgique, nous sommes tentés de demander: tout cela n’est-il pas qu’une impression?