Le Conseil de la jeunesse a un nouveau conseil d’administration, mais toujours pas de président. Le Conseil est traversé par de vives tensions. Certains dénoncent une reprise en main des socialistes. D’autres rappellent le caractère démocratique de l’élection.
Conseil de la jeunesse : l’apprentissage des jeux politiques La photo du nouveau conseil d’administration du Conseil de la jeunesse est rafraîchissante. Onze élus qui posent tout sourire. Leur programme pour ces deux prochaines années : assumer la gestion de l’instance d’avis des jeunes de la Communauté française. Un sacré défi au vu des difficultés traversées par la précédente assemblée. L’avis plus qu’ambivalent sur l’avortement est dans toutes les têtes (le Conseil de la jeunesse n’avait pas su trancher : l’avortement est-il un droit ou pas ?). Tout comme l’éviction du précédent président, mis en cause pour traficotage de procès-verbaux. Ou celle de la secrétaire générale, dont la gestion fut décriée. Quant aux sourires de la photo, à y réfléchir, on peut y déceler une légère crispation. Il faut dire que l’assemblée générale qui permit l’élection du nouveau CA fut le théâtre de belles empoignades. Une assemblée « très tendue », confient plusieurs membres du Conseil de la jeunesse.
Le menu de cette AG du 25 janvier fut audacieux. En entrée, les démêlés divers et variés des précédents mandataires. Ensuite, les discussions ont achoppé sur la nomination du nouveau secrétaire général, Géraud Hougardy. Si tout le monde lui accorde aujourd’hui sa confiance et loue son « esprit constructif », beaucoup regrettent que la précédente assemblée générale, dont le mandat expirait le 31 décembre 2013, ait lancé une procédure de sélection expresse, en une dizaine de jours, pendant les fêtes, pour choisir par eux-mêmes le candidat idoine. Qu’importe, le choix a été fait et il semble aujourd’hui contenter tout le monde. Enfin, les membres de l’AG ne parvinrent pas à trouver la majorité suffisante pour élire un nouveau président.
Socialistes, un retour remarqué
Ce qui secoue aujourd’hui une partie du petit monde de la jeunesse, c’est le grand retour des socialistes au sein du conseil d’administration du Conseil de la jeunesse. « Un pilier (NDLR le pilier socialiste) a fait du Conseil de la jeunesse et de la présidence un enjeu important, explique Christophe Cocu, secrétaire général de l’organisation de jeunesse Relie-F. Ils ont coordonné leurs mandataires alors que les autres ne l’ont pas fait. » « Les trois quarts du conseil d’administration sont étiquetés socialistes, ajoute Julien Bunckens du Conseil des organisations de jeunesse catholiques. Il serait intéressant que ce lieu soit pluraliste. »
Alors, le conseil d’administration du Conseil de la jeunesse est-il sous la coupe des socialistes ? Sur les onze élus, six sont clairement identifiables comme appartenant à des organisations de jeunesse socialistes ou assimilées. Bien sûr, d’autres élus manifestent peut-être une proximité idéologique avec les socialistes.
Qu’est-il reproché exactement à ces socialistes en herbe qui, après tout, ont été élus ? Le Conseil de la jeunesse est composé de jeunesses politiques, notamment des organisations de jeunesse depuis la récente réforme du décret, mais aussi de jeunes militants, très impliqués dans des structures parfois partisanes. La démarche de ces jeunes n’est pas toujours désintéressée. « Certains sont là parce que ça fait bien sur un c.v. », confirme une membre de l’AG. Jusque là, rien de nouveau. Dans ce contexte, des alliances se font et se défont en fonction de la proximité idéologique des uns et des autres ou des fonctions à prendre.
Le problème que soulèvent des membres de l’assemblée générale est que les socialistes auraient fait une campagne active, faite d’e-mails et de coups de téléphone, pour rafler le plus de voix possible. Rien d’illégal là-dedans. « Mais nous espérions que le choix se fasse sur les compétences plutôt que sur des logiques partisanes », assènent des membres de l’AG. Des jeux politiques que ne maîtrisaient pas tous les jeunes de cette assemblée générale. L’un d’eux constate que « certains jeunes savaient beaucoup mieux comment cela fonctionne. Beaucoup votent pour ceux qu’ils connaissent ».
Chez les socialistes, on assume pleinement ce regain d’intérêt pour le Conseil de la jeunesse. Carlos Crespo, secrétaire général de Projeunes, la fédération d’organisations de jeunesse socialistes, affirme d’abord « comprendre que les non-élus soient déçus ». « Mais que des gens s’accordent sur des idées, cela ne me choque pas », tempère-t-il.
Pourquoi, après quatre ans plutôt en retrait des affaires du Conseil de la jeunesse, les socialistes opèrent-ils ce virage ? « Nous sommes toujours attachés au Conseil de la jeunesse comme organe pour porter la parole des jeunes, répond Carlos Crespo. Les errements du dernier mandat nous ont inquiétés. Il y a eu cet avis sur l’avortement qui était effrayant. Donc c’est vrai que nous avons encouragé des jeunes à se présenter, c’est notre rôle. Qu’ensuite des jeunes se soient appelés, qu’ils aient parlé entre eux, cela ne me paraît pas inimaginable. »
Le camp non socialiste élabore des théories expliquant ce retour en force. « Une volonté des socialistes d’être davantage impliqués sur les questions de jeunesse » nous dit Julien Bunckens. D’autres y voient un mouvement non dénué de sens tactique. « Les socialistes ont pour ambition d’avoir la jeunesse comme compétence après les élections. S’ils l’obtiennent, cela les aidera peut-être à avoir des relais dans le secteur. » Carlos Crespo lui, préfère en rire : « Les théories du complot ont le vent en poupe. Ce n’est pas désagréable d’être l’objet de fantasmes. Mais imaginer de telles stratégies, c’est une grosse bêtise. Je ne vais pas chercher mes consignes tous les matins au 13, boulevard de l’Empereur. »
Quoi qu’il en soit, tous les protagonistes de ce méli-mélo politique semblent jouer l’apaisement. Le nouveau conseil d’administration est composé de onze membres alors qu’il pourrait en compter quinze. Géraud Hougardy, le nouveau secrétaire général, rappelle que le Conseil de la jeunesse est « soumis au pacte culturel (pacte de 1972 qui vise à garantir le pluralisme idéologique, philosophique et politique dans les institutions culturelles publiques). Nous devons faire attention au pluralisme ». Il est donc fort possible que d’autres postes au CA soient « ouverts », dans un esprit d’équilibre politique. Quant aux questions de militance politique, de diversité, elles seront certainement approfondies au sein du Conseil. Peut-être lors d’une table ronde. Avec l’espoir de discussions sereines…
Alter Échos : Il ne semble pas franchement facile d’être secrétaire général du Conseil de la jeunesse, vu les tensions et enjeux politiques qui semblent prégnants?
Géraud Hougardy : Nous sommes dans une situation particulière car il n’y a pas de président. Il y a quelques difficultés mais elles doivent se résoudre en interne. Tout ça va s’apaiser rapidement. Aujourd’hui, tout le monde a dans l’idée qu’il faut ouvrir le CA. L’idée est d’éviter que certains aient l’impression qu’il y a des gagnants et des perdants.
AÉ : Est-ce logique de voir ces jeux politiciens entre représentants des jeunes?
GH : Personnellement, j’aime la politique, mais pas dans ses aspects partisans. Je n’ai d’ailleurs pas de carte de parti. Au Conseil de la jeunesse, il y a des tendances idéologiques. Mais au moins, maintenant, dans l’assemblée générale du Conseil de la jeunesse, les organisations politiques sont reconnues comme telles. Cela permet plus de transparence. Ceci étant dit, ce qui m’intéresse c’est qu’on parle enfin des sujets de fond. Au sujet des rapports de force politiques, il nous faut poser ces questions de manière claire : comment aborder un processus démocratique entre jeunes de sensibilités différentes sans forcément rentrer dans des logiques particratiques ? Nous pourrions organiser une réflexion commune sur le pluralisme en politique. Mon rôle est d’insister sur ce qui nous réunit. Nous sommes attendus au tournant. Il y a eu, dans le passé, des problèmes de gestion. Un groupe de travail va plancher sur l’évaluation de notre façon de travailler. Certes, il y a eu une assemblée générale difficile. Mais j’aimerais qu’on parle de la première décision politique de ce Conseil de la jeunesse qui a soutenu l’appel de la JOC contre les violences policières. Tout le monde attend de nous des signaux positifs.
AÉ : Comment envisagez-vous votre rôle de secrétaire général?
GH : D’abord, il y a une demande de gestion transparente, démocratique du Conseil de la jeunesse, où les rôles de chacun sont attribués clairement. J’aimerais qu’à la prochaine AG on approuve les calendriers, les objectifs et les thématiques des commissions, des groupes de travail, avec l’idée d’une cohérence globale. Je voudrais que le nouveau CA soit un moteur. Mais surtout, mon but est que le Conseil de la jeunesse favorise le débat pour favoriser la citoyenneté. Le débat, c’est déjà une fin en soi. Il doit être pluraliste, avec de vrais sujets de fond, des intervenants extérieurs. Le Conseil de la jeunesse doit aller vers les jeunes, grâce à des enquêtes, des forums, pour récolter leur parole et susciter leur participation. C’est ce processus-là qui compte, qui doit être le plus riche possible. Enfin, le Conseil de la jeunesse, lorsqu’il se retrouvera sur des positions politiques fortes, doit véritablement devenir une machine de guerre pour défendre la parole des jeunes. Mais nous n’y parviendrons qu’en allant au fond des débats. Et les sujets sont très nombreux. De la dette à l’environnement en passant par les politiques de l’emploi.
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