Si j’étais ministre en charge des questions interculturelles… je me demanderais d’abord où je suis. À Bruxelles, ma ville, ces questions sont traitées par des tas de ministres appartenant à des tas de gouvernements qui se marchent allégrement sur les pieds. Ensuite, je me demanderais sérieusement à quoi je sers: à caresser «l’opinion publique» dans le sens du poil? à être un supplétif du ministre de l’Intérieur? Là, je parle d’interculturel, car c’est une question qui me passionne depuis toujours: comment construire une société sans la niveler, sans nier sa diversité qui, au XXIe siècle, est vouée à s’amplifier chaque jour? Il faut un vrai projet structurant de «société inclusive». Projet qu’aucun parti de gouvernement n’ose plus affirmer dans le climat de paranoïa actuelle où c’est le football panique qui domine.
Si j’étais ce ministre, j’éviterais de tout mélanger. Lors des incidents de Molenbeek avec Sharia4Belgium, un certain parti avait trouvé le remède: instaurer un parcours d’accueil obligatoire pour les nouveaux migrants… alors que Fouad Belkacem et ses comparses étaient tous Belges nés Belges. Depuis, un autre parti, qui s’était toujours opposé au principe même d’un tel parcours, devenait d’un coup partisan de le rendre obligatoire. Les leaders de ce parti, interrogés sur cette volte-face radicale, nous affirmaient que, pour ce qui les concernait personnellement, ç’avait toujours été leur position. Courageux.
Si j’étais ce ministre, j’éviterais d’être une girouette qui suit l’air du temps au lieu de l’inspirer.
Henri Goldman, rédacteur en chef de la revue Politique
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