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Contentieux locataires-propriétaires : la conciliation n'est plus obligatoire

Exit la conciliation obligatoire dans les contentieux locatifs. Une régression sociale ? Rien n’est moins sûr. Dans la pratique, le juge laissera toujours la place à laconciliation. Reste à savoir si les locataires pourront s’y préparer correctement, avec l’aide d’associations les représentant. On rappellera aussi qu’il existe d’autres pistes,telles que la médiation.

03-07-2008 Alter Échos n° 255

Exit la conciliation obligatoire dans les contentieux locatifs. Une régression sociale ? Rien n’est moins sûr. Dans la pratique, le juge laissera toujours la place à laconciliation. Reste à savoir si les locataires pourront s’y préparer correctement, avec l’aide d’associations les représentant. On rappellera aussi qu’il existe d’autres pistes,telles que la médiation.

Ce 18 juin, l’Exécutif a sanctionné et promulgué une loi visant la suppression de la procédure de conciliation obligatoire en matière de contentieux locatif. Letexte définitif a été voté au Sénat le 5 juin1. Son contenu ne diffère pas du texte adopté à la Chambre le 10 avril de cetteannée. Il précise que : « le juge tente de concilier les parties. En cas de non-conciliation ou de défaut, la procédure a lieu au fond. Le jugement indique que lesparties n’ont pu être conciliées. »

La proposition

À la base de cette nouvelle loi, une proposition CD&V-NVA du 13 février 2008 constate l’inefficacité de l’article 1344 septies du Code judiciaire (Loi-programme du 24décembre 2002), lequel instaure la procédure de conciliation obligatoire en cas de litiges locatifs relatifs à l’adaptation du loyer, le recouvrement des arriérésde loyer ou l’expulsion. D’emblée, les auteurs de la proposition saluent « la volonté d’éviter des procédures longues et onéreuses, d’influencer demanière positive les relations entre parties et de renforcer le rôle de médiateur du juge. » Toutefois, ils constatent – sur la base de « statistiquesfragmentaires » – que « la conciliation obligatoire n’a pas donné les résultats escomptés et n’a porté ses fruits que dans une petite minoritéd’affaires. Dans de nombreux cas, le locataire ne s’est même pas présenté. » De là, ils en tirent les conséquences : perte de temps, coûts derequête inutiles, engorgement de la justice de paix et accumulation des arriérés de loyer. Tout en restant partisans d’une tentative de conciliation, les parlementaires visentdonc à accélérer le règlement du conflit en supprimant une procédure qu’ils jugent inutile et coûteuse.

Les auditions

Pour se faire une idée claire de la situation sur le terrain, la commission Justice du Sénat avait auditionné divers acteurs. De l’ensemble, il ressort que les locatairesn’osent pas demander de l’aide – ou alors très tardivement – et redoutent comme la peste les institutions, en particulier la Justice.

José Garcia, secrétaire général du Syndicat des locataires2, reconnaît que « si certains locataires peuvent utiliser la tentative de conciliationobligatoire pour gagner du temps, l’expérience démontre que ce préalable est souvent un premier pas vers une conciliation entre les parties. Lorsque des locataires s’adressent auSyndicat des locataires, dans plus de 50 % des cas, la tentative de conciliation obligatoire se solde par un accord entre les parties. » Il estime donc qu’il serait néfaste de supprimercette étape : « Ce sont les locataires les plus défavorisés qui font appel au syndicat. Or la justice reste une institution qui impressionne ce type de personnes. Le plussouvent, les locataires qui reçoivent la convocation en conciliation réagissent. Ils s’adressent à une association ou essaient de se renseigner sur la procédure qui lesattend. »

Un représentant du Vlaams Overleg Bewonersbelangen a également expliqué que « dans environ 70 % des cas, le locataire ne se présente pas [à uneprocédure de conciliation]. Il est donc exact qu’une tentative de conciliation obligatoire aura pour effet de faire durer la procédure, ce qui n’est pas non plus une bonne chose pourles associations de locataires. » Plus les arriérés de loyers sont élevés, plus la situation devient inextricable pour les locataires. D’après lui, le CPASdevrait intervenir dans le mois en cas d’arriérés de loyer, de manière à mettre en œuvre rapidement un plan d’apurement qui concilie les deux parties.
Un avis partagé par la représentante du Service logement d’Izegem. Elle voudrait que soit optimalisée la tentative de conciliation « par l’élaboration de mesurescomplémentaires, grâce à une intervention plus pro-active du CPAS, des syndicats de locataires et des « points logement ». Elle admet toutefois que la tentative de conciliationn’est pas toujours couronnée de succès. « Les locataires ne sont pas toujours suffisamment préparés. Ils s’expriment souvent avec moins d’éloquence que lespropriétaires ou leurs avocats, dit-elle. De même, il n’est pas rare que les propriétaires aient déjà convenu préalablement avec leur avocat qu’ils ne veulentpas aboutir à une conciliation. »

Pour sa part, le représentant de l’Union royale des juges de paix et de police et également président du cinquième canton de la Justice de paix d’Anvers, estime,qu’à Anvers, pour les seuls logements sociaux, « les locataires ne se présentent pas à un appel en conciliation dans près de 80 % des cas. C’est dû souventà une manœuvre tactique du locataire, qui consiste à contraindre le bailleur à engager une procédure judiciaire, ce qui permet au locataire de rester plus longtempsdans le bien loué. » Pour lui, l’appel en conciliation obligatoire représente clairement une perte de temps pour ces locataires-là. Avant d’ajouter : « Par contre,pour les 20 % restants où la situation n’est pas désespérée, lorsque le locataire est en proie à des problèmes financiers temporaires, la conciliationobligatoire porte ses fruits. »

Enfin, le Syndicat national des propriétaires et des copropriétaires constate que « dans la majorité des cas, les parties concernées ont déjàéchangé des courriers et essayé de se concilier. Il est rare qu’une partie saisisse directement la justice sans avoir au préalable eu des contacts avec la partie adverse.» Et de souligner le caractère antinomique des termes « conciliation » et « obligatoire » : « pour obtenir une conciliation, il faut que les deux parties enconflit aient la volonté de trouver un accord. »

On supprime, et ensuite ?

Devant la suppression de la procédure de conciliation obligatoire, le Syndicat des locataires suggère qu’on évite aux locataires de se retrouver seuls devant le juge de paix :« Un locataire qui le souhaite devrait pouvoir être accompagné par une organisation spécialisée dans la défense des locataires. » Il déplore aussique l’expérience pilote des commissions paritaires locatives, favorisant la médiation, n’ait pas été pérennisée et étendue.

Il est rejoint sur ce point par Solidarités nouvelles-Charleroi3. Tout en soutenant le combat des autres organisations de déf
ense de locataires, Paul Trigalet estime que« la procédure de conciliation obligatoire n’était pas le bon système. Ce n’est pas pour autant qu’il faut enterrer la conciliation en matière de logement,s’empresse-t-il d’ajouter. Mais pour qu’elle soit réussie, il faut qu’elle soit volontaire et qu’on puisse accompagner le locataire. Dans la médiation paritaire locative, on allait dansce sens-là. » Il signale d’ailleurs que le Conseil supérieur du logement wallon a rendu un avis unanime visant à lancer des expériences de médiation locativeau niveau de la Région, afin de ne pas se contenter de recourir à la justice. Il existe déjà l’expérience de médiation paritaire à Charleroi, maisaussi la médiation communale à Namur. Pourquoi, dès lors, ne pas favoriser l’extension du système ?

1. Sénat. Projet de loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la procédure relative aux litiges en matière de louage. Doc. n° 4-693.
Site : www.senat.be
2. Syndicat des locataires
– adresse : square Albert Ier, 32 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 524 42 03
– courriel : syndicatdeslocataires@gmail.com
3. Solidarités nouvelles :
– adresse : rue Léopold, 36 A à 6000 Charleroi
– tél. : 071 30 36 77
– courriel : sn.secretariat@skynet.be

Baudouin Massart

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