L’Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales (ONSSAPL) a réalisé une étude sur l’évolution de l’emploi dans cesecteur entre 1995 et 2004. Si l’emploi augmente, cela est surtout dû à l’engagement de contractuels. Entretien avec Nicolas Jeurissen1, administrateur généraladjoint.
L’ONSSAPL est l’organisme de sécurité sociale compétent pour les pouvoirs locaux tels les provinces, communes, intercommunales, CPAS et zones de police locale.Créé en 1952, il gère la perception et la répartition de toutes les cotisations patronales et personnelles de sécurité sociale pour ces administrations, etmême les retenues sur les pensions des pensionnés de certains régimes, la perception de cotisations spéciales et des cotisations pour le financement des régimes depension des pouvoirs locaux, la caisse des allocations familiales et les cotisations au service social auquel peuvent s’affilier librement les employeurs pour leur personnel.
Une étude comparative
Il est donc intéressé au premier chef par l’évolution de l’emploi dans le secteur. C’est pourquoi il a lancé une étude sur les emplois contractuels etstatutaires et leur évolution dans le secteur local de 1995 à 2004. Avec l’assistance et le conseil du professeur Pacolet de la KUL, le service « statistiques » de l’ONSSAPLa analysé sa propre banque de données. Ces résultats intéressent également les Régions, dont relèvent les administrations locales. Et ce d’autant plusque des nouveautés en matière d’emploi ont été appliquées au niveau local, comme la mise au travail des bénéficiaires du revenu d’intégrationsociale (RIS) et le régime des contractuels subventionnés.
L’emploi augmente…
Le premier résultat est intéressant. Le volume global de l’emploi a augmenté. On est passé de 268.714 emplois (soit 218.195 équivalents temps pleins) à332.982 (soit 267.299 équivalents temps pleins). « La politique d’emploi dans les régions a donné des résultats sensibles, constate Nicolas Jeurissen. Cettepolitique correspond également à des besoins. En effet, les besoins de la population sur le plan local ont augmenté. Le citoyen attend davantage aujourd’hui de ses pouvoirspublics locaux, surtout dans les secteurs de l’aide sociale, de la culture et du non-marchand. »
… le nombre de contractuels aussi
L’étude pointe un autre résultat important. Sauf dans la police, où l’on assiste à une augmentation de la proportion d’agents nommés (un des effets visibles dela réforme), la proportion d’emplois contractuels augmente dans tous les secteurs et est passée globalement de 50 à 56 % en 10 ans. À noter qu’elle n’est que de 30 % dansles autres services publics (régionaux et fédéraux). Les contractuels, dont l’emploi est plus précaire que les agents nommés, ont un contrat à duréedéterminée ou indéterminée, mais résiliable. Cette catégorie englobe également les contractuels subventionnés, engagés avec une prime etune réduction de la cotisation de sécurité sociale.
Les statutaires, quant à eux, bénéficient d’un régime propre de sécurité sociale. Lorsqu’il est malade, le statutaire reçoit son traitementcomplet. Si la maladie se prolonge, le salaire diminue après un temps déterminé. Dans un deuxième temps, l’agent devient pensionné pour inaptitude physique. Lecontractuel relève, lui, du régime d’incapacité, d’invalidité et de pension du régime de sécurité sociale des travailleurs salariés. La pensionest celle du secteur privé. S’il est malade, son salaire est remplacé par une indemnité payée par la mutuelle.
Un problème?
L’évolution de la proportion des statutaires et contractuels inquiète l’ONSSAPL. En effet, pour Nicolas Jeurissen, « la proportion de contractuels peut poser un problèmeen termes de financement des pensions publiques tandis que, dans un souci légitime d’équité, la déclaration gouvernementale envisage à terme d’organiser unrégime de pension complémentaire pour les contractuels qui permettrait de compenser la différence entre le régime privé et le régime public. » Lamajorité des agents nommés ont entre 45 et 55 ans, la plupart des contractuels entre 25 et 45 ans. Dans les dix ans qui viennent, 70.000 agents devraient prendre leur pension, dont45.000 nommés. Dans les années 1970, avec la fusion des communes, la création des CPAS, d’hôpitaux, d’intercommunales, le pouvoir public a engagé un certain nombrede personnes (surtout des agents nommés), qui partent maintenant à la pension. Dans dix ans, on verra apparaître la seconde vague de pensions: celles des contractuels. Les taux decotisation patronale sont différents pour les statutaires et les contractuels. « Les statutaires sont devenus plus coûteux: moins il y a d’agents nommés, moins il y aura decotisations, mais plus le taux de cotisation devra être relevé, rendant le recrutement de statutaires encore plus coûteux ! En tout état de cause, il faudra supporter lacharge des pensions. Nous sommes conscients que les taux de cotisation devront peut-être être adaptés », complète Nicolas Jeurissen.
Surtout dans les hôpitaux et les intercommunales
Dans le secteur des CPAS, des hôpitaux et des intercommunales, l’emploi est à la hausse, mais on n’engage presque plus que des contractuels : + 12 % dans les hôpitaux, + 14 %dans les intercommunales. La croissance la plus faible est enregistrée dans les CPAS et les provinces (6 %). « Dans les hôpitaux, on ne nomme pratiquement plus, explique NicolasJeurissen, vu les restructurations, les fusions, les privatisations. Phénomène curieux, certains agents nommés sont remis à charge du CPAS, puis détachésvers l’hôpital.
Par ailleurs, le CPAS se sépare souvent de son personnel, qui migre vers une nouvelle intercommunale. À Anvers, par exemple, le CPAS a confié la gestion de ses hôpitauxà une structure privée. Le personnel contractuel est plus flexible. Et lorsqu’un nommé tombe malade, il faut continuer à payer son salaire et payer le salaire de sonremplaçant. Selon Nicolas Jeurissen, « pour les intercommunales, le plan de restructuration annoncé en Wallonie n’aura pas nécessairement d’effets sur l’emploi, car lesrestructurations visent surtout à améliorer les services dans certains secteurs. »
Une surprise
Les résultats de l’étude mettent à mal certaines idées reçues qui veulent que toute administration offre des emplois sûrs et que la Wallonieprivilégie l’emploi public statutaire. En effet, on constate une plus grande proportion d’agents nommés dans les administrations régionales et fédérales que dansles administrations locales. Et, parmi celles-ci, une plus petite proportion en Wallonie qu’à Bruxelles ou en Flandre (6% en moins). En termes de genre, la proportion de femmes estrestée inchangée. Deux tiers des contractuels sont des femmes. Et 55 % des agents nommés sont des hommes !
Quelques enjeux
Face à ces résultats, Nicolas Jeurissen veut insister sur plusieurs enjeux. « Tout d’abord, les attentes des citoyens envers les pouvoirs locaux sont de plus en plus grandes.Nos décideurs politiques devront engager de plus en plus de personnel et de plus en plus de personnel performant. La tentation peut être grande de croire mieux réaliser cestâches avec des contractuels. Ensuite, on constate la vigueur du préjugé qui veut que telle fonction soit statutaire et telle autre, non. Pourquoi voit-on plus facilement unpolicier et un pompier comme statutaires et un ouvrier comme contractuel? Il n’est pas sûr que tel ou tel statut favorise la qualité du travail. D’autre part, le secteur est trèsvivant et est en restructuration continue. »
Enfin, cette étude, dont les résultats intéressants mettent à mal une série d’idées reçues, a été portée à la connaissancedes décideurs et du public le mois dernier, mais peut encore être poursuivie: « On pourrait par exemple explorer attentivement la durée de contrat des contractuels, larotation de l’emploi et son évolution. »
1 Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales
Nicolas Jeurissen, administrateur général adjoint, rue Joseph II, 47 à 1000 Bruxelles – tél.: 02 234 33 82 – courriel: nicolas.jeurissen@onssapl.fgov.be – Une version abrégée et une version complète de l’étude sontdisponibles sur le site de l’Onss