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Regard critique · Justice sociale

Contreprestations des demandeurs d'emploi néerlandais : réintégration sociale ou travail forcé ?

Depuis le premier janvier 2012, les communes néerlandaises peuvent exiger des demandeurs d’emploi qu’ils assurent des « contreprestations » au profit de la communauté.Certaines vont très loin.

06-07-2012 Alter Échos n° 342

Depuis le premier janvier 2012, les communes néerlandaises peuvent exiger des demandeurs d’emploi qu’ils assurent des « contreprestations » au profit de lacommunauté.

Ce n’est pas une obligation pour les communes : le ministre démissionnaire1 des Affaires sociales, Paul de Krom, a laissé le choix aux administrations communalesd’instaurer, ou non, ce type de réglementation. Depuis la décentralisation des années ’80, ce sont en effet les communes qui gèrent les allocations de chômage– bijstanduitkering – ainsi que les modalités de l’aide à l’intégration sociale. Le problème, c’est que le cadre fixé par le ministre tient en quelquesprincipes tellement vagues et généraux que les municipalités en tirent à peu près les interprétations qu’elles souhaitent !

Qu’on en juge : « Le travail sera non rémunéré, socialement utile, et ne constituera pas d’entrave à l’acceptation d’un emploi ou à laréintégration. Les prestations seront limitées dans le temps et en quantité. Elles seront effectuées à côté ou en complément au travailrégulier des organisations dans lesquelles elles sont prestées et ne conduiront à aucune réduction du marché du travail. Le bénéficiaire de l’aidesociale doit être en état de travailler et sera assuré contre l’incapacité de travail et en responsabilité civile. »

Environ un tiers des 415 communes du royaume ont publié ou préparent un plan de contreprestations. Mais, compte tenu de la liberté d’interprétation laissée auxautorités locales, les propositions varient du tout au tout : à Ede2, on envisage surtout le déblayage de la neige en hiver et le ramassage des feuilles en automne.Appeldoorn3 rappelle le cadre légal sur son site, mais ne précise en rien ses propres modalités d’application. La commune de Drenthe4 dans son ambitieux« Cadre politique – Tous actifs 2013 ! », consacre à peine un paragraphe sur quarante pages à la « solidarité » et au « droit de lacommunauté d’attendre des contreparties en échange du paiement des allocations ».

Toujours un peu plus loin

Mais c’est sans doute la commune d’Emmen qui va le plus loin. Outre le recours aux contreprestations par les demandeurs d’emploi, elle demande à ces derniers de mobiliser leur réseaud’aide : pourquoi ne pas demander à votre sœur de faire les courses ou le ménage plutôt que de recourir à une aide familiale qui coûte cher à lacommunauté ?5

Qu’en pensent les principaux concernés : les demandeurs d’emploi ? Ils sont nombreux à considérer qu’il s’agit d’une « politique symbolique » destinéeà démontrer au contribuable néerlandais que son argent n’entretient pas le parasitisme économique. D’autres parlent carrément de travail forcé. C’estégalement l’avis de Sadet Karabulut, député SP (parti socialiste). Pour lui, la possibilité d’appeler 24 heures sur 24 un demandeur d’emploi pour effectuer destâches sans pour autant sortir du système des allocations sociales va non seulement coûter plus cher à la communauté, mais représente « une forme moderned’esclavage ».

Un avis qui pourrait bien peser lourd dans le destin de ces contreprestations puisque tous les sondages donnent le SP grand vainqueur des prochaines élections législatives.Au-delà des bonnes intentions ou des tentations d’exploitation des plus faibles, ce qui s’exprime vraisemblablement à travers ces plans de contreprestations, c’est le désarroid’une société naguère riche et stable face à la désaffiliation sociale et aux difficultés économiques européennes : le modèle estgourmand en croissance économique…

1. Le gouvernement néerlandais est « tombé » en mai dernier lorsque le populiste Geert Wilders a quitté la table des négociations budgétaires. Lesministres démissionnaires gèrent donc les affaires courantes jusqu’aux élections du 12 septembre prochain.
2. http://www.ede.nl/bestuur/organisatie/…
3. http://inwoners.apeldoorn.nl/inwoners/bijstand_3505/
4. http://www.deventer.nl/leven/werk-inkomen/iedereen-actief/…-actief-2013.pdf
5. http://www.vn.nl/Archief/Samenleving/…/Een-schop-onder-de-kont.htm

Marco Bertolini

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