En septembre 2015, le gouvernement fédéral décidait de réintroduire les contrôles à domicile pour les demandeurs d’emploi. Il s’agit d’un retour à une situation existante avant 2000, même si ce type de contrôle a continué d’exister pour les allocations de survie et les allocations familiales.
La procédure prévoit que l’Office national de l’emploi (ONEM) peut envoyer sans avertissement un inspecteur social chez un demandeur d’emploi en cas de suspicion de fraude, afin de vérifier la conformité de son dossier en matière de chômage, et notamment sa situation familiale et de résidence. Une visite domiciliaire peut être réalisée préalablement ou à la suite de l’audition d’un chômeur en bureau de chômage. Toutefois, l’inspecteur ne peut pénétrer dans le domicile que s’il en reçoit l’autorisation écrite du chômeur. En cas de refus, l’ONEM peut solliciter un ordre de visite auprès du juge d’instruction. L’inspecteur social lui-même n’est pas autorisé à fouiller dans les armoires. Seule la police disposant d’un mandat de perquisition peut le faire. Jusqu’ici, il ne s’est pas avéré une seule fois nécessaire de demander au juge d’instruction l’autorisation de pénétrer dans l’habitation parce que le demandeur d’emploi s’y opposait.
Une personne sur trois sanctionnée
Au cours des trois premiers trimestres 2017, l’ONEM a procédé à 426 visites domiciliaires qui se sont soldées par 136 situations de non-conformité. Pour 2016, 105 situations de non-conformité avaient été détectées au travers de 341 visites domiciliaires qui ont permis de récupérer 21 millions d’euros. En 2016, seuls quatre demandeurs d’emploi ont refusé l’accès à leur domicile. «Ces refus n’ont toutefois pas entravé le déroulement de l’enquête puisque les irrégularités ont finalement pu être traitées sans qu’il soit nécessaire de réclamer auprès du juge d’instruction une autorisation de visite domiciliaire», explique Joëlle Grünspan, porte-parole à l’ONEM.
«Plutôt que d’apporter des réponses au chômage de masse et à la précarité, on braque les projecteurs sur la responsabilité individuelle du sans- emploi.», Thierry Bodson, FGTB
L’Office précise aussi que les contrôles à domicile sont utilisés en dernier recours et en cas de sérieux indice de fraude. «Nous croisons nos données sur la situation familiale des chômeurs avec celles du Registre national. Les situations contradictoires apparaissent très vite. Ce type de croisement est très efficace. Dans l’énorme majorité des cas, il n’est absolument pas nécessaire d’aller chez le chômeur pour constater une irrégularité», poursuit Joëlle Grünspan.
Pour les syndicats comme les associations défendant les demandeurs d’emploi, cette mesure est tout simplement discriminatoire. «Elle est plus destinée à stigmatiser et culpabiliser les sans-emploi en sous-entendant, implicitement, qu’ils sont, par nature, fainéants, profiteurs, fraudeurs… Plutôt que d’apporter des réponses au chômage de masse et à la précarité des chômeurs, on braque les projecteurs sur la responsabilité individuelle du sans-emploi, un oisif qu’il faut appauvrir et contrôler de toutes parts, reproche Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB wallonne. Pour nous, il faut tout simplement abroger ces contrôles et se diriger, au plus vite, vers l’individualisation des droits via la suppression du statut de cohabitant et la revalorisation de celui d’isolé.»
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Alter Échos n° 456-457, «Chômage: à la recherche des exclus», Pierre Jassogne, 19 décembre 2017