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"Convention d'immersion et reconnaissance des compétences, nouveaux outils pour l'entrée dans l'emplo"

09-09-2002 Alter Échos n° 126

Quelle est cette convention d’immersion professionnelle qui est d’application depuis le 1er septembre pour régulariser les différentes formes de stage non encadrées? Enexaminant les perspectives qu’elle ouvre, le lien va vite s’imposer avec l’actualité des décisions et des débats sur la mise en place du droit au bilan de compétences, etsur la validation des compétences en général.
1. La convention d’immersion professionnelle
Entrée en vigueur depuis le 1er septembre, la convention d’immersion est une des mesures introduites par la ministre Onkelinx1 dans la loi-programme votée le 15 juillet par le Parlement(voir Moniteur belge du 29 août). Objectif : créer un statut socle pour toutes les formes d’entrée dans l’emploi liées à une formation.
1.1 Une mesure qui tombe du ciel?
Michel Croès, conseiller de la ministre de l’Emploi, remet cette nouvelle mesure en perspective : «Nous ne disposions pas d’un statut d’entrée dans l’emploi, que ce soit pour lesjeunes qui terminent leur scolarité ou pour les personnes dites rentrantes après une période d’inactivité. Bien sûr, il y a différentes formes de formation enalternance, les aides à la formation professionnelle individuelle (FPI et PFI), le plan 1er emploi, etc. Donc tout le monde attend quelque chose sur ce terrain-là depuis longtemps. Poursa part, le gouvernement veut soutenir les différentes formes d’alternance, et mettre en place le droit au bilan de compétences. Il fallait donc s’attaquer à toutes ces zonesgrises d’entrée dans l’emploi, stages rémunérés ou non, bidon ou autres, etc. Or, tous ces stages non encadrés, on peut sans doute les voir comme des entreprisesqui acceptent que de nouvelles recrues participent à la production de façon à acquérir les compétences spécifiques qui conditionneront leur embauche. Mais onpeut aussi bien les voir comme du travail au noir pur et simple.»
La convention d’immersion entend donc à la fois
> créer un statut pour les situations de stage non encadrées,
> et proposer un socle minimum d’avantages pour les entreprises et les travailleurs, applicable à toutes les formes de stage déjà encadrées par l’État, qui de cefait devraient moins se concurrencer les unes les autres.
1.2 Contenu des conventions : minimal
En quoi consistent donc ces nouvelles conventions ? La réponse se trouve dans les articles 104 et suivants de la loi-programme.
La loi définit d’abord le stagiaire comme toute personne qui, «dans le cadre de sa formation, acquiert certaines connaissances ou aptitudes auprès d’un employeur en effectuant desprestations de travail». Le spectre couvert est donc très large : de l’architecte et du médecin à l’apprenti des classes moyennes ou au stagiaire en formation par letravail.
ýa convention est signée entre chaque stagiaire et son employeur, au plus tard au moment où commence l’occupation. Quant à son contenu et à son champ d’application,le principe est qu’une convention d’immersion doit être signée avec tout stagiaire et prévoir une rémunération, mais la loi prévoit quatre situations.
Pour les mesures d’alternance existantes
Pour toutes les formes de stage et d’alternance qui sont organisées par des législations régionales ou communautaires, ainsi que par des conventions collectives, la loi entreraen vigueur le 1er septembre 2004 et la convention d’immersion doit mentionner : le principe et la durée de l’accompagnement, les modalités de rupture du contrat et les modalitésde paiement de l’indemnité. En somme, régions, communautés et partenaires sociaux ont deux ans pour adapter, si nécessaire, leurs dispositifs de formation et leursconventions types.
Pour l’enseignement et les centres de formation
Quand les prestations de travail excèdent 60 jours et que la formation est organisée par un établissement d’enseignement ou un centre de formation agréé, la loirenvoie le contenu des conventions à ces derniers.
Pour toutes les autres situations…
La convention comprend l’identité et les coordonnées du stagiaire et de l’employeur, le lieu d’exécution de la convention, son objet et sa durée, la duréejournalière et hebdomadaire de présence, l’indemnité versée au stagiaire, les modalités de rupture, et surtout «le plan de formation convenu entre les partieset agréé par les autorités compétentes» à savoir les régions ou la Cocof.
… sauf les dispensés de convention
La convention d’immersion n’est pas nécessaire dans quatre cas :
> quand la formation se déroule dans le cadre d’un contrat de travail conforme à la loi de 1978 (notamment l’apprentissage industriel et l’A.R. 495),
> quand les prestations de travail n’excèdent pas 60 jours et que la formation est organisée par un établissement d’enseignement ou un centre de formation agréé(stages d’observation, d’immersion, etc.),
> les stages organisés par un ordre ou un institut professionnel reconnu par l’État (comptables, architectes, avocats, etc.),
> les stages dont la durée est explicitement fixée par une réglementation et qui débouchent sur «un diplôme, un certificat ou une attestation decompétences professionnelle».
Il subsiste donc des possibilités de stage non rémunéré.
Mais pour toute convention – donc les trois premiers cas – et quel qu’en soit le contenu, l’indemnité minimale dans le cadre d’une convention d’immersion doit êtreégale au salaire minimal tel que défini pour l’apprentissage industriel (loi de 1983). Ce minimum peut être augmenté par arrêté royal ou par conventioncollective sectorielle.
Dans le premier cas (mesures d’alternance existantes), l’indemnité peut être partiellement constituée d’une allocation activée, et pour les formations longues, si lestagiaire a plus de 18 ans, et s’il est dans sa quatrième année de formation ou plus, l’indemnité ne peut être inférieure au tiers du revenu minimuminterprofessionnel.
1.3 Perspectives
Tout cela a été conçu comme un filet supplétif, commente Michel Croès, «La loi offre en fait deux possibilités aux employeurs quand ils doivent signerune convention d’immersion : soit l’employeur définit son plan de formation de manière autonome et a une obligation de déclarer et de rémunérer le stagiaire, et degarantir la bonne fin de la convention telle qu’approuvée par la région, soit il passe par les opérateurs et les mesures existantes, où l’indemnité minimale de laconvention d’immersion va s’appliquer, et où les éventuelles primes régionales ou autres fonctionneront comme des incitants qui en diminuent le coût. La convention doitdonc promouvoir le recours aux dispositifs régionaux de placement et de formation.»
Plus que cela, à terme, la convention d’immersion doit être articulable au bilan de compétences dont les Régions préparent la mise en place. Par exemple, pour unepersonne rentrante, le plan de formation pourra tenir compte des résultats de son bilan de compétences, et son expérience de st
age être une des composantes d’une formationcertifiante. «On peut donc augmenter la mobilité, commente Michel Croès, dans le sens où ce qui est acquis en stage n’est plus seulement valable dans l’entreprise oùle stage a été effectué. Ou dans un autre cas de figure, le jeune qui a quitté l’école et découvre la vie professionnelle via un stage pourraéventuellement être orienté vers un Cefa sur la base du bilan de compétences qui clôture sa convention d’immersion. Sans une telle articulation avec les dispositifsrégionaux, on ne peut pas lui jeter de passerelle qui lui permette d’envisager de revenir dans l’enseignement.»
Enfin, la convention d’immersion enterre-t-elle le vieux projet d’apprentissage supplétif (c.à-d. valable pour les secteurs qui n’organisent pas l’apprentissage industriel) sur lequelplanchait encore le Conseil national du travail au début de cette législature? Notre interlocuteur ne l’affirme pas aussi catégoriquement, tout en précisant que lanouvelle convention a été élaborée dans le même esprit, en tenant compte des travaux du CNT, et en utilisant la base légale qu’il proposait (loi de 83 surl’apprentissage).
2. Le Rosetta en alternance et la nouvelle Convention emploi formation (A.R. 495)
La même loi-programme (art. 101 et 102) a assoupli les modalités des conventions de premier emploi en alternance, qui sont pratiquement jusqu’ici restées lettre morte. La loi de2000 imposait une simultanéité entre la période d’emploi et la période de formation pour qu’un contrat prévoyant une formation puisse se doubler d’une convention depremier emploi. Le modèle là-derrière était l’approche de l’enseignement à horaire réduit, où jours de formation et jours en entreprise sontalternés durant la semaine, tout au long du contrat.
L’assouplissement apporté est simple : les périodes de formation et d’emploi pourront se succéder, tout en restant organisées par le même contrat. Une entreprise quienvoie ses nouvelles recrues pendant quelques semaines en formation avant de les mettre au travail pourra donc inclure cette formation dans la convention de premier emploi. Par exemple, les PFI etFPI pourront désormais être «recouverts» par des conventions de premier emploi. Il en ira de même pour certaines… conventions d’immersion.
Pour ce qui est de l’apprentissage sous A.R. 495, la même loi-programme (art. 113) y ouvre l’accès aux jeunes qui visent un diplôme supérieur aux certificats del’enseignement secondaire, mais seulement dans le cas de professions pour lesquelles a été posé un constat de pénurie de main-d’œuvre. Pourquoi cela? «Ils’agit, explique Michel Croès, de prolonger et d’étendre un projet pilote monté avec Sysfal et les trois écoles industrielles du réseau officiel dans le Hainaut. Ilconsiste en une formation supérieure de type long en alternance de responsables de production, avec des grosses entreprises de la région, y compris le nord de la France.»
3. Deux nouveautés dans l’accord de coopération francophone sur la validation
Pendant ce temps, le gouvernement wallon a approuvé en juillet l’accord de coopération qui met en place le bilan de compétences et la validation. La Communauté et la Cocofdoivent suivre incessamment. Il restera donc aux différents parlements à en discuter et à en voter le texte. Puis il faudra adopter les arrêtés d’exécutionqui mettront en place le «consortium» qui va développer le dispositif.
Deux modifications ont été apportées au texte qui avait fait l’objet d’un accord politique en janvier, de sorte que le consortium se voit flanqué de deux instances d’avis:
> Le consortium sera doté d’une « commission consultative et d’agrément » qui regroupera entre autres les exécutifs, les partenaires sociaux et les services publics de l’emploi.Les opérateurs publics de formation y seront aussi représentés, mais sans voix délibérative. La commission agréera les centres de validation et aura unpouvoir d’avis sur les décisions du consortium, et sur les priorités et l’évaluation du dispositif. Les partenaires sociaux ne sont donc plus seulement impliqués au niveaude la définition des profils professionnels.
> Le consortium mettra en place une commission de recours rassemblant des juristes indépendants et des experts issus des différentes administrations concernées. Lesbénéficiaires comme les centres de validation pourront s’y adresser.
Vu leur composition, les positions de ces deux instances seront de toute évidence prépondérantes.
Pour sa première année de fonctionnement, le dispositif disposera d’un budget de 770.000 euros financé par la Région wallonne, la Cocof et la Communauté. Pourrappel, la validation concerne les mécanismes d’évaluation et de reconnaissance officielle des ýompétences acquises quel que soit le chemin emprunté pour lesmaîtriser (c’est-à-dire plus seulement l’école, mais aussi l’expérience et la formation continue). Le consortium réunit le Forem (Région wallonne), BruxellesFormation, l’Enseignement de promotion sociale et l’IFPME (la formation professionnelle des classes moyennes et des PME). C’est notamment grâce à ce système de validation que lesservices régionaux de l’emploi vont pouvoir mettre en place le bilan de compétences, et que toute une série de formations pourraient être ouvertes plus rapidement àde nombreuses personnes «tout au long de leur vie».
4. Colloque du Cunic sur la validation des compétences : quelle mise en œuvre et quelle articulation à la CCPQ?
Le colloque d’ouverture de la septième université d’été des formateurs d’adultes2; qui se tenait à Gilly le lundi 19 août, voulait lancer la réflexionsur la mise en œuvre de la validation des compétences. Ce projet ambitieux de coordination d’autant d’acteurs pose question quant à sa concrétisation. D’oùl’intérêt de la question posée par le colloque : et sur le terrain, comment mettre en œuvre la validation en partant de ce qui s’y passe aujourd’hui ?
Interrogés par la suite, plusieurs participants au colloque ont décrit la table ronde avec les représentants des secteurs concernés comme le moment le plus parlant de lajournée. Spécialistes de leurs secteurs mais n’ayant pas participé aux premières négociations sur la constitution du consortium, ces intervenants ont surtoutdécrit leur manière de travailler en fonctions d’objectifs propres. Ainsi, Jean-Paul Plattevoet, chargé de mission à la CCPQ et directeur d’une école technique etprofessionnelle de la région de Mouscron, est venu exposer le fonctionnement de la CCPQ et la méthodologie utilisée pour déterminer les compétences àmaîtriser dans l’enseignement qualifiant. Mais comme bien d’autres, il résume l’ensemble de la table ronde par un «quel enthousiasme, quel dynamisme et… quelleconfusion!». Le sentiment largement partagé revenait à constater que les opérateurs de formation travaillent sur des voies parallèles. Résultat : l’individuqui désire se
former se retrouve rarement présent au centre des préoccupations de systèmes qui ont tendance à fonctionner pour eux-mêmes et non pas au servicede la demande de formation.
Il semblerait cependant que le travail effectué au niveau des IFPME, soutenu par la ministre Arena, ait passé un autre cap. S’appuyant sur sa participation au projetWallonie-Québec (qui a notamment ciblé le secteur de la formation professionnelle et sur toute la réflexion qu’il a suscitée, le secteur des IFPME est occupéà redéfinir ses programmes de formation en termes de compétence à partir de référentiels communs (comme celui de la CCPQ). Le secteur s’engagedésormais dans des partenariats avec les centres de compétence et le Forem. Ce dynamisme inquiète d’ailleurs un syndicaliste tel que Johan Lismont (Syndicat de l’enseignementlibre du Setca/FGTB) en termes de concurrence avec l’enseignement technique et professionnel ou la promotion sociale. «D’autant plus que les classes moyennes ne sont pas soumises auDécret missions».
Pour Alain Kock (un des experts invités, cheville ouvrière du premier projet Québec-Wallonie, et qui travaille désormais à la Commission consultativeformation-emploi-enseignement de la Cocof), la confusion des acteurs de terrain s’explique de différentes manières. L’accord politique sur la validation n’associe pas certains acteurs(comme les organismes d’insertion socioprofessionnelle); cet accord est encore en évolution; et de toute manière, il ne s’agit que d’un accord-cadre qu’il faudra traduire enarrêtés d’application.
Selon lui, le premier enjeu majeur qu’il faudra prochainement rencontrer est celui de l’articulation du travail de la CCPQ sur les compétences, à la mise en œuvre de la validation.Le second enjeu est celui de « l’usage social » de la validation et du bilan de compétences : les partenaires sociaux vont-ils utiliser la validation dans la définition de la normesalariale? Ou vont-ils se contenter de crédibiliser les informations obtenues par le futur consortium ? Alain Kock fait par exemple remarquer que la Belgique reste le pays de l’OCDE oùle niveau d’études a le moins d’impact sur les salaires…
Il reste aussi à voir quelles priorités le consortium va adopter quant aux opérateurs à agréer et aux compétences à valider. C’est que la masse detravail qui l’attend est considérable, et que les avis en la matière sont divergents. Chez la ministre Onkelinx, on verrait bien un travail prioritaire qui bénéficie auxtravailleurs licenciés des secteurs en déclin (le droit à l’outplacement entre en effet en vigueur le 15 septembre), donc la formalisation de compétences liées auxmétiers industriels. Chez la ministre Arena, on parle plus des chômeurs les moins diplômés de façon générale et des compétences liées auxmétiers pour lesquels une pénurie de main-d’œuvre est avérée.
1 Cab. : Michel Croès, rue du Commerce 78-80 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 233 50 89, fax : 02 233 44 88.
2 Centre universitaire de Charleroi (CUNIC), av. G. Michel, 1B à 6000 Charleroi, tél. : 071 31 46 10.

Thomas Lemaigre

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