Le 12 juin dernier, la Ligue des droits de l’homme, le MRAX et l’Observatoire international des prisons organisaient une conférence de presse qui visait deux objectifsprincipaux. L’un était de faire connaître le processus de contrôle de la mise en place de la Convention1 contre la torture dans la législation belge.L’autre objectif était de sensibiliser tant le grand public que les mandataires politiques aux failles de la législation belge actuelle en matière de lutte contre latorture.
Le rôle du Comité contre la torture est de contrôler l’application de la Convention par les différents états signataires. Cette évaluation estétablie à partir de l’examen de rapports présentés périodiquement par les gouvernements eux-mêmes et, le cas échéant, sur based’informations complémentaires, souvent peu avouables, recueillies par les ONG à destination du Comité.
Ce mécanisme de rapportage est non-contraignant au nom de la souveraineté étatique. À l’issue de l’évaluation, le Comité émet desobservations finales. Celles-ci contiennent trois types de contenus : les félicitations à propos des aspects positifs de la situation nationale, les « sujets depréoccupations » et les « recommandations ». Ces dernières visent la mise en conformité de la norme nationale avec la Convention à la suite dunon-respect de dispositions particulières du texte.
En mai, un rapport alternatif2 à celui transmis en août 2001 par l’État belge était communiqué par plusieurs ONG au Comité onusien de contrôlede l’application de la Convention contre la torture. Les signataires de ce rapport sont la Ligue des droits de l’Homme, le Mrax, l’Observatoire international des prisons et leCollectif des femmes en noir contre les expulsions et les centres fermés, avec le soutien de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme.
Le Comité procédait à l’évaluation du respect de la Convention par l’État belge au début du mois de mai 2003 et a rendu ses conclusions etrecommandations à la mi-mai.
Le Comité semble avoir été très sensible aux informations transmises par les ONG et avoir largement fait écho de recommandations formulées par les ONGdans son évaluation, que d’aucuns qualifient de sévère.
Dans son introduction, le Comité pointe le manque « d’informations relatives à l’application pratique de la Convention et aux difficultés rencontréesà cet égard ». Le rapport des ONG venait, semble-t-il, largement répondre à cette carence.
Des sanctions pour la police
Des avancées sont pointées. Parmi celles-ci, l’introduction d’articles dans le code pénal relatifs à la torture, précisant notamment quel’ordre d’un supérieur ne peut justifier les infractions de torture ; le développement du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P); et l’abrogation de l’article permettant de placer un mineur en maison d’arrêt.
Au niveau des sujets de préoccupation, le Comité contre la torture relève une quinzaine de points. On y retrouve notamment le cas d’utilisation excessive de la forcelors de manifestations publiques ou d’éloignements d’étrangers et la problématique de la double peine.
Au niveau des recommandations enfin, point le plus crucial puisqu’il s’agit de ce qui pose le plus problème dans l’évaluation, le Comité en formule plusd’une douzaine.
Il recommande de veiller à ce que les agents des forces de l’ordre soient sanctionnés pénalement s’ils commettent des traitements dégradants et qu’uneenquête soit immédiatement lancée en cas d’allégations de recours excessif à la force. « Au niveau des étrangers et des demandeurs d’asile,il est recommandé » de conférer un caractère suspensif aux décisions d’éloignement du territoire lorsque la personne invoque le risqued’être soumise à la torture dans le pays où elle doit être renvoyée. Viennent aussi une série de recommandations relatives à la prison et au droitdu détenu : accès à un avocat et à un médecin de son choix dans les premières heures suivant son arrestation, information dans une langue qu’ilcomprend, information rapide des proches de la détention, modernisation du droit pénitentiaire, lutte plus efficace contre les violences entre prisonniers, amélioration del’accès aux soins de santé dans les prisons, ou encore formation du personnel des établissements en matière d’interdiction de torture. Enfin, le Comitérecommande de légiférer sur l’irrecevabilité de plein droit des preuves obtenues sous la torture et, par ailleurs, que l’isolement soit exceptionnel et limitédans le temps pour les mineurs.
1. La « Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » a été adoptée par l’Assemblée desNations Unies le 10/12/1984, et est entrée en vigueur le 26/06/1987. La Convention a été signée par la Belgique le 04/02/1985, ratifiée le 25/06/1999. Elle estentrée en vigueur le 25/07/99 et publiée au MB le 28/10/1999. – Convention disponible sur le site : http://www.just.fgov.be/indexe_fr.htm, dans la partie « Directiongénérale de législation pénale et des droits de l‘homme ».
2. Rapport alternatif élaboré par les ONG consultable sur le site : http://liguedh.org