Depuis un an, chaque présidence s’est engagée à mettre à son programme deux mesures de “gender mainstreaming” à défendre dansd’autres conseils que le Conseil Emploi et Affaires sociales où ces matières sont généralement abordées. La ministre de l’Emploi et del’Égalité des chances Laurette Onkelinx s’est donc emparée de deux problématiques : la coopération économique au sein du Partenariateuro-méditerranéen (Conseil des Affaires extérieures), et les Grandes orientations de politique économique (Conseil Écofin).
De plus, dans le cadre du chantier de la Qualité de l’emploi, un set particulier d’indicateurs très détaillés a été élaboré pouridentifier et affronter les véritables causes des inégalités salariales entre les hommes et les femmes.
1. Gender mainstreaming : une approche européenne
Le gender mainstreaming, c’est l’intégration systématique des situations et priorités respectives des femmes et des hommes dans l’ensemble des politiques. De laconception à l’évaluation, il s’agit de se doter d’outils pour les envisager systématiquement. On s’inscrit donc en rupture avec l’idée depolitiques – et de budgets – spécifiques, voire cloisonnées, de promotion de l’égalité des chances.
C’est avec le Traité d’Amsterdam que l’UE s’est engagée dans le gender mainstreaming. L’égalité hommes femmes y est en effet définieà la fois comme une compétence spécifique de l’Union, et comme un objectif horizontal de toutes ses politiques. Ce n’est qu’en 1996 que cette deuxièmeconception a été précisée par une communication de la Commission. Depuis, les chantiers principaux où le gender mainstreaming a abouti sont :
> la stratégie européenne pour l’emploi,
> la programmation des fonds structurels pour 2000-2006,
> les programmes de coopération au développement,
> et la politique communautaire de la recherche scientifique.
2. Euromed : un partenariat 15+12
Le partenariat euro-méditerranéen a été créé suite à une conférence, en novembre 1995, des ministres des Affaires étrangères desquinze pays membres de l’Union et de douze pays du pourtour méditerranéen. Son objet principal est de mener des politiques de coopération au développementbilatérales et multilatérales.1
Les pays méditeranéens partenaires sont : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie, Israêl, l’Autorité palestinienne, leLiban, la Syrie, la Turquie, Chypre et Malte.
Les objectifs de ce partenariat sont la stabilité et la sécurité régionale, la démocratisation, la promotion des droits fondamentaux ; le développementéconomique, l’établissement progressif de la liberté des échanges commerciaux et financiers ; le rapprochement des cultures et le soutien des organisations de lasociété civile.
Dans le cadre de ce partenariat euro-méditerranéen, la présidence belge a obtenu qu’un budget de 8 millions d’euros soit prévu pour soutenir les projetsd’intégration des femmes dans le développement économique des pays méditerranéens. Cela se fera par la création d’un “programme régionalspécifique pour l’intégration socio-économique des femmes” qui soutiendra le développement de plans d’action nationaux axés sur deux matières:
> l’accès à l’emploi, notamment par la création d’offres de formations,
> la création d’entreprises, notamment par le crédit et les réseaux d’entrepreneuses.
La Commission a élaboré ce projet sur base des conclusions du “Forum régional sur le rôle des femmes dans le développement économique” quis’est tenu à Bruxelles en juillet 2001. Elle s’est engagée à lancer en 2002 le programme approuvé par les 27 pays concernés. À la mi janvier, aucunedécision n’avait encore été prise pour ce lancement.
3. Orientation des politiques économiques
À l’instar des Lignes directrices pour l’emploi, les Grandes orientations de politique économique (Gope) sont une batterie de lignes d’action que les Étatsmembres suivent pour coordonner leurs politiques macro-économiques afin de permettre stabilité et croissance dans une économie à monnaie unique. Les Gope encadrent doncles réformes des marchés de l’emploi, des biens et services, et des capitaux, nécessaires à cet essor économique qui a reçu, au sommet de Lisbonne,l’objectif d’aboutir à “l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde”.
“Rassemblant des politiques différentes sous un chapeau unique, les Gope fournissent une guidance générale et stratégique aux politiques économiques desÉtats membres et de l’Union.” Autrement dit, c’est aux Gope que sont subordonnés tous les autres processus de coordination politique communautaire (emploi, inclusion,etc.).
C’est dans cet instrument que la présidence belge a voulu introduire une perspective d’égalité entre les hommes et les femmes. Pour ce faire, elle a organiséle 18 octobre un séminaire technique qui a permis d’aboutir à des conclusions importantes en la matière. Le Conseil Ecofin du 4 décembre a fait rapport sur ces conclusionsafin qu’elles soient prises en compte dans les prochaines Grandes orientations, qui devront être arrêtées sous présidences espagnole et danoise.
Il s’agira donc désormais d’évaluer l’impact des différentes politiques économiques sur les situations respectives des hommes et des femmes. Cela se feraà toutes les étapes du processus, de la planification à l’évaluation. Dans ces domaines macroéconomiques, la perspective de genre n’en est encore– faut-il le signaler ? – qu’à ses premiers balbutiements.
Les conclusions du sommet de Laeken demandent donc à la Commission de préparer pour le sommet de Copenhague en décembre 2001 un rapport sur “l’intégrationd’une perspective de genre dans les Gope”.
4. Indicateurs d’inégalités salariales
Alors que les taux d’emploi augmentent, les inégalités salariales entre hommes et femmes persistent. Quels sont les facteurs, éventuellement liés à lacoordination des politiques d’emploi, qui peuvent influencer ces différentiels de salaires ? La présidence Emploi, toujours dans une optique de gender mainstreaming, a vouluattaquer cette question en proposant des indicateurs.
Elle a donc confié à l’équipe de Robert Plasman (Dulbea de l’ULB) une mission d’enquête auprès des quinze États membres qui permette defaire un tour d’hori
zon des données existantes et de recommander des indicateurs.
Sur base des données rassemblées, les chercheurs ont essayé d’aller plus loin que les a priori classiques sur les causes des inégalités salariales entregenres. Le temps partiel en particulier a été décomposé pour s’avérer en fait comme tel, une cause largement moins explicative qu’on pourrait le croire.Ainsi, des pays qui ont des taux de temps partiel féminin similaires peuvent avoir des différentiels moyens de salaires entre hommes et femmes qui sont soit presque nuls, soit de plusde 20%.
“Les effets et l’amplitude relative (des différents) facteurs sur l’écart salarial selon le genre, montre le rapport de recherche annexé aux conclusions dusommet Emploi et Affaires sociales du 3 décembre2, peuvent être affectés, renforcés ou diminués par des politiques agissant sur le marché du travail ou pardes politiques familiales. La sécurité sociale et les régulations fiscales peuvent également mener à des changements dans la continuité ou ladiscontinuité de la carrière, dans le type de travail affecté aux femmes et dans la rémunération de ces emplois : allocations familiales dépendantes desrevenus, mesures fiscales comme le Working family tax credit (UK), l’allocation parentale d’éducation (APE – France) ou le crédit d’impôt (Belgique). (…).Il existe un large champ ouvert aux choix politiques. La réduction des écarts salariaux de genre nécessite une intervention dans de nombreux domaines des politiques dumarché du travail, via la pratique du ‘mainstreaming’ appliqué aux inégalités salariales, aux différents niveaux de la politique et de la gestion dumarché du travail”.
Le rapport recommande donc six indicateurs quantitatifs et trois indicateurs qualitatifs.
> Ratio pour tous les salariés – en termes de salaires horaires moyens nets et bruts par genre, et en différenciant secteurs public et privé.
> Ratio pour la masse salariale – la somme des salaires féminins et celle des salaires masculins.
> Ratio pour le temps partiel – salaire horaire brut des femmes et des hommes à temps partiel, des femmes à temps plein et à temps partiel, et des hommes à tempsplein et temps partiel.
> Ratio par âge et par niveau d’éducation.
> Désavantage salarial dans les professions ou les femmes sont concentrées – écart salarial entre genre dans les dix professions, et dans les dix métiers,où la proportion de femmes est la plus grande, et dans les dix où la proportion d’hommes est la plus grande.
> Décomposition de l’écart salarial horaire entre hommes et femmes – Cet indicateur nécessite un commentaire. Il s’agit d’utiliser un instrumentstatistique, la méthode d’Oaxaca, qui permet de définir le nombre de pour cent d’écart salarial causés par un facteur isolé. Par exemple, cettedécomposition donne pour la Belgique (où le différentiel salarial hommes femmes est de 15%) 12 % expliqués par les facteurs traditionnels comme temps partiel,éducation, âge, ancienneté, secteur et profession, et 3% non expliqués, c’est-à-dire imputables à des facteurs comme les critères denégociation des conventions collectives, aux descriptions de fonctions, etc.
> Trois indicateurs qualitatifs – dispositifs réglementaires de lutte contre les inégalités; influence des autorités en matière de négociationsalariale ; temps partiel et interruptions temporaires de carrière.
“L’information fournie par cette technique de décomposition (Oaxaca), argumente le rapport du Dulbea, est particulièrement utile pour la mise en œuvre de politiquesvisant à réduire les écarts de salaire entre hommes et femmes. S’il apparaît que les différences de professions contribuent de façon importante auxinégalités salariales, des mesures contribuant à une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes dans les différentes professions ou desmesures de révision des classifications professionnelles seront appropriées. Si les effets de l’ancienneté ou de l’expérience sont importants, la pertinencedes systèmes d’interruption de carrière peut être questionnée. Si les différences de rétribution de caractéristiques identiques sont importantes,on devra par exemple rechercher pourquoi une même expérience professionnelle est rétribuée différemment pour les femmes et pour les hommes. Cettedécomposition permet donc de mieux suivre l’évolution des composantes des écarts salariaux entre pays et de suggérer les domaines d’actionprioritaire.”
Dans ses conclusions, le Conseil emploi et Affaires sociales a repris cette approche ainsi que les neuf indicateurs, en demandant à la Commission
> d’effectuer des recommandations sur l’amélioration des statistiques (non) disponibles dans chacun des États membres,
> d’opérationaliser un indicateur Oaxaca pour chaque pays,
> d’organiser des échanges de bonnes pratiques à propos de ces indicateurs, dans le cadre de ceux qu’elle anime déjà annuellement du fait de laStratégie pour l’emploi.
Le Conseil s’est aussi engagé à reprendre régulièrement ces indicateurs pour examiner les progrès de chaque État membre, et envisager des actions quiles amènent à s’attaquer aux facteurs les plus importants d’inégalités.
Il reste à espérer que de telles innovations traverseront intactes la quantité et la complexité des procédures de l’Union.
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Lancement du cinquième programme d’action en matière d’égalité hommes femmes
Tous les cinq ans, l’Union européenne se donne une stratégie communautaire et un programme d’action pour le soutien à des initiatives transnationales enmatière d’égalité entre les hommes et les femmes : le cinquième de ces programmes, 2001-2005, dont le premier appel à projets étaitclôturé cet été, a officiellement été lancé par un séminaire européen organisé par la Commission et la présidence belge del’UE le 13 septembre à Bruxelles.3
La stratégie et le programme défendent quatre priorités :
> l’égalité dans la vie économique,
> l’égalité dans la prise de décision (participation, représentation, etc.),
> l’égalité dans la “vie civile”,
> et le changement des rôles et des stéréotypes féminins et masculins.
La Belgique a décidé de travailler surtout sur le premier axe et même de se focaliser sur les inégalités salariales hommes femmes. Tel était donc lethème principal du séminaire du 13 septembre.
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1 Voir le site web de la Dire
ction des Relations extérieures de la Commission : http://europa.eu.int/comm/external_relations/euromed/index.htm
2 “Indicateurs de genre en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Rapport de la Présidence belge”, dir. Robert Plasman.
3 Voir tous les détails sur le site de la DG Emploi et Affaires sociales : http://www.europa.eu.int/comm/employment_social/equ_opp/strategy_fr.html
Archives
"Coopération Euromed, Gope et indicateurs d'inégalités salariales : les chantiers du gender mainstrea"
Thomas Lemaigre
24-01-2002
Alter Échos n° 113
Thomas Lemaigre
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