La réforme du plan d’activation des chômeurs concoctée par Joëlle Milquet (CDH), ministre fédérale de l’Emploi1, devrait bientôt devenir uneréalité sur le terrain puisqu’un nouvel accord de coopération avec les Régions est attendu pour la mi-juillet. Au programme : un rôle accru donné aux servicesrégionaux (Forem, Actiris et VDAB) et des délais de convocation des chômeurs (fortement) raccourcis. Si les syndicats semblent acquiescer tout en s’inquiétant du manque demoyens alloués à la mise en place de la réforme, le MR exige quant à lui un plan « plus ambitieux ». La Plate-forme contre le plan de chasse auxchômeurs2, de son côté, appelle les Régions wallonne et bruxelloise à ne pas « sacrifier les chômeurs sur l’autel communautaire»…
Approuvé le 23 mai par le Conseil des ministres, le nouveau plan d’activation des chômeurs fait débat. Il faut dire que celui-ci se veut ambitieux et introduit de nombreuxchangement dans le plan original, celui de 2004 (le fameux « plan Vandenbroucke »), qui avait déjà fait couler beaucoup d’encre. Des changements qui, de surcroît, vontencore plus loin dans la plupart des domaines qui fâchaient déjà… il y a quatre ans. Ainsi, alors que le plan actuel prévoit une convocation des chômeurs demoins de 25 ans après 15 mois de chômage et de ceux de 25 ans et plus, après 21 mois de chômage, le projet de réforme raccourcit drastiquement les délais :
– convocation après trois mois de chômage pour les moins de 25 ans non titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur,
– après six mois pour les moins de 25 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur
– après neuf mois pour les chômeurs âgés de 25 ans et plus.
Mais plus encore que ces délais de première convocation raccourcis, c’est la question des organes chargés d’effectuer cette convocation de même que l’issue de celle-ciqui suscite les interrogations. En effet, à l’heure actuelle, c’est l’Onem qui a la charge de convoquer le demandeur d’emploi pour son premier entretien ; premier entretien à l’issueduquel seul le chômeur dont les efforts de recherche d’emploi sont jugés insuffisants est invité à signer un contrat l’enjoignant à intensifier ses efforts. Or lanouvelle mouture du plan de réforme prévoit une « contractualisation » de tous les chômeurs, sans exception, dès le premier entretien. Autre différencenotable, ce sont les organes régionaux (Actiris, le Forem et le VDAB) et non plus l’Onem qui se voient chargés d’organiser le premier entretien ainsi que la « contractualisation» du demandeur d’emploi. Deux modifications qui font bondir la Plate-forme contre le plan de chasse aux chômeurs et son représentant, Yves Martens.
Services régionaux : une nouvelle mission contre-nature ?
Ainsi, Yves Martens réagit vivement : « Charger les services régionaux d’organiser le premier entretien, c’est leur faire remplir un rôle de contrôle qui n’est pasle leur. Le but premier des services régionaux est d’aider les demandeurs d’emploi, pas de faire partie d’un système de contrôle… » Lors du deuxième entretien,entre 12 et 18 mois après la première entrevue et la « contractualisation » par les services régionaux, ce sera à l’Onem de juger si le contrat passéentre ceux-ci et le chômeur a bien été respecté par ce dernier. Une situation qui risque de poser certains problèmes de coordination entre les différentsservices et qui soulève surtout la question des capacités de bonne analyse, par l’Onem, d’un contrat conclu par le demandeur d’emploi avec un autre organisme. Pour répondreà ces interrogations, le cabinet de Joëlle Milquet, impossible à joindre en direct, nous a fait parvenir un texte : « Si on opte pour une évaluation du contrat par lefacilitateur de l’Onem sur la base d’un rapport des informations fournies par le Service régional emploi (SRE), c’est parce que le conseiller emploi du SRE est apriori le mieux informé sur les actions d’accompagnement que le chômeur a suivies et sur le résultat de celles-ci. Le but n’est pas de juger le contrat du SRE maisbien les actions d’insertion du demandeur d’emploi. Le risque d’une mauvaise coordination entre les SRE et l’Onem est évitable si, comme c’est d’ailleursprévu, l’accord actualisé de coopération entre les Régions et l’État fédéral renforce encore le flux de données etd’informations qui existe déjà actuellement entre les Services régionaux emploi, et l’Onem et inversement. »
« Le chômeur est présumé fautif »
Autre point d’achoppement pour la Plate-forme contre le plan de chasse aux chômeurs : la contractualisation d’office du demandeur d’emploi dès le premier entretien. « Cettemesure de contractualisation d’office du chômeur induit que celui-ci est présumé fautif. De plus, cela fait du chômeur quelqu’un de directement menacé de sanction,car il faut rappeler qu’avec cette réforme du plan d’activation, la sanction peut tomber dès le deuxième entretien (celui avec l’Onem) sous la forme d’une sanction temporaire dequatre mois », surenchérit Yves Martens. Rappelons qu’à l’heure actuelle, la première sanction ne peut tomber que lors du troisième entretien.
De manière plus inhabituelle, la Plate-forme contre le plan de chasse aux chômeurs enfonce également le clou communautaire. Dans un communiqué de presse, elle affirmeainsi que ce nouveau plan « frapperait les francophones avec une acuité bien plus forte que les flamands […], le nombre de chômeurs étant plus élevé dans lapartie francophone, les sanctions les visent massivement ». Une déclaration à laquelle vient encore s’ajouter le débat autour de l’éventuelle extension du pland’activation des chômeurs aux plus de cinquante ans, une tranche d’âge importante en Flandre, et qui est également évoquée dans le nouveau plan d’activation deschômeurs. Or le comité de gestion de l’Onem s’oppose toujours à une telle extension, comme nous l’a confirmé Philippe Borsu, administrateur de la FGTBfédérale3 et membre du comité de gestion de l’Onem. Une position qui, si elle peut être vue comme positive d’un point de vue fédéral, accentueencore l’impression d’un plan inéquitable, surtout défavorable aux francophones.
Les syndicats acquiescent
Du côté des syndicats, si on se déclare en accord avec le nouveau plan, on émet cependant quelques réserves. Ainsi, Philippe Borsu déclare : « Ceplan nous semble correct mais avec quelques bémols. Ainsi, le fait qu’un contrat d’insertion soit proposé au chômeur ayant obtenu trois évaluations positives est une bonnechose mais nous aurions préf
éré que cela soit fait après deux évaluations positives. En outre, il est clair que ce plan demandera de gros investissements, surtoutaux Régions. Pour cela, il faudra trouver des solutions, même si la ministre Joëlle Milquet a déjà évoqué avec nous de possibles transferts de moyens duFédéral vers les Régions. » Du côté de la CSC4, même son de cloche : « Il y a du bon dans ce plan mais tous les problèmes ne sontpas réglés, notamment ceux des moyens financiers à déployer pour pouvoir le mettre en œuvre. » Et effectivement, du côté de la Plate-forme contrela chasse aux chômeurs, on parle de 2 802 travailleurs à engager du côté du Forem et de 1 406 à Actiris. Des chiffres qui viennent se greffer sur certainesinterrogations à propos de l’impact du nouveau plan sur les CPAS, vu que ceux-ci risquent d’avoir à accueillir les chômeurs nouvellement sanctionnés.
De son côté, le partenaire gouvernemental MR plaide pour un plan d’activation encore plus radical comprenant, entre autres, une convocation dès le premier mois de chômagepour tous les demandeurs d’emplois, des entretiens plus fréquents avec l’Onem ou encore une orientation accrue des « demandeurs d’emploi vers les emplois disponibles, mêmes’ils ne correspondent pas tout à fait à la formation ou à la profession de la personne, ou se situent dans une autre région… »
1. Cabinet de Joëlle Milquet, ministre fédérale de l’Emploi et de l’Égalité des chances :
– adresse : av. des Arts, 7 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 220 20 11
– site : www.belgium.be
2. Plate-forme contre le plan de chasse aux chômeurs :
– adresse : rue Philomène, 43 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 218 09 90
– courriel : contact@stopchasseauxchomeurs.be
– site : www.stopchasseauxchomeurs.be
3. FGTB Centrale générale, rue Haute, 26-28 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 549 05 49 – courriel : webmaster@accg.be – site : http://www.accg.be
4. CSC, chaussée de Haecht, 579 à 1030 Bruxelles – tél. : 02 246 31 11 – site : http://www.csc-en-ligne.be