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Couveuses wallonnes de petites entreprises : premiers succès engrangés

De demandeur d’emploi à indépendant : le chemin est désormais sécurisé grâce aux couveuses de petites entreprises. Importée de France, laformule a été dupliquée à titre expérimental en Wallonie : Job’In à Liège, le Sace pour Système d’accompagnement à lacréation d’entreprises dans la communauté urbaine de Charleroi et depuis peu Créa Job à Huy-Waremme. Elle devrait ensuite être coulée en décretd’ici à la fin de la législature. Tel est en tout cas le souhait de la ministre wallonne de l’Emploi, Marie Arena.

01-08-2005 Alter Échos n° 138

De demandeur d’emploi à indépendant : le chemin est désormais sécurisé grâce aux couveuses de petites entreprises. Importée de France, laformule a été dupliquée à titre expérimental en Wallonie : Job’In à Liège, le Sace pour Système d’accompagnement à lacréation d’entreprises dans la communauté urbaine de Charleroi et depuis peu Créa Job à Huy-Waremme. Elle devrait ensuite être coulée en décretd’ici à la fin de la législature. Tel est en tout cas le souhait de la ministre wallonne de l’Emploi, Marie Arena.

Encore au stade de projet pilote Job’In1, guichet liégeois d’entreprise, a inauguré sa « couveuse de petites entreprises » le 26 avril 2001. De soncôté, Sace2 (Système d’accompagnement à la création d’entreprises), projet similaire initié par la Mirec de Charleroi en partenariat avec septagences de développement local, a commencé ses activités fin 2001, et Créa Job3 a démarré en décembre 2002. Le dispositif vise àpermettre à des demandeurs d’emploi porteurs d’un projet commercial de tester leur activité en grandeur réelle sans prendre le risque financier ou social. La priorité estlaissée aux chômeurs longue durée, minimexés et sans statut. Concrètement, le candidat exerce son activité sous la couverture juridique de la structure de lacouveuse (asbl) tout en bénéficiant d’un maintien de ses allocations sociales (chômage ou minimex) et d’une bourse de pré-activité pour financer ses premiersinvestissements. Un programme de formation et de suivi du candidat et la mise à disposition d’une logistique commune complète ce dispositif.

Job’In : projet pilote emblématique

Chez Job’In, le projet est né d’une expérience de plus de cinq ans dans l’accompagnement et la formation de porteurs de projets souhaitant créer leur emploi sous statutd’indépendant. Mais l’idée provient de France : l’Espace Boutique de Gestion à Valenciennes pratique la formule avec succès depuis plusieurs années. Le constat estpartout pareil : si la structure guichet d’entreprises rencontre des résultats encourageants auprès d’un public moins favorisé face à l’initiative économique,force est de constater que les contraintes sont nombreuses pour entreprendre. Ainsi chez Job’In, si 10 % des candidats rencontrés pour un premier conseil et 33 % des candidatsaccompagnés ont abouti à la concrétisation de leur projet, beaucoup d’autres se découragent alors que leur projet tient la route.

Les freins sont surtout liés aux risques encourus par le porteur :

> risque social : quitter un statut social « protégé » de chômeur ou minimexé pour un statut d’indépendant plus contraignant et moinsavantageux sur le plan social

> risque familial : la nécessité de dégager des revenus professionnels dèés le démarrage freine les candidats ne disposant pas d’autres revenusau sein du ménage

> risque financier : malgré le développement d’outils financiers alternatifs (prêt lancement, prêt solidaire, prêt Rosetta indépendant,micro-crédit MC2…), l’accès automatique à ces crédits n’est pas garanti et la peur de s’endetter reste un facteur de découragement.

Le cadre juridique

Au niveau du dispositif, la couveuse constitue une entité au sein de l’asbl Job’In. Ce choix de la forme juridique associative est lié aux objectifs mêmes de lacouveuse : aucun but de lucre n’est poursuivi. Les activités commerciales réalisées par les bénéficiaires sont le corollaire à leur formation, et doncun moyen pour réaliser la finalité sociale. « Le projet vise les demandeurs d’emploi ne disposant ni de capital, ni d’un soutien financier quelconque, préciseFabienne Mathot, directrice de Job’In. Durant leur passage en couveuse, ils ne disposent d’aucun revenu professionnel lié à l’activité développée,et, afin de favoriser l’égalité des chances pour tous, l’accès au dispositif est gratuit. »

Au niveau du statut juridique des bénéficiaires, il existe une différence avec le dispositif français. En effet, deux types de statuts sont utilisés dans lescouveuses françaises : le statut de salarié et le statut de stagiaire en formation. Les 3 projets pilotes wallons de couveuses ont eux rejeté la premièrepossibilité pour trois raisons :

1) Etre salarié ne prépare pas au statut d’indépendant tant sur le plan de la protection sociale que sur le plan de la réglementation du travail ;

2) La diversité des métiers accessibles en couveuse soumettrait l’asbl à des commissions paritaires trop diversifiées avec des contraintes(barèmes…) ne permettant pas d’harmoniser les conditions de travail.

3) Le coût de la charge sociale de chaque salarié devrait être couvert par l’activité exercée par ce salarié, système incompatible avec lavolonté d’offrir le dispositif aux publics et activités « à risque ».

Ce choix du statut de stagiaire en formation distingue en ce sens très clairement la couveuse de sa cousine la coopérative d’activités qui elle octroie un statut desalarié part-time à ses entrepreneurs.

La formation

La couveuse offre un contrat de formation professionnelle signé entre le bénéficiaire et l’asbl dans le cadre d’une convention avec le Forem (article 6). Durant lapériode en couveuse qui peut varier de six mois (période test de 3 mois + période d’autonomie de 3 mois) à un an (si les objectifs n’ont pas étéatteints et qu’une vérification supplémentaire s’impose)4, le porteur de projet maintient ses droits sociaux, bénéficie d’une dispense de pointage et d’uneassurance responsabilité civile et accidents. Chaque activité est exercée sous la couverture juridique de l’asbl : facturation, TVA, réglementations spécifiques.Les stagiaires ne peuvent en aucun cas dégager des revenus professionnels de leur activité, chaque acte commercial doit être supervisé par l’asbl.

La formation pratique est liée à l’activité de chaque projet (gestion, production, commercialisation, vente) et fait l’objet d’un planningcontrôlé de façon hebdomadaire. La formation théorique est quant à elle répartie selon les thèmes suivants : stratégie marketing, gestioncomptable et administrative, gestion financière, informatique, droit social, droit commercial, fiscalité, financement et aides publiques, assurances d’exploitation. Il existeégalement des formations collectives. Des séminaires sont animés chaque semaine par un conseiller de Job’In. Il s’agit de séances interactives au coursdesquelles l’animateur apporte un contenu théorique et met chaque stagiaire en situation dans sa gestion comptable, administrative, financière et commerciale. Le 1er juillet 2002,un club d’entrepreneurs a également été lancé. Il est accessible mensuellement aux stagiaires et aux anciens stagiaires. « Par ces rencontres, expliqueFabienne Mathot, nous visons à développer des synergies entre les différentes activités et à rompre l’isolement que les anciens stagiaires pourraient vivreune fois devenus indépendants. »

Le cadre financier

À son entrée en couveuse, le stagiaire reçoit, en sus de son allocation sociale, un euro brut par heure de formation suivie et le remboursement de ses frais dedéplacement. Une bourse de préactivité peut lui être octroyée au gré de ses besoins pour un montant maximal de 5 000 euros. Cette bourse est destinéeà couvrir les premières charges d’exploitation (publicité, matériel, outillage, stock, frais de téléphone…). Il s’agit d’une avancerécupérée sur le chiffre d’affaires réalisé par le stagiaire. « Quatre-vingt pour cent des dossiers ne demandent pas l’intégralitédes 5 000 euros, précise Noël Lassoie, chargé de projet chez Sace. En général, les projets tournent autour de 2 000 à 4 500 euros. » En casd’échec, la bourse n’est pas récupérée et le stagiaire sort du dispositif sans dette, il est alors réorienté vers les structures partenaires(Forem, Carrefour Formation…).

En cas de réussite du test, et de passage au statut d’indépendant, le stagiaire dispose d’un délai d’un mois pour réaliser les formalitésd’installation (immatriculation au registre de commerce à la TVA, affiliation à une caisse d’assurance sociale…). Après vérification de cesdémarches, l’asbl cède les actifs et les passifs (matériel, outillage, stock, bénéfice éventuel) qui font l’objet d’un contrat de cessionbilatéral. « Ces apports font l’objet d’une fiche fiscale, explique Fabienne Mathot. La cession permet au candidat de disposer d’un capital en fonds propres qui seraréinvesti directement dans son entreprise et a un effet de levier auprès des organismes de crédit. Elle permet aussi à la sortie d’éviter le travail “aunoir” durant la période couveuse. » La cession actifs/passifs à la sortie de la couveuse est actuellement soumise à l’impôt des personnes physiques.

Pour le financement des activités à la sortie, la couveuse bénéficie des partenaires de Job’In : le fonds de participation (Job’In est partenaireagréé pour le prêt lancement, le prêt Rosetta indépendant et le prêt solidaire en accompagnement pré et post-création), Crédal(coopérative de crédit) et les banques classiques.
Au niveau des partenaires financiers, la couveuse est co-financée par la Région wallonne et le Fonds social européen dans le cadre de l’objectif 3 en 2001 et d’Equalen 2002-2003, le budget total se monte à 200 000 euros6. La Fondation Roi Baudouin et Cera Foundation ont également apporté leur appui financier au démarrage du projet etau cofinancement des bourses.

Quelques chiffres

Après pratiquement deux ans de fonctionnement, 23 personnes ont bénéficié de la couveuse Job’In5, 7 sont en cours de formation (+ 3 nouveaux en coursd’admission). Seize personnes en sont sorties (12 en 6 mois, 3 en 12 mois, 1 en 9 mois). Dix ont créé leur entreprise, 3 sont en cours de création, 2 stagiaires ontrenoncé à leur projet, 1 projet est en stand-by, soit 81 % de création à l’issue de la couveuse (13 stagiaires). Chez Sace, 7 stagiaires sont sortis, 6 commeindépendants et 1 est entré dans un plan de formation insertion. Une dizaine de projets sont actuellement en cours.

Au niveau des profils socio-économiques, on constatait en juillet 2002 chez Job’in que les trois quarts des stagiaires étaient des hommes, plus de 90 % étaient deschômeurs complets indemnisés. La moyenne de la durée de chômage était de 24 mois et la moyenne d’âge de 38 ans. Quant au niveau scolaire, il serépartissait comme suit :

> 14% niveau études primaires
> 20% CESI
> 40% CESS
> 20% supérieur (graduat)

Les motifs de l’entrée en couveuse sont divers mais il en est qui reviennent assez systématiquement :
> l’absence de fonds propres
> le besoin d’être rassuré sur la viabilité de l’activité
> le besoin d’être rassuré sur le statut d’indépendant

Les projets sélectionnés couvrent un large panel de professions : cela va du cours de thai chi chuan à la vente de bijoux à domicile en passant par l’agence derelooking, les professions de menuisier, de soudeur, d’artiste peintre ou encore de podologue/réflexologue…

La sélection

Les candidats sont préalablement sélectionnés par l’équipe des conseillers de la structure d’accompagnement classique de Job’In sur base de cescritères :

1) Le profil socio-économique du candidat : son statut social et économique, ses ressources financières…

2) L’activité : sa faisabilité juridique, commerciale et financière en couveuse.

3) La motivation du candidat : ses motifs à intégrer la couveuse, l’assiduité et la participation à l’accompagnement, les difficultés à opterdirectement pour le statut de l’indépendant… Certains facteurs « bloquants » ne permettent pas d’envisager l’entrée dans la couveuse : lenon-accès à la gestion ou aux professions réglementées ; un endettement important sans plan d’apurement qui pourrait constituer un obstacle à laréussite future de l’activité ; une activité incompatible avec la bonne honorabilité de l’association, un besoin de préfinancement supérieurà la bourse, la signature d’un contrat commercial supérieur à six mois ; des conditions de vente ou de garantie dépassant la période de six mois. Aprèsvérification et apport de solutions à ces critères, l’équipe propose le candidat au coordinateur de la couveuse qui prépare, avec lebénéficiaire, le projet de formation qui comprend :
> les objectifs commerciaux
> la stratégie commerciale
> le plan d’investissement relatif à la bourse
> le prévisionnel sur six mois
> les forces et faiblesses du couple porteur/projet
> les besoins de formation

Le projet est présenté ensuite en comité d’admission qui décide de l’admission, du report ou du refus, valide la bourse et le programme et exigeéventuellement des vérifications complémentaires.

La couveuse est entourée de trois comités : le comité de pilotage, un comité d’admission, organe de suivi interne et un comité d’accompagnementcomposé des trois couveuses pilotes et destiné à créer les conditions favorables à un essaimage de l’expérience et à favoriser leséchanges transnationaux.

Aujourd’hui, il est encore sans doute un peu tôt pour tirer un bilan des trois projets pilotes, celui de Huy-Waremme venant seulement de se lancer mais il est clair que le dispositifmoyennant quelques ajustements prouve son efficacité. Reste si l’expérience doit être essaimée à le couler dans un décret, ce qui devrait se faire unefois la phase pilote terminée, c’est-à-dire après fin 2003.

1. Asbl Job’In, av. Blonden 289 à 4000 Liège, tél. : 04 344 06 01, fax : 04 341 01 70,
courriel : jobin@skynet.be, site : http://www.jobin.be
2. Sace est porté conjointement par sept agences de développement local (Anderlues, Aiseau-Presles, Chapelle-lez-Herlaimont, Courcelles, Fontaine-l’Evêque, Morlanwez etPont-à-Celles). La Mirec couvre les zones sans ADL de la zone urbaine de Charleroi. Coordonnées : Sace asbl, xhaussée de Charleroi, 95, ZAMI 2/113 à 6060 Gilly,
tél. : 071 42 22 62, courriel : sace@skynet.be, site http://www.sace-asbl.be
3. Créa Job, Eric Froidcœur, tél. : 019 33 93 79.
4. On constate que dans la majorité des activités créées, les six mois ont suffi à lancer le projet. Un crédit bancaire à la sortie permetd’assurer un fonds de roulement.
5. Chiffres arrêtés au 10 mars 2003.
6. Le subside du cabinet Arena se monte pour Sace à 5 millions de francs belges, même somme du côté d’Equal pour 2002-2003.

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