À l’occasion de son assemblée générale annuelle, Crédal, la coopérative financière1 a présenté son projet departenariat conclu avec la fondation bancaire. Le projet a suscité de vives réactions de la part de certains coopérateurs. Explications et débats.
Au départ, se pose l’enjeu de la perennisation de deux activités de la coopérative : le crédit social accompagné (CSA), et le microcrédit(MC2). Le premier propose un crédit adapté aux personnes à revenus modestes ou exclues des revenus bancaires. Le deuxième est accessible à toutentrepreneur qui rencontre des problèmes en matière d’accès aux services bancaires. Il débouche sur un prêt, pouvant aller jusqu’à 10.000 euros,doublé d’un accompagnement, tant avant qu’après l’octroi du crédit.
« Mais ces deux activités ne sont pas autoportantes », précise Michel Genet, le directeur de Crédal. En effet, le travail de conseil et d’accompagnement ne peutpas être rémunéré par les recettes générées par les 5% d’intérêts demandés aux clients. En 2005, les recettesd’intérêts pour MC2 ont été de 17.820 euros pour plus ou moins 420 000 euros de coûts d’exploitation. Pour le crédit social accompagné, lesrecettes sont nulles et les coûts s’élèvent à 182 000 euros. L’activité bénéficie certes du soutien des pouvoirs publics, mais les subsidesrégionaux s’avèrent insuffisants pour suivre la croissance de la demande. Jusqu’ici, Crédal s’appuyait sur une série de dons qui permettaient d’équilibrer lebudget.
Mais ce mode de financement est incertain. Par exemple, les recettes issues des produits solidaires des banques ont tendance à disparaître. Depuis une dizaine d’années,Crédal a en effet bénéficié de plusieurs soutiens, sous forme de dons émanant d’institutions bancaires : jusqu’à 25.000 euros de Fortis (ex-CGER, dans lecadre de l’épargne Cigale); et, via la sicav Stimulus de Bacob et Dexia, qui a généré jusqu’à 180.000 euros de rentrée de 1997 à 1999 (financement quia diminué depuis pour s’arrêter cette année). D’où l’idée d’un autre mode de financement avec Dexia fondation.
L’apport de cette dernière sera, dès 2006, de plusieurs types : la couverture de +/- 30 % des coûts d’exploitation des activités de Crédal + (qui aremplacé Osiris en regroupant les activités de microcrédit et de crédit social), un don annuel de 2 % de la production de crédit et la mise à la dispositionde bénévoles issus du personnel de Dexia (préretraités, retraités), la prise de 300.000 d’euros de parts et enfin un prêt-soudure si le besoin s’en faitsentir. Les moyens annuels doivent permettre d’engager un temps-plein supplémentaire pour chacune des deux activités2.
Carlo De Boel, membre de la Dexia Fondation, présent à l’AG de Crédal, explique les objectifs poursuivis par la fondation. Alimentée par la Banque Dexia, elle est,insiste-t-il, « indépendante de Dexia ». Elle poursuit trois objectifs, « le soutien aux jeunes artistes, le soutien aux dispositifs de soins et palliatifs et enfin lesoutien de microcrédits et crédits sociaux accompagnés ». Pour Carlo De Boel, le choix de Crédal se justifie de deux manières : « C’est une banque dontle know-how est la finance, et qui constitue, au niveau belge francophone, la référence. Ensuite, c’est un soutien qui doit permettre à des travailleurs et ancienstravailleurs de Dexia de s’investir dans une activité bénévole. Certains d’entre eux participeront aux activités de conseil des projets CSA et MC2.
« De l’argent qui a une odeur »
L’initiative n’est pas sans poser question pour certains. À l’image de ce coopérateur qui a diffusé (largement) sa lettre de démission quelquessemaines avant l’assemblée générale, qui craint que l’association ne soit poussée à adopter une démarche plus commerciale. Des critiques ontégalement été formulées par quelques coopérateurs présents lors de l’’AG. Certaines voix se sont fait entendre pour demander de la vigilance de la partdu CA et de ses représentants dans Crédal +. D’autres voix, plus minoritaires ont fortement critiqué l’initiative. « C’est de l’argent qui a une odeur, et la fin nejustifie pas les moyens. Dexia, c’est des campagnes de publicité agressives, un soutien à la junte birmane, le système de SMS cash ou encore la pratique de l’exclusionbancaire… Accepter cet argent, c’est un peu se faire financer par son antiprojet. »
Crédal s’est donc efforcé de ménager une série de garanties. Primo, c’est du mécénat, et non du sponsoring. La communication sur le partenariat par Dexiasera donc éventuellement et exclusivement interne. Ensuite, l’accord a été conclu pour trois ans sur la base d’un business plan. Par ailleurs, au niveau du conseild’administration qui chapeaute Crédal +, on trouve une majorité de personnes issues ou nommées par la coopérative. Enfin, il n’y a pas d’exclusive vis-à-vis dupartenaire Dexia. L’intérêt est même, d’après Michel Genet, de reproduire ce type de partenariats pour se rendre moins dépendant de Dexia. De son côté,Jean Pierre Goor, président de la coopérative conclut : « On ne va pas changer le monde mais on est dans les résistances, les alternatives. On a beaucoup discuté dece projet en CA. Mais il me semble qu’on a fait un choix correct. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas rester attentif, en particulier en évaluant le dispositif. »
1. Credal, place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve – tél. : 010 48 33 50 – credal@credal.be
2. À l’occasion de l’inauguration de ses nouveaux locaux à Bruxelles, Crédal a annoncé le lancement, avec le soutien des ministres régionauxHuytebroeck et Smeets du projet MC2 et la poursuite des activités de crédit social accompagné sur Bruxelles. Nouvelle adresse : chaussée d’Alsemberg,303-309 à 1190 Forest – tél. : 02 340 08 77 ou 78.