La crise vient non seulement limiter les possibilités des jeunes en formation de trouver un lieu de stage, mais elle accroît également le fossé entrel’enseignement technique et professionnel et les filières d’alternance.
Alors même que la Déclaration de politique régionale prévoit différentes mesures visant à harmoniser, à promouvoir et à développerdavantage la filière d’apprentissage en alternance, les nouvelles du terrain ne sont guère réjouissantes. Michèle Linder, directrice relations entreprises del’IFAPME1 constate, en effet, qu’hormis à Liège – pour des raisons qu’elle ne peut expliquer – tant les apprentis que les stagiaireséprouvent des difficultés à trouver des patrons formateurs dans le domaine de la construction. En cause : les faillites d’entreprises et une diminution du volume del’activité prévue en 2010.
Du côté du secteur « mécanique », les choses ne sont guère plus réjouissantes : les jeunes ont du mal à y dénicher un lieu de stage depuisquelques années déjà, la crise venant renforcer cette difficulté.
« Il est clair, ajoute Michèle Linder, que le salaire devant être alloué par les patrons aux jeunes apprentis et stagiaires, dans le cadre de la formation enalternance, nous défavorise par rapport à l’enseignement de jour où les jeunes en stage ne sont pas rémunérés. »
La situation actuelle n’est pas pour autant plus enviable dans l’enseignement technique et professionnel. « Au mois de février 2009, certains élèvessont venus me trouver à la suite de difficultés rencontrées lorsqu’ils ont contacté les entreprises pour obtenir la confirmation d’un engagement de stage,explique Pierre Henry, chef d’atelier travaux au Centre Asty-Moulin2, à Namur. Cela concernait principalement des élèves du secteur de la construction, soitenviron 140 stagiaires. Plusieurs employeurs justifiaient l’annulation par une perte de chantier. La proportion d’élèves touchés par cette situation avoisinait les15 % sur l’ensemble des classes menuiserie, gros œuvre, chauffage et couverture. » Et le chef d’atelier d’ajouter : « Il y a un an, je ne mesuraispas les difficultés qui allaient apparaître au mois de mars 2009 et je dois reconnaître que, dans la problématique de recherche de stage, nous cernons relativement bien lespoints faibles des élèves : timidité, crainte de l’inconnu, motivation. Mais le paramètre de la fiabilité de l’entreprise est nouveau et il semblelié, à première vue, à l’activité économique du pays. »
Abus et chantage
Côté Horeca, alors même que la crise s’y fait fortement sentir (28 % de faillites en 2009), ce secteur reste celui où l’offre de stage est la plus importante.Une bonne nouvelle pour la formation en alternance, une moins bonne pour ce qui est de l’enseignement technique et professionnel.
Chef d’atelier de l’école hôtelière Ilon-Saint-Jacques3, Nicole Jeandrain ne mâche pas ses mots. « S’il reste, bien sûr, desemployeurs corrects, on constate avec la crise une augmentation de certains abus. Alors que les élèves en stage ne sont pas rémunérés [NDLR : contrairement ausecteur de la formation en alternance] et sont censés encore se former, les patrons veulent les employer comme du personnel à part entière, en remplacement des travailleursqu’ils ont dû licencier. Cela met une lourde pression sur les épaules des jeunes, entraînant une démotivation que l’on peut comprendre. »
Plus grave encore, le chantage exercé sur les élèves : « Profitant de ce que ces jeunes ont besoin d’un quota d’heures de stage à prester,des patrons se disent prêts à les employer, pour autant qu’ils acceptent de travailler bien plus que le nombre d’heures prévu dans le cadre de la formation. Ce quileur fait de la main-d’œuvre gratuite, y compris les soirs et week-ends ». Et d’ajouter : « Lorsqu’il s’agit d’embaucher ces jeunes, unefois diplômés, le chantage se poursuit : ils le seront s’ils acceptent de signer un contrat de travail mi-temps et de prester un autre mi-temps, très élastique,en noir. »
On voit donc, avec la crise, se développer de nouvelles réalités dont le futur Office francophone de la formation en alternance (OFFA) devra tenir compte. Et pour ce qui estde l’enseignement technique et professionnel, reste à espérer qu’il ne sera pas le grand oublié des initiatives politiques.
1. IFAPME :
– adresse : place Albert 1er, 31 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 23 22 22
– courriel : ifapme@ifapme.be
– site :www.ifapme.be
2. Centre Asty-Moulin :
– adresse : rue de la Pépinière, 101 à 5002 Namur
– tél. : 081 72 90 11
– site : www.asty-moulin.be
3. Institut Ilon-Saint-Jacques :
– adresse : rue des Carmes, 12 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 37 81
– courriel : isj@skynet.be
– site : www.ilonstjacques.net