Dans le Dossier du Crisp n°53, « Les politiques de l’emploi en Belgique »1, Andinda Vanheerswynghels (Centre de sociologie du travail, de l’emploi et de la formation, TEF/ULB) se prêteà un exercie original et fastidieux : elle déconstruit les différentes catégories administratives du chômage depuis 20 ans pour mettre en avant le fait qu’ellestrouvent leur origine dans les politiques de l’emploi. Le constat est clair : alors qu’au début des années 70 existaient trois catégories sans intersection, ou du moins avec unnombre très faible de cas limites – l’emploi, le chômage et l’inactivité –, on a aujourd’hui affaire à une zone grise de plusieurs centaines de milliers2 depersonnes dont le statut cumule des caractéristiques de ces différentes catégories.
Ces statuts multiples ont été créés par les politiques de l’emploi. La chercheuse y distingue quatre catégories.
> Le développement du travail à temps partiel. En incitant un maximum de chômeurs à occuper un emploi à temps partiel, surtout des femmes, « on a rendu possible laplus importante création d’emplois des années 80 ».
> Les programmes de résorption du chômage. Sauf les ACS, ils ont en règle générale dû évoluer dans le sens d’un ciblage moins poussé du publicà recruter, et d’un allongement des périodes de mise à l’emploi subventionnées.
> Les dispositifs d’alternance et d’insertion.
> Les politiques d’activation, qui consistent à transformer l’allocation en subside à l’emploi.
> Les retraits temporaires ou anticipés du marché du travail.
Tant l’évolution des politiques de l’emploi que la dynamique du marché du travail font fonctionner ces zones grises comme des « réserves tampons », où, sur la base de leurstatut notamment, la catégorie dont relèvent les personnes renseigne sur leur supposée employabilité. « Un chômeur de courte durée, une personne en formationprofessionnelle, un jeune en convention premier emploi ou en apprentissage industriel pourra être perçu comme plus rapidement mobilisable pour l’occcupation d’un emploi qu’une personneoccupée en ALE ou un jeune en formation par le travail, par exemple. »
Le document conclut en proposant une typologie des statuts – et donc des statistiques de l’emploi et du chômage – en fonction de trois critères. Les jeunes en stage d’attentese retrouvent par exemple dans le champ non occupé/non concerné par une mesure de retrait/candidat à un emploi.
> Le fait qu’une personne soit occupée ou non, indépendamment du statut que lui donne cette occupation.
> Le fait qu’une personne se trouve ou non dans une situation supposée transitoire par rapport à l’occupation d’un (autre) emploi.
> Le fait qu’une personne relève ou non d’une mesure offficielle de retrait du marché.
On peut donc répartir chaque statistique, en fonction de chaque critère, dans les huit champs d’un tableau à trois entrées. « De cette manière, on offre lapossibilité à tout utilisateur (des statistiques) de recomposer, selon ses propres critères de classification, les ensembles qu’il juge pertinents de son point devue”3.
1 Crisp, place Quetelet 1A à 1210 Bruxelles, tél. : 02 2111 01 80, fax : 219 79 34, e-mail : crisp@cfwb.be. 32 pages, 6,20 euros.
2 Nous ne citerons ici aucun des très nombreux chiffres dont fourmille le document.
3 À noter aussi, le Dossier du Crisp n°54, « Les étrangers en Belgique », par Andrea Rea (ULB) et Jean-Yves Carlier (UCL). Un topo clair et complet en 44 pages, histoire politique etéconomique de l’immigration statuts (acquisition de la nationalité, droit d’asile, etc.), politiques d’intérgration, etc. Avec entre autres une explicationparticulièrement bien faite, à destination des profanes, de la procédure d’asile.
Archives
"Crisp : en 20 ans, les politiques de l'emploi ont démultiplié les statuts intermédiaires"
Thomas Lemaigre
04-03-2002
Alter Échos n° 115
Thomas Lemaigre
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