Le décret de 2003 a-t-il profondément changé la situation dans le secteur de l’éducateur permanente ? Au-delà du rapport d’évaluation, onrevient sur les perspectives du secteur avec un acteur-clé, Yanic Samzun, président du Conseil supérieur de l’éducation permanente, l’instance de concertation dusecteur.
Yanic Samzun est président du Conseil supérieur de l’Education permanente depuis 2007. Il a été un peu déçu par le rapport.« Le conseil n’en a pas encore débattu. Les éléments d’analyse et de prospective manquent, de toute évidence », soutient-il.
Pour lui, le décret a eu un effet positif sur la réorganisation et la redéfinition des organisations du secteur. Les associations ont dû remettre à plat leursobjectifs politiques et culturels ainsi que leurs priorités. « Je l’ai vécu dans mon propre mouvement1. Chaque action a été passée aucrible des critères de l’axe 1 [NDLR activités d’animation]. De plus, le décret oblige à créer l’articulation entre les axes. Par exemple, on amené la campagne “Merci l’impôt !” qui charriait indéniablement un contenu important dans le débat démocratique. On s’est appuyésur des outils et des actions de terrain en les articulant.
Si les grands mouvements sont toujours liés aux piliers, de nouvelles tendances émergent centrées sur une thématique d’intérêt citoyen fortementidentifiée (environnement, mobilité, finance alternative…) dont les activités sont fortement axées sur un travail professionnel spécialisé. On observeune vraie diversification du secteur. C’est très positif ! » , estime Yanic Samzun.
Le président reconnaît un défaut pour les associations qui ont un rôle très local. « Les critères sont trop lourds pour celles-là. Pour lesactivités à la lisière des loisirs actifs et de l’éducation permanente, il faut réinventer quelque chose », estime-t-il. Quant à la dimension desbassins de vie, elle est en chantier autour du développement culturel territorial. « Le Conseil a estimé que le secteur associatif a été insuffisammentimpliqué », précise-t-il.
Une question d’image ?
Le cabinet reconnaît le manque de visibilité médiatique tout en soulignant que si tout le monde ne sait pas ce qu’est l’éducation permanente, ils sont plusnombreux à connaître l’action concrète de la Ligue des droits de l’homme et de la Ligue des familles.
Le président pense aussi à la relation aux médias. « Nous y consacrerons la prochaine journée de l’éducation permanente qui aura lieu le 14 septembreà la Marlagne. La ministre devrait y intervenir avec sa double casquette de ministre du secteur mais aussi des médias. On pense aussi solliciter la présidente de la RTBF.»
Du côté de l’administration, on travaille à la mise en place d’un portail valorisant les analyses et les études ainsi que les outils développés parles opérateurs.
Aujourd’hui, le Conseil a proposé de retravailler les arrêtés sans toucher au décret. Pour Yanic Samzun, il s’agit d’analyser la pertinence de certainscritères en fonction des objectifs politiques annoncés par le législateur au moment de l’adoption du décret. Le fameux critère horaire qui fait débat ?« Il y a une résistance historique sur le critère quantitatif car le secteur reste très attaché à la notion de processus d’éducation permanente.Mais la vraie difficulté réside dans ce qu’on peut comptabiliser et justifier comme action d’éducation permanente. La jurisprudence du Conseil s’installe et laministre a adopté un document de précisions qui limite les interprétations possibles », explique-t-il.
Pour l’immédiat, le Conseil traitera prioritairement la question des partenariats et des publics admissibles hors vie associative ainsi que la réécriture descritères de l’axe 3.1. Les précisions de la ministre qui font aujourd’hui l’objet d’une circulaire devraient être intégrées auxarrêtés modifiés. « Nous voudrions aussi améliorer le statut des campagnes de l’axe 4 avec pour objectif d’en faire moins, mais mieux. On pourraitproposer de modifier deux critères : permettre aux opérateurs de ne faire qu’une campagne par an et favoriser au maximum les partenariats », conclut Yanic Samzun.
Photo : © Véronique Vercheval
Et au niveau financier ?
Il est sans doute nécessaire de rappeler que le décret de 2003 impliquait un large refinancement, impossible à appliquer immédiatement. En 2004, le décretétait donc appliqué à 74 % pour le calcul des montants. Progressivement, le ministère est arrivé à 89 % en 2009. La situation budgétaire a geléce chiffre en 2010 et l’a porté à 91 % en 2011. Peu de chance que cela augmente en 2012.
Mais attention ! Cela ne signifie pas que les crédits globaux n’augmentent pas, souligne-t-on au cabinet de Fadila Laanan2. On assiste de facto à troisphénomènes.
• L’analyse de nouvelles reconnaissances (huit nouvelles reconnaissances ont été accordées en 2010 et quatre en en 2011).
• Les nouvelles associations (« émergentes ») sont reconnues pour une période transitoire de deux ans pendant laquelle seules les activités sont subventionnées. Auterme de ces deux ans, l’emploi et le fonctionnement sont également pris en compte.
• Enfin, au terme d’un Contrat programme, un changement de catégories est possible et on vit pour le moment la première grosse vague de renouvellements.
Le coût de ces trois phénomènes cumulés est estimé à 1,3 million d’euros. Quant au taux appliqué aux montants du décret, il devrait en2012 rester stationnaire à 91 %.
1. Yanic Samzun est secrétaire général de Présence et action culturelles (PAC) :
– adresse : rue Joseph Stevens, 8 à 1000 Bruxelles
– site : www.pac-g.be
2. Cabinet de Fadila Laanan :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 801 70 11
– site : www.fadilalaanan.net