Bizarre, comme c’est bizarre. Vous avez dit bizarre ? Alors que toute la rédaction est plongée dans la préparationdu numéro spécial « Énergie » que vous tenez entre vos mains, depuis quelques semaines, plusieurspannes de courant frappent la Belgique. Le 24 octobre, un transformateur de Machelen tombe en panne laissant une partie du pays sans jus. La coupure ne dure que quinze petites secondes. Un quart de minute. L’incident suffit pourtant à semer la pagaille tout l’après-midi sur le réseau ferroviaire et dans le
métro ! Deux semaines plus tard, c’est un problème technique sur un poste de transformation du gestionnaire de réseau Élia qui laisse le Brabant flamand et l’ouest de Bruxelles sans électricité pendant trente longues minutes. Sans courant, pas métro, pas de journaux, pas d’Alter Échos ?! Le miracle de la fée électricité a tellement intégré notre quotidien que nous n’y prêtons plus la moindre attention.
L’énergie, cette puissance impalpable, que nous ne pouvons pas voir mais dont nous ne pouvons plus nous passer, est en voie de devenir un produit de luxe. Aujourd’hui, 7,09 % des ménages belges affirment rencontrer des problèmes financiers pour se chauffer correctement. Depuis 2006, les indices du prix à la consommation du gaz et de l’électricité ont augmenté
de presque 40 %. Si le pétrole explose à 300 dollars le baril en 2050, les 10 % des Bruxellois les plus pauvres devront consacrer la moitié de leurs revenus pour l’énergie liée au logement et au transport !
Lapalisse ne l’aurait pas mieux dit, les ménages en situation précaire sont les plus touchés par cette flambée des prix. Parce que les logements dont ils sont locataires sont souvent de véritables passoires. Parce que l’énergie est ce qu’on appelle, de façon un peu barbare, une dépense incompressible. Que ce soit par idéal écologique ou par souci économique, ou les deux, même le plus motivé des décroissants ne pourra se passer d’un minimum d’énergie pour vivre décemment.
Ainsi, les 10 % des ménages les plus pauvres dépensent presque 15 % de leurs revenus en factures d’énergie pour leur logement, contre à peine plus de 2 % pour les 10 % les plus riches.
Nous ne sommes pas égaux devant le montant de la facture. Nous le sommes, peut-être, un peu plus devant sa complexité. La question de l’accès à l’énergie est aussi une question d’accès à l’information. Qu’il s’agisse de déchiffrer son contrat d’électricité, le mode d’emploi de la chaudière ou de s’y retrouver dans la multiplicité des acteurs du marché libéralisé, l’énergie est parfois une matière bien obscure. Ce numéro spécial tente d’apporter un peu de lumière sur ce secteur où se mêlent, de façon inextricable, enjeux sociaux et environnementaux.