Voilà cinq ans que les CISP – anciennement EFT/OISP – attendent et négocient leur décret. De tout temps, c’est le financement qui a posé problème. Aujourd’hui, c’est toujours le cas. Même si des avancées semblent poindre à l’horizon.
Publié le 18 mai 2016.
2011. Cinq ans. Voilà près de 60 mois que l’on parle du «nouveau» décret relatif aux EFT/OISP – devenus CISP (centres d’insertion socioprofessionnelle) depuis. À ce rythme, le dossier finira par tailler des croupières à la fameuse ordonnance économie sociale bruxelloise, en rade depuis 2010. Du côté de l’Interfédé, qui regroupe les centres d’insertion, on déclare d’ailleurs «en avoir un peu marre. Il est temps que cela aboutisse».
[do action= »citation »]«Il est temps que cela aboutisse», Interfédé[/do]
Ce souhait a-t-il une chance d’être exaucé? Premier point positif: un décret modifiant celui du 10 juillet 2013 a été adopté en commission Emploi/Formation du parlement wallon le 26 avril dernier (voir encadré «Quelques mesures prévues par le nouveau décret»). Côté subventionnement par contre, les choses sont plus compliquées. Un arrêté est toujours dans le tube. Et entre le cabinet d’Éliane Tillieux (PS), ministre wallonne de l’Emploi et de la Formation et l’Interfédé, il semble y avoir quelques divergences à ce sujet… Retour sur une – petite – saga et son possible épilogue.
[do action= »encadre »]Quelques mesures prévues par le nouveau décret:
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Le nombre maximal d’heures qui pourra être agréé et subventionné sera fixé par arrêté ministériel chaque année et pour chaque territoire des Instances bassin EFE. Il sera notamment tenu compte du nombre de demandeurs d’emploi présents sur le territoire et de l’évolution des paramètres socioéconomiques liés à l’emploi. Pour le cabinet, il s’agit d’avoir une maîtrise budgétaire du dispositif. «S’il y a des marges, nous pourrons alors porter les efforts sur tel ou tel territoire en fonction des bassins», explique-t-il;
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Les dispositions relatives au public cible sont revues afin d’inclure des publics en difficulté sur le marché de l’emploi. Il s’agit des personnes réintégrant le marché de l’emploi, des personnes reconnues avec 33% d’inaptitude au travail, des bénéficiaires du revenu d’intégration ou de l’aide sociale équivalente. Les personnes libérées sous surveillance électronique sont aussi concernées;
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La durée maximale des programmes de formation est fixée à 2.100 heures, soit la durée actuellement appliquée aux EFT et OISP. Notons que, à l’époque, le cabinet Antoine souhaitait diminuer ce nombre d’heures, contre l’avis de l’Interfédé;
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Un plafond d’heures (12.000 heures au maximum) sera prévu pour assurer un démarrage progressif d’un nouveau centre. Le seuil minimal (12.000 heures au minimum) que doit réaliser le centre à partir de sa troisième année d’agrément sera maintenu.[/do]
Un problème d’APE?
Nous sommes au début de l’année 2011 et Comase vient de mettre la touche finale à une évaluation volumineuse – 100 pages – du secteur des EFT/OISP. En guise de bonus, elle émet aussi quatorze recommandations. Avant que l’on n’apprenne que ce texte viendra nourrir les réflexions concernant l’amendement du décret de 2004 qui régit le secteur. Très vite, des groupes de travail se forment. Ils mettent en présence le cabinet du ministre de l’époque – André Antoine (CDH) –, l’administration, le secteur. Quinze mois plus tard, en mai 2012, il se chuchote que le texte serait en voie de finalisation. Avec une grosse info: on s’orienterait vers un opérateur unique. Fini donc les EFT/OISP, place aux CISP.
[do action= »citation »]Pour rappel, le secteur des CISP est financé en partie par le biais d’APE. Problème: le nombre de points attribués au secteur n’a plus été évalué depuis 2010.[/do]
Un an passe, nous sommes en 2013 mais toujours pas de décret. Le texte est bien passé en deuxième lecture devant le gouvernement wallon. Mais certains détails coincent, notamment à propos des financements, à régler dans les arrêtés. Le 10 juillet 2013, le nouveau décret est finalement voté. Le secteur et le cabinet commencent à travailler sur les arrêtés d’exécution. Pourtant, concernant le financement, cela bloque toujours. Le 13 décembre 2013, l’Interfédé manifeste. Mais espère toujours trouver un accord concernant les financements avant la fin de la législation. Ce qui ne sera jamais le cas.
Après les élections, les négociations reprennent avec Éliane Tillieux (PS), nouvelle ministre de l’Emploi et de la Formation. On parle vite d’un nouveau décret, censé modifier celui de 2013, pas toujours au point. Et de nouveau, c’est la question du financement qui coince. Un arrêté relatif aux modalités de subventionnement est pourtant adopté en première lecture du gouvernement wallon le 23 juillet 2015. Au grand dam de l’Interfédé, pour qui certaines choses ne vont toujours pas. À commencer par cette histoire de points APE (voir encadré «Les CISP: quel financement?»). Pour rappel, le secteur des CISP est financé en partie par le biais d’APE. Problème: le nombre de points attribués au secteur n’a plus été évalué depuis 2010. Un détail qui a son importance. Les CISP seront en effet aussi désormais subventionnés sur la base d’un taux horaire – par heure de formation donnée – unique. Et pour déterminer ce taux horaire, on additionnera les subventionnements reçus – dont font partie les points APE – par les CISP avant de diviser le montant obtenu par le nombre total d’heures agréées pour les centres en 2014. Autant dire que dans ce cadre, n’avoir les chiffres APE que pour l’année 2010 fait tache. Imaginons que les montants correspondant aux points APE en 2014 soient plus élevés qu’en 2010. Et que l’on base le calcul du taux horaire sur l’année 2010 faute de chiffres mis à jour. Voilà qui constituerait un certain manque à gagner pour les centres.
[do action= »encadre »]Les CISP: quel financement?
Le secteur des CISP est soutenu par le biais de points APE (équivalents à 25 millions d’euros) et de subventions, en provenance du cabinet, à hauteur de 39 millions d’euros.[/do]
Notons également que le secteur des CISP a été choisi comme «projet pilote» dans le cadre de la simplification du dispositif APE sur lequel planche le gouvernement. Dans ce contexte, plusieurs pistes sont évoquées. Dont celle de transférer l’ensemble des montants APE vers le subside en espèces sonnantes et trébuchantes dont bénéficie le secteur (voir encadré «Les CISP: quel financement?»). Pour ne plus former qu’une seule et même enveloppe. Ici aussi, l’importance d’une évaluation à jour du nombre de points APE saute aux yeux.
«Nous devons pouvoir travailler à huis clos»
Face à cette situation, une évaluation des points APE octroyés aux CISP a été réalisée. Mais d’après l’Interfédé, Éliane Tillieux ne lui aurait toujours pas communiqué les résultats. Ce qui fait réagir le cabinet de la ministre. «Nous sommes dans une phase où nous devons pouvoir travailler à huis clos, nous explique-t-on. Nous sommes encore en train de récolter d’autres chiffres. C’est un travail méticuleux et il faut que l’Interfédé accepte que cela prend du temps. Dès que le passage en deuxième lecture de l’arrêté sera prévu, en juillet probablement, nous prendrons contact avec elle.»
Une entrevue qui permettra probablement d’aplanir
une autre source de discorde: il est prévu que les subventionnements complémentaires prévus par les accords du non-marchand du 24 février 2011 soient intégrés au subventionnement structurel du secteur. Ils pourraient également être inclus dans le calcul du taux horaire. Problème: certains d’entre eux ne concernaient qu’un petit nombre de centres. Si d’aventure ces montants devaient être reversés dans la manne «générale» et redistribués à l’ensemble des CISP, les quelques centres qui en bénéficiaient auparavant pourraient perdre de grosses sommes. «Pour certains CISP, on parle parfois de 20.000 euros», explique Éric Mikolajczak, secrétaire général de l’Interfédé. Du côté du cabinet Tillieux, on se dit conscient du problème. Avant d’affirmer qu’on ne touchera pas aux acquis des accords du non-marchand. Et que, de manière générale, Éliane Tillieux s’est engagée à maintenir les subsides des centres à l’identique en 2017. Le temps que la situation se clarifie.
Aller plus loin
Alter Échos n°418, «Une nouvelle ‘nouvelle ordonnance’ pour l’économie sociale bruxelloise», Julien Winkel, février 2016
Alter Echos n°411, «Le financement des CISP pose toujours question», Julien Winkel, novembre 2015
Alter Échos n°374, «Décret CISP: un gâteau difficile à partager?», Julien Winkel, janvier 2014
Alter Échos n°358, «Nouveau décret EFT/OISP: public et financement en question», Julien Winkel, avril 2013
Alter Échos n°343, «EFT/OISP: discussions autour d’un décret», Julien Winkel, août 2012
Alter Échos n°339, «EFT/OISP: bientôt un opérateur unique?», Julien Winkel, , mai 2012
Alter Échos n°312, «Le secteur des EFT/OIPS passé au crible», Julien Winkel, , mars 2011