Historiquement lié au secteur privé lorsqu’il s’agit de « placer » des étudiants en stage, l’enseignement en alternance bruxellois est peut-être entrain de vivre une petite révolution copernicienne. En effet, depuis un peu moins d’un an, la plupart des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale ont commencéà ouvrir leurs portes aux stagiaires en alternance…
L’enseignement en alternance bruxellois est-il à l’aube d’une nouvelle époque ? Si l’expression est peut-être un peu forte, il n’en reste pas moins qu’un projet mis sur pieddepuis un peu plus d’un an est en train de changer la donne en ce qui concerne les stages effectués par les étudiants des cinq Cefa (Centres de formation en alternance) francophones etdes trois CDO (Centrum voor deeltijds onderwijs) et deux CDV (Centrum deeltijdse vorming) néerlandophones. Ayant pour coutume de « placer » leursétudiants en stage dans des entreprises du privé, ces opérateurs ont en effet vu s’ouvrir de nouveaux horizons avec l’arrivée de la plupart des communes de laRégion de Bruxelles-Capitale sur le « marché » des entreprises qui accueillent des stagiaires en alternance. Il est donc maintenant possible pour un étudiant del’enseignement en alternance d’effectuer son stage dans différentes communes bruxelloises.
À l’origine de l’initiative, un certain nombre d’établissements ayant du mal à trouver des employeurs pour leurs étudiants stagiaires. « Certains centres deformation en alternance ont pris contact avec nous fin 2006 afin de voir s’il serait possible d’initier une collaboration avec les communes de la Région de Bruxelles-Capitale, explique ainsiBastien Manchon, en charge du dossier au cabinet de Charles Picqué (PS), ministre-président du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé, entre autres, desPouvoirs locaux et de l’Emploi1. À partir de ce moment, nous nous sommes occupés du dossier et nous avons débloqué 570 000 euros dans le cadre du contrat pourl’économie et l’emploi. » Fin avril 2007, le cabinet envoie une circulaire aux communes afin de leur expliquer le projet et, début juin 2007, un appel à candidaturesest également lancé à leur adresse. But de l’opération : que les communes fassent état de leurs besoins en matière de postes à éventuellementattribuer aux stagiaires.
Du côté des établissements d’enseignement en alternance, les centres fonctionnent de manière groupée. Ainsi les francophones sont fédérés parle Conseil zonal de l’alternance de Bruxelles et les néerlandophones, par l’asbl « Tracé Brussel ».
Faire disparaître certains préjugés
Au début, certaines communes se sont néanmoins montrées méfiantes. « Il a fallu faire tomber quelques a priori à propos des étudiants del’enseignement en alternance, affirme à ce sujet Michel Wolles2 dont le rôle était de servir d’intermédiaire entre les Cefa, les communes, le Conseil zonal del’alternance et les accompagnateurs des stagiaires. L’image de ces étudiants n’est pas toujours très bonne. Mais nous sommes parvenus à dépasser cesclichés. » Tellement bien, d’ailleurs, que pour la première année du projet (2007-2008), ce sont 16 communes sur 19 qui ont ainsi accueilli des étudiants issusde l’alternance. Il se chuchote d’ailleurs que, pour la suite du projet, deux communes de plus seraient intéressées, ce qui porterait le chiffre total à 18.
Au rayon des postes les plus demandés par les communes, on pointe, par ordre d’importance, des fonctions comme celle d’horticulteur, d’électricien ou encore d’auxiliaireadministratif. Ce qui n’a pas été sans poser quelques problèmes. « Un secteur comme l’horticulture était très demandé par les communes continueMichel Wolles. Pas moins de 18 demandes ont été faites dans ce domaine. Or, il n’y a qu’un Cefa sur les cinq de la Région de Bruxelles-Capitale qui organise cette section et ellene compte que 8 élèves dont certains étaient déjà en stage dans le privé. Il n’y avait donc pas assez d’étudiants disponibles. » Une situationqui nécessitat donc que des « deuxième choix » soient proposés aux communes, ce qui fut en général accepté par celles-ci. Àl’heure actuelle, ce sont ainsi 50 étudiants stagiaires (34 francophones et 16 néerlandophones) qui sont accueillis par les 16 communes.
Tout le monde gagnant ?
Au moment de conclure cette première année d’expérience (les premiers contrats passés avec les stagiaires, des CPE3 type 2, arrivent àéchéance en décembre 2008), le bilan semble en tous cas positif, à écouter Michel Wolles. « Il me semble que ce projet, outre le fait d’apporter denouvelles pistes de stage à l’enseignement en alternance, permet aussi et surtout aux jeunes d’être reconnus dans un cadre de vie public où ils sont parfois peut-être mieuxaccueillis que dans le privé. Ils ont le sentiment d’être utiles, et ils le sont. Si un stagiaire participe, par son travail, à l’embellissement d’une commune, il gagnera uneforme de reconnaissance. Cela peut aussi avoir un impact positif en matière de cohésion sociale, ce qui est également bon pour les communes. Je pense que tout le monde sortgagnant : les établissements, les jeunes et les communes. »
Une opinion confirmée du côté du Cefa Mercelis Éperonniers4 qui, lui, compte huit jeunes en stage dans les communes. Ainsi, Laurence Huon, accompagnatricepour la section « Auxiliaire administratif et accueil » du Cefa explique qu’elle suit deux jeunes filles en stage dans deux communes de la Région de Bruxelles-Capitale.Si elle affirme ne pas constater beaucoup de différence en termes d’accompagnement du jeune lors de son stage, par rapport à ce qui se fait dans le privé, elle se montrenéanmoins positive par rapport à l’expérience. « Les deux jeunes filles que je suis sont ravies. De plus, et c’est un avantage important par rapport au privé,elles bénéficient toutes deux, en vertu de ce qui est prévu dans l’accord avec les communes, d’un contrat mi-temps CPE de type 2. Dans le privé, nos stagiaires sontquelquefois employés sous des régimes horaires moins importants et aussi parfois moins bien rémunérés. Tout se passe donc bien d’autant que l’une d’elle vapeut-être se faire engager à la fin de son stage. » Un engagement qui, s’il n’en est pas le but du projet, peut être néanmoins considéré comme unecerise sur le gâteau, d’autant que ce cas n’est pas isolé. Ainsi, à la Ville de Bruxelles, une des communes ayant accueilli le plus de stagiaires [NDLR : la Ville de Bruxellesaccueillait déjà des étudiants issus de l’alternance avant la mise en place du projet], deux étudiants sur les dix stagiaires accu
eillis se sont vu proposer un CPE de type1 en fin de stage. Une marque de satisfaction, même si la commune affirme avoir retiré « du positif et du négatif » du nouveau projet. En effet, si en plusdes deux engagements, cinq autres stagiaires ont fini leur stage, trois autres ont été licenciés pour faute professionnelle.
Quoiqu’il en soit, l’expérience est appelée à continuer puisqu’un financement structurel est au programme pour l’année 2008-2009 dans le cadre du budget des pouvoirslocaux. Un comité d’accompagnement régional a également été mis sur pied et s’est réuni pour la première fois en juin 2008. Composé dereprésentants d’Actiris, des syndicats, de l’association des villes et communes, du cabinet de Charles Picqué, du Conseil zonal pour l’alternance, de « TracéBrussel », de l’administration des pouvoirs locaux ainsi que du bureau permanent de l’alternance, ce comité a pour but de suivre l’évolution du projet et de procéderà d’éventuels ajustements. L’initiative actuelle semble, en tout cas, ouvrir d’ores et déjà les portes vers d’autres horizons. « L’idéal serait de voirce projet s’étendre aux CPAS ou à certains parastataux », conclut ainsi Michel Wolles.
1. Cabinet de Charles Picqué :
– adresse : rue Ducale, 9 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 506 32 11
– courriel : info@picque.irisnet.be
– site : www.charlespicque.be
2. Michel Wolles est conseiller zonal pour l’enseignement libre, en détachement pour le Conseil zonal de l’alternance de Bruxelles.
3. CPE, convention de premier emploi, dite Rosetta.
4. Cefa Mercelis Éperonniers :
– adresse : rue Mercelis, 36-38 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 511 23 16
– courriel : ec.cefa.xl@skynet.be