Début du mois de juillet, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) a annoncé ne plus pouvoir accorder de subsides ponctuels aux projets visant à promouvoir l’égalité hommes-femmes. Les associations sont en colère. Elles pointent la responsabilité du gouvernement, mais certaines s’interrogent également sur la responsabilité de l’IEFH dans cette décision.
6 juillet 2016. Le secteur associatif profite des premiers jours de l’été après une année chargée. Mais un communiqué laconique provenant de l’Institut pour l’égalité des hommes et des femmes vient casser l’ambiance estivale. Celui-ci annonce qu’à partir du 1er janvier 2017, il n’octroiera plus de subsides destinés à des projets relatifs à l’égalité de genre. Raison évoquée: les mesures d’économie qui touchent toutes les institutions publiques. De plus, l’Institut communique qu’il ne pourra plus réagir positivement aux demandes de subvention en raison d’un budget prévu pour les subsides 2016 complètement épuisé.
L’Institut mettait, jusqu’à présent, une partie de son budget à disposition pour subventionner des associations et des projets à court et à moyen terme visant à promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et à lutter contre la discrimination de genre, comme des colloques, des journées ou des prospectus de sensibilisation. En 2014, environ 50 projets ponctuels avaient bénéficié d’un soutien. «Cette mesure touchera les subsides ponctuels. Les subsides structurels restent maintenus», rassure Élodie Debrumetz, porte-parole de l’IEFH. Les cinq organismes qui bénéficient de subsides structurels, couvrant les frais de fonctionnement et les activités de base, ne seront donc pas impactés. Il s’agit de l’asbl Amazone, du Centre d’archives pour l’histoire des femmes (Carhif-AVG), de l’asbl Sophia, du Nederlandstalige Vrouwenraad (NVR), du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB), qui ont touché respectivement en 2014 505.000 €, 106.000 €, 67.000 €, 31.000 € et 31.000 € (source: rapport d’activité de l’IEFH, 2014).
La faute à qui?
Viviane Teitelbaum, présidente du Conseil des femmes francophones et députée bruxelloise (MR), est en colère. Pour elle, «cette décision unilatérale est inacceptable, choquante et inappropriée». «Les associations de femmes et les associations féministes ont déjà très peu de moyens pour réaliser des projets et qu’on les laisse sur le carreau est très perturbant», poursuit-elle. Et de rappeler que le soutien à des organisations ou à des projets relatifs à l’égalité de genre fait partie de leurs missions.
Selon Viviane Teitelbaum, l’argument des restrictions budgétaires ne tient pas la route: «L’Institut ne souffre pas de diminution de subsides. De 2010 à 2014, le budget a diminué progressivement avant de remonter en 2015 et 2016». Selon elle, «l’IEFH privilégie les dépenses pour son personnel et ses missions personnelles».
L’IEFH n’aurait-il pas pu diminuer ses frais pour poursuivre l’aide à ces projets ? D’après les budgets publiés dans les rapports activités, en 2010, l’Institut a reçu une dotation de 4.697.000 euros, 4.788.000 € en 2014. La dotation fédérale s’élevait à 4.785.000 € en 2016. Si les budgets n’ont donc pas été augmentés ces deux dernières années, on ne constate pas non plus de diminution drastique du financement de l’institution. En revanche, l’Institut a été soumis à des restrictions budgétaires plus subtiles. Dans son rapport d’activités de 2014, celui de 2015 n’étant pas encore publié, on apprend qu’«un blocage supplémentaire des dépenses à 69.000 € a été imposé en 2014, et les principes de prudence budgétaire appliqués à partir d’avril 2014 ont bloqué les dépenses supérieures à 5.500 €». En outre, l’Institut explique devoir assumer davantage de missions sans bénéficier pour autant de budget ou de personnel supplémentaires. L’Institut n’a pas pu procéder à de nouveaux engagements depuis 2009 et a dû effectuer de nouvelles économies dans ses frais de fonctionnement et de missions.
«L’Institut a tout mis en œuvre pour préserver son soutien financier au monde associatif, préférant grever certains de ses projets personnels. En 2017, encore, l’Institut subira des économies substantielles. Or ces économies ne peuvent être réalisées uniquement sur son budget, et des économies sont donc inévitables sur d’autres postes également», explique Élodie Debrumetz. Elle souligne aussi que «le soutien financier au monde associatif, aux acteurs de terrain et à la politique locale d’égalité reste le poste de dépenses principal du budget de l’Institut». Jusqu’à quand?
«L’Institut a essayé de nous préserver», considère Els Flour. Elle fait partie de deux associations qui reçoivent des subsides structurels – Sophia et le Carhif –, mais elle est également membre du conseil d’administration du Vrouwen Overleg Komitee, association bénéficiaire de subsides ponctuels, lui servant notamment à organiser sa journée de sensibilisation le 11 novembre, Journée nationale de la femme. «C’est une question politique plus importante liée aux mesures d’austérité prises par le gouvernement. On voit que toutes les associations [pas seulement celles relatives à l’égalité hommes-femmes, NDLR] sont impactées. On ne peut pas exiger de l’Institut qu’il se suicide pour nous sauver. Ils ont beaucoup d’autres missions à assurer nécessaires à l’égalité hommes-femmes.»
Les Femmes prévoyantes socialistes, association de défense des droits des femmes, pointent également la responsabilité du gouvernement. «En ne soutenant plus les initiatives en matière de lutte contre les inégalités liées au genre, ce gouvernement souligne, une fois de plus, son indifférence aux discriminations pourtant toujours aussi révoltantes», écrit l’association dans un communiqué publié une semaine après cette annonce.
Selon Hafida Bachir, «il n’y a pas de doute sur la politique d’austérité massive du gouvernement fédéral. Je ne suis donc pas étonnée que les moyens se réduisent. Mais la présidente de Vie féminine pose la question de l’arbitrage: “Pourquoi avoir choisi de toucher les associations de femmes? Et qui a décidé cela? Je me demande si d’autres choix n’auraient pas pu être faits… On charge déjà tellement les associations de femmes depuis plusieurs années».
Des contacts ont été pris entre les associations de femmes, dont Vie féminine, Amazone et le Conseil des femmes francophones en vue de réagir collectivement. Rendez-vous est pris mi-septembre. Le Conseil des femmes francophones a par ailleurs demandé une rencontre avec l’IEFH, qui n’a pas encore donné de réponse.
«Les mesures d’austérité précarisent les femmes en particulier», Fil Info, 8 mars 2016, Marie Jauquet.
«Gender budgeting», utile ou bling-bling?», Alter Echos n°426, 28 juin 2016, Manon Legrand.
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«Les mesures d’austérité précarisent les femmes en particulier», Fil Info, 8 mars 2016, Marie Jauquet.
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