Plusieurs révolutions coperniciennes ont touché le secteur du logement public wallon, ces dernières années. Ce fut le cas avec l’introduction en 2008 d’unsystème objectif d’attributions des logements, mais aussi avec l’adaptation du régime locatif, via la mise en œuvre de baux à duréedéterminée. Aujourd’hui la note d’orientation confirme ces options, mais en adapte les modalités pour plus de souplesse dans le système.
Lors des Chantiers du logement public qui se sont déroulés de février à mai 2010, à l’initiative du ministre Nollet, les questions relativesaux critères d’attribution des logements publics et de gestion du bail ont fait l’objet de nombreuses remarques. Si l’ensemble des participants n’ont pas remis en causele principe d’un système d’attributions basé sur des règles objectives et définies de manière préalable, en revanche ils déploraient lemanque de latitude laissée aux comités d’attributions devant appliquer les règles de manière mathématique, sans aucune possibilitéd’arbitrage.
Toujours selon les participants, le système d’attributions, essentiellement basé sur une sélection en fonction des revenus, empêche d’atteindre une certainemixité sociale parmi les locataires. L’accent était mis aussi sur l’importance d’un traitement local, différencié avec une appréciation socialedes dossiers, difficile en l’état actuel de la réglementation. Les représentants des locataires et des propriétaires relevaient pour leur part un manque delisibilité du système d’attributions, le principe de la candidature unique et le système complexe de points rendant opaque la progression de leur dossier.L’impossibilité de choisir son quartier de vie était également visée.
Autre sujet largement débattu lors des ateliers et relayé par les deux experts, Luc Laurent et Alain Malherbe, qui ont suivi et commenté ces travaux : celui d’unglissement d’une conception du logement public, comme solution structurelle aux problèmes sociaux, vers une nouvelle appréhension de ses missions, davantage axées sur lanotion d’aide temporaire et de réponse à des situations d’urgence sociale. Matérialité de ce glissement : le passage, en 2006, des baux àdurée indéterminée vers des contrats à durée déterminée pour les nouveaux arrivants, ce qui a généré un sentimentd’insécurité dans le chef des locataires et qui, en outre, pose le problème de la coexistence de plusieurs régimes de location parmi la population des SLSP.
Les réponses de la note d’orientation
Ces remarques, critiques et autres points de vue recueillis lors des Chantiers du logement public ne sont pas restés lettre morte et ont été pris en compte lors del’élaboration de la note d’orientation. Comme le détaille ce document annonciateur du texte en devenir (l’avant-projet de décret devait êtredévoilé en cette fin d’avril), une adaptation de la typologie des logements et une révision du système d’attributions sont envisagées.
Les trois catégories (logement social, d’insertion et de transit) sont maintenues, mais la définition des logements devrait être revue puisque la caractérisationd’un logement social ou moyen ne dépendra plus de son mode de financement initial, mais bien du niveau de revenu des locataires : avec une clef de répartition de 55 % auminimum pour les revenus précaires, 35 % minimum de revenus modestes et 10 % maximum de revenus moyens, l’objectif est de mieux rencontrer les besoins de mixitésociale.
Pour ce qui est des attributions, la note prévoit la limitation des points d’ancienneté, la suppression des doubles priorités liés au statut professionnel, maisaussi celle des points de priorité communale. Elle prévoit en revanche la possibilité de déroger aux priorités pour des situations d’extrême urgencesociale, avec un quota de 5 à 10 % des logements disponibles par an. La limitation des règlements spécifiques devrait également intervenir. Un des objectifs estcertainement de rendre le système plus compréhensible, tout comme la grille de critères reprenant deux catégories de priorités : l’une liée ausituations de logement du candidat locataire au moment de la demande, l’autre relative à la situation personnelle ou à la santé du candidat locataire.
En ce qui concerne la candidature unique, celle-ci devrait être adaptée afin de tenir compte des besoins prioritaires des demandeurs qui devront préciser leur choix en termesd’habitat (avec un maximum de cinq communes et, le cas échéant, le territoire d’une SLSP au choix) et pourront exprimer des préférences en termes de quartierou de section de commune, moyennant motivation. Les candidats auront à l’avenir le droit de refuser un seul logement qu’ils jugent inadaptés et ce, sanspénalité.
Enfin, en matière de durée du bail, les locataires qui jouissent d’un bail à durée indéterminée continueront d’en bénéficier.Pour tous les autres locataires, la garantie de pouvoir rester dans le logement public devrait désormais être de neuf années, avec une révision des loyers tous les troisans et non plus de manière annuelle.
Des réactions contrastées
Sur tous ces points, l’AWCCLP s’est montrée plutôt satisfaite. L’humanisation des procédures d’attribution tenant compte des souhaits des candidatslocataires et la stabilisation des occupants pour une période de neuf ans dans leur parcours locatif sont clairement saluées par l’Association wallonne des comitésconsultatifs de locataires et de propriétaires.
Du côté de l’UVCW (Union des villes et communes de Wallonie), on est prudent car un groupe de travail comprenant des membres du cabinet, de l’UVCW et de la SWL(Société wallonne du logement) est en cours, afin d’envisager la traduction pratique de la note d’orientation concernant le système des attributions et la gestion dubail dans l’arrêt d’exécution de 2007. Comme le souligne Thibault Ceder, conseiller au logement à l’UVCW, « pour ce qui du systèmed’attribution, nous avions demandé une certaine latitude, soit 20 % des attributions laissées à l’appréciation des SLSP et des comitésd’attribution, notamment pour permettre d’atteindre des objectifs en matière de mixité sociale. La note d’orientation n’a pas relayé cette revendicationdu secteur : les 5 à 10 % (selon le pourcentage de logements sociaux sur le territoire communal) réservés aux situations d’extrême urgence sont nettementplus restrictifs. D’autant que dans ce quota, il fau
dra sans doute aussi y intégrer les obligations de relogement en cas d’insalubrité ». Autre point regrettable,selon l’UVCW : la suppression des points de priorité communale, mesure qui pourrait avoir un impact négatif sur le dynamisme des communes quant à la réalisation desancrages. « Certes, reconnaît Thibault Ceder, les points de priorité communale créaient par le passé des effets pervers et nous étions prêtsà en discuter, mais une suppression pure et simple nous inquiète. »
Autre inquiétude : les mesures relatives aux baux doivent également être analysées, notamment en ce qui concerne la révision des loyers qui,aujourd’hui, sont réalisées annuellement et ne devraient plus intervenir que tous les trois ans, ce qui pourrait représenter un manque à gagner de 4 % pour lesSLSP. « Ce débat est évidemment connecté à celui relatif aux attributions, tout comme le nouveau calcul du loyer et la mesure de compensation entre leloyer effectivement perçu et le coût du logement dans le chef des SLSP. » Enfin, la question de la simplification des systèmes de baux (aujourd’hui au nombre decinq) est aussi sur la table : « Il faut simplifier le travail de gestion des SLSP : c’est vrai pour les baux, mais aussi pour le système d’attributions et despriorités qui doit être revu, sans pour autant léser les candidats locataires déjà sur les listes. »