Ressourceries, acteurs du recyclage et du réemploi et communes marchent de plus en plus souvent main dans la main. Et les modalités de collaboration sont nombreuses.
Alter Echos a décidé de s’intéresser à deux exemples de coopération. En Wallonie picarde, Le Carré1 et La Poudrière2 collaborent ainsi avec l’intercommunale Ipalle3 pour une collecte « écrémante » d’encombrants. Plus à l’est, c’est l’entreprise d’insertion Rcycl4 pour ce qui est des encombrants « non sélectionnés » et l’EFT (entreprise de formation par le travail) Bisa5 pour les déchets verts qui ont décroché une collaboration avec certaines communes de la zone, dont Eupen6.
Un meilleur contrôle des encombrants
Dans l’Est du pays, c’est donc sur Rcycl et Bisa que nous nous pencherons en premier lieu. Rcycl est une entreprise d’insertion qui emploie notamment 25 stagiaires et deux formateurs. Active sur treize communes partenaires (Eupen, Plombières, Raeren, Kelmis, Aubel, Limbourg, Lontzen, Baelen, Jalhay, Welkenraedt, Theux, Verviers et Dison), elle fournit un service de collecte non sélective d’encombrants (les objets ne doivent pas forcément être réutilisables) sur rendez-vous, qui est venu remplacer la plupart du temps les collectes annuelles en porte-à-porte organisées par les communes. « Les encombrants sont collectés, amenés au centre de tri, pesés, et un premier tri est effectué. Une partie est en effet envoyée vers nos partenaires de seconde main de l’économie sociale, explique Michaël Mockel, président du conseil d’administration et qui a été coordinateur du projet à ses débuts. Le reste est démantelé et le produit (bois, mousse, métal, etc.) est destiné aux partenaires de recyclage. Enfin, ce qui reste, et qui correspond à environ 20 % de la charge initiale, part à l’incinérateur. »
Soutenue par la Communauté germanophone et reconnue comme entreprise d’insertion par le fédéral, Rcycl est payée à la tonne par les communes qu’elle sert, pour un prix qui varie selon les distances, le tonnage…7 Un prix qui, selon notre interlocuteur, est au final moindre que ce que ces communes paieraient si elles devaient mettre tous les encombrants à l’incinérateur ou en décharge comme cela se faisait auparavant. « Il faut tout d’abord avouer que ce serait compliqué pour un privé « traditionnel » de faire la même chose au même prix que le nôtre, sauf à tout broyer, ne serait-ce que parce que, comme EI, nous n’essayons pas de faire de profit », explique en guise d’introduction Michaël Mockel. Une analyse d’ailleurs appuyée par l’expérience de Verviers8 avec Rcyl. « Nous avons sorti un premier cahier des charges et c’est Rcycl qui a emporté le marché. Un autre opérateur, « classique » celui-là, avait également postulé, mais il était plus cher… », affirme-t-on du côté de la commune.
Mais d’après Michaël Mockel, d’autres paramètres entrent également en ligne de compte. « Le moindre coût pour les communes provient également du fait que le système de collecte annuelle tel que pratiqué auparavant incitait les gens à mettre tout et n’importe quoi à la rue, jusqu’aux langes des nourrissons. Le système actuel, sur rendez-vous, a permis de sérieusement diminuer le tonnage collecté. » Ce que l’on confirme à Verviers : « L’introduction du sac poubelle payant a fait que lors des deux collectes d’encombrants par an que nous effectuions auparavant, les gens avaient tendance à mettre tout sur la rue, quand ce n’étaient pas des personnes issues d’autres rues ou d’autres communes qui venaient également ajouter des choses en douce, nous dit-on. Nous nous retrouvions souvent avec des déchets qui montaient jusqu’au premier étage… La collecte actuelle sur rendez-vous permet un meilleur contrôle de ce qui est mis à la rue. Rcycl est ainsi notamment tenue de nous communiquer un retour de la visite effectuée. »
Il n’y a pas que l’argent dans la vie
Cela dit, le seul argument financier n’explique pas à lui seul l’intérêt des communes pour ce système. D’autres paramètres entrent en ligne de compte, comme l’illustre l’exemple d’Eupen, premier client de Rcycl (depuis 2000) et pour qui ce nouveau système de tri aurait, a contrario, fait quelque peu augmenter le tonnage collecté. « Les tonnages que nous payons ont donc augmenté, mais ce nouveau système comporte des avantages qui pèsent bien plus dans la balance, explique Ralph Bosten, chef du service de l’Urbanisme et de l’Environnement à la ville d’Eupen. Nous avons ainsi pu favoriser la création d’emplois d’insertion, le réemploi et le recyclage et gagner en propreté alors que durant les grandes actions d’enlèvement que nous organisions auparavant, Eupen était en état de siège et tout ce qui était collecté partait à la décharge. Cela fonctionne bien et nous essayons d’ailleurs de travailler avec Rcycl au moyen de conventions les plus longues possible [NDLR cinq ans]. »
Une commune d’Eupen qui semble d’ailleurs porter un intérêt particulier au secteur puisqu’elle se trouve également étroitement mêlée à l’action de Bisa, une EFT employant seize personnes et qui est active dans le ramassage et le recyclage des déchets verts sur les communes d’Eupen, Raeren, Lontzen, Kelmis, Baelen, Welkenraedt et Plombières. Au milieu des années ’90, Eupen décide créer un centre de compostage. Géré au début par des agents communaux, le centre nécessite cependant bien vite une main-d’oeuvre un peu plus spécialisée. Eupen décide donc de confier la gestion du centre de compostage à Bisa, qui avait été créée quelques années plus tôt, même si le centre lui-même reste la propriété de la commune. « Quant à Bisa, elle mettait moyens humains et matériel à disposition », explique Norbert Scheen, gérant de Bisa.
Si les débuts sont difficiles, la situation s’est sensiblement améliorée depuis 2007, d’après Norbert Scheen. Il faut dire que Bisa a aussi su se diversifier. Outre le service « originel » qui permet aux particuliers et aux communes de venir déposer leurs déchets verts au centre de compostage (gratuit pour les ressortissants d’Eupen grâce à la taxe communale, payant pour les autres), l’EFT a également développé un « service container » payant par le biais duquel elle se déplace pour collecter lesdits déchets. Elle commercialise également sur son site le compost et les copeaux de bois issus du traitement des déchets verts et s’est même lancée dans la collecte des déchets ménagers pour certaines communes. « Les clients pour le compost et les copeaux sont bien souvent les mêmes que ceux qui s’adressent à nous pour le traitement de leurs déchets verts », note Norbert Scheen.
Ici aussi, le bilan semble positif puisque d’après Ralph Bosten, le coût pour la commune (qui paie Bisa au mètre cube de déchets verts) est moindre « que s’il fallait tout mettre en décharge ». Et d’un point de vue écologique, le constat est également positif.
En Picardie
En Wallonie picarde, c’est l’intercommunale Ipalle qui collabore depuis le premier janvier 2006, par l’intermédiaire d’une convention reconduite tous les ans, avec Le Carré et La Poudrière pour des collectes sur rendez-vous. Le tout sur l’ensemble du territoire couvert par l’intercommunale. Différence notoire avec ce qui se passe à Eupen ou Verviers, les deux structures disposent de leurs propres magasins dans lesquels elles commercialisent ce qui a été collecté (meubles, vêtements, livres, vaisselle…) et elles sont rétribuées par Ipalle à la tonne de biens réutilisés. La collecte se veut donc « écrémante ». « C’était une des conditions de mise en route du projet, explique Laurent Dupont, secrétaire général d’Ipalle. Nous nous situons dans une optique d’isolement du bien de qualité afin de rendre un service à la population, dans une volonté de prévention avant que l’objet ne se transforme en déchet. Le fait de payer à la tonne réutilisée participe donc de cette envie. Nous ne voulions pas mettre en place une nouvelle collecte d’encombrants traditionnelle ou une déchetterie avec un centre de tri derrière. »
Outre cette motivation de réduction de la quantité de déchets et de remise en circulation de biens, les objectifs d’Ipalle étaient également de favoriser le développement économique de la zone et de mettre à l’emploi des personnes « qui en avaient le plus besoin », d’après Laurent Dupont. Le Carré est en effet reconnu comme entreprise d’insertion et comme Idess (initiative de développement de l’emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale) alors que La Poudrière fonctionne comme une communauté offrant un cadre de vie pour personnes défavorisées. Rayon coût, Ipalle affirme réaliser une « opération blanche ». « Ce que nous payons à nos deux partenaires, c’est ce que nous aurions payé pour la mise en containers », affirme Laurent Dupont.
Du côté des partenaires justement, on énumère les avantages procurés par la collaboration avec l’intercommunale. « Les rentrées que nous faisons grâce à Ipalle constituent notre seule source de revenus, affirme Yves Dosimont, responsable de la communauté La Poudrière de Péruwelz. Mais cette collaboration donne également du crédit à l’institution. Dans la zone, il y a plein de petites structures qui font ça un peu comme ça, dans leur garage… » A la ressourcerie Le Carré, on confirme, tout en soulignant d’autres sources de satisfaction. « Il y a bien sûr le paiement au tonnage, mais ce qui est le plus important selon moi, c’est qu’Ipalle nous donne de la visibilité, de la crédibilité et nous offre un accès au marché et aux parcs à containers », souligne David Squire, directeur. Ipalle communique en effet beaucoup, notamment par le biais de folders. « Et nous intéressons nos partenaires chaque fois que nous mettons sur pied des opérations », précise Laurent Dupont.
Par opérations, le secrétaire général entend notamment les collectes de vélos ou de jouets qui peuvent notamment permettre aux partenaires de se fournir à ce niveau. « Nous sommes également maître d’oeuvre d’un centre « recupel »9. Au sein du cahier des charges, il est mentionné que le site doit être accessible une fois par semaine à l’économie sociale qui peut disposer d’appareils électroménagers en état correct. » Le Carré et La Poudrière pourront également bientôt installer un camion dans les parcs à containers d’Ipalle. Le but est de récolter des biens mais aussi, et surtout, de faire connaître le travail des deux structures. « Je ne pense pas que les camions collecteront énormément de choses récupérables, mais il s’agit plus ici de faire connaître nos partenaires », explique Laurent Dupont.
Cherche partenaires
Notons que le projet impliquait également à ses débuts Les Petits Riens pour la zone de Mouscron, mais que la structure a été contrainte d’arrêter ses activités. Aujourd’hui, c’est Le Carré qui projette d’ouvrir une antenne dans la cité des Hurlus afin que l’ensemble de la Wallonie picarde soit à nouveau couverte. La ville serait par ailleurs demandeuse. Enfin, Ipalle sera bientôt en charge du Sud-Hainaut… et l’intercommunale cherche des partenaires pour y développer une ressourcerie.
1. Le Carré, antenne Ath :
– adresse : square des locomotives, 6 à 7800 Ath
– tél. : 068 64 67 15
– site : http://www.recasbl.be
2. La Poudrière de Péruwelz (magasin) :
– adresse : 80-82 rue neuve chaussée à 7600 Péruwelz
– tél. : 069 77 43 44
– courriel : peruwelz@lapoudriere.be
– site : http://www.lapoudriere.org
3. Ipalle :
– adresse : chemin de l’Eau Vive, 1 à 7503 Froyennes
– tél. : 069 84 59 88
– site : http://www.ipalle.be
4.Rcycl :
– adresse : Textilstraße 21 à 4700 Eupen
– tél. : 087 55 48 78
– courriel : admin@rcycl.com
– site : rcycl.image-concept.be
5. Bisa :
– adresse : Rotenbergplatz 19 à 4700 Eupen
– tél. : 087 59 46 30
– courriel : info@bisa-ostbelgien.be
– site : http://www.bisa-ostbelgien.be
6. Service urbanisme et environnement de la commune (ville) d’Eupen :
– adresse : place de l’Hôtel de Ville, 14 à 4700 Eupen
– tél. : 087 59 58 33
– site : http://www.eupen.be
7. Les habitants, quant à eux, payent pour les deux communes interrogées (Eupen et Verviers) le service au travers de la taxe communale.
8. Service environnement de la commune (ville) de Verviers :
– adresse :pont de Sommeleville, 2 à 4800 Verviers
– tél. : 087 32 75 57
– site : http://www.verviers.be
9. Recupel veille à ce que les appareils électr(on)iques usagés soient collectés et retraités de façon durable et dans le respect des coûts. Y sont donc disponibles des appareils électroménagers.