Les contrats de quartiers bruxellois sont mis à mal par la Région. Les marchés publics s’imposent aux acteurs de l’ISP au détriment du travail de proximité.Cherchez l’erreur.
Simon Verstraeten, directeur de Casablanco1, n’est pas content. Depuis la phase d’élaboration des contrats de quartier 2008, l’APL – l’administration bruxelloise despouvoirs locaux – ne laisse plus passer les conventions tripartites (commune-Région-porteur de projet) dans le cadre des volets sociaux des contrats de quartier. « C’étaitdans l’air depuis quelques années, explique Simon Verstraeten. L’APL considérait déjà cela comme illégal, surtout pour des opérations d’insertionsocioprofessionnelle (ISP) nécessitant des opérations concrètes physiques : rénovation d’immeubles, aménagement de parc, réfection de trottoirs, etc. Pourl’administration, la commune s’achète des travaux, donc il faut passer un marché de travaux. Ils ont bloqué là-dessus, puis de manière préventive, anticipantsur la directive services, ils ont bloqué sur les conventions de marché de services. À ce rythme-là, pour organiser une fête de quartier, on pourrait aussi faire unappel à marché. »
La fin des services de proximité ?
La mise en concurrence est contraire à la notion de développement endogène local prônée par le contrat de quartier, estime Simon Verstraeten. L’objectif est demettre en place, dans un périmètre donné, des services qui vont faire émerger le besoin. Exemple : la réalisation de petits travaux de rénovation dans leslogements de personnes émargeant au CPAS pour une politique de prix telle. « Mais pour l’administration, on fait des travaux, constate le directeur de Casablanco, même si dans lesfaits on ne fait pas que ça. On a eu une première année où il a fallu gagner la confiance des gens. On a rénové vingt logements, cela a permisd’établir le lien, montrer que la commune n’est pas là que pour des taxes, signaler à la personne qu’il y a une maison médicale à tel endroit, etc.L’absurdité avec les marchés publics, c’est qu’il faudrait : décrire des travaux qu’on ne connaît pas à l’avance ; décrire toutes les plus-values en termes delien social générés par service de proximité ; et décrire tout le travail d’ISP réalisé avec des gens dans le périmètre et des gensinscrits au CPAS. Du coup, en janvier 2009, aucune commune n’a sorti de cahier de charges, car l’APL demande un exercice quasi impossible. Pour la prochaine programmation (mise en œuvre en2010), les communes ne reprennent pas d’opération au programme, parce qu’elles savent qu’elles seront bloquées. »
Pour Casablanco, cela pose des problèmes en termes de continuité de ses actions, de planification de ses engagements et de son développement. « On ne peut pasembaucher-débaucher-rembaucher. Ça correspond à une logique de marché, mais c’est contraire à une logique ISP. Casablanco n’est pas en danger mais les emplois, oui.On risque de perdre du savoir-faire, de la qualité et ne plus pouvoir rendre des services à la population. On est dans le besoin de services non rencontrés pour des personnes peusolvables, qui n’intéressent pas le marché classique, parce que les interventions qu’elles demandent sont trop petites. »
Jeunes schaerbeekois au travail bientôt au chômage ?
Alain Herdies, directeur de Jeunes schaerbeekois au travail (JST)2, partage l’inquiétude de Simon Verstraeten. « On s’est adapté en s’enregistrant commeentrepreneur, alors que notre mission de départ est de former et non pas d’entreprendre. Notre objet social nécessite qu’on ait des chantiers et nous obtenons de bons résultatsdepuis quatre ans. Pourtant, tous mes projets « pavage » (un tiers de notre enveloppe financière) s’arrêtent à la fin 2009. Nous n’avons pas eu de contrat pour 2009,nous n’avons plus de rentrées pour 2010, il sera donc impossible de payer tous mes formateurs, car les subsides ne suffisent pas. »
Pour Alain Herdies, Casablanco et JST ne sont pas les seuls concernés : « Tout le monde dans le secteur ISP est fragilisé par la situation et nous ne sommes que les premiers.Si les pouvoirs publics n’essaient pas de nous aider, alors je ne vois pas comment on va pouvoir répondre à la demande des demandeurs d’emploi. Ceux qui n’ont pas les moyens derésister vont devoir fermer. »
Sous la précédente législature, le gouvernement avait proposé d’adopter une modification de l’ordonnance sur les contrats de quartiers pour éviter cetécueil. Nous avons essayé d’obtenir de plus amples informations auprès du cabinet d’Évelyne Huytebroeck (Écolo), en charge de la Rénovation urbaine, poursavoir où en était le projet. En vain.
1. Casablanco :
– quai de l’Industrie, 121C à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 527 57 75
– courriel : casa@casablanco.be
– site : www.casablanco.be
2. Jeunes schaerbeekois au travail :
– adresse : rue de Jérusalem 46 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 247 77 58
– site : www.jst1030.be