Un circuit d’accueil à l’enfance séparé pour les enfants dont les parents n’ont pas de travail: c’est l’idée de la ministre flamande de la Lutte contre la pauvreté, Liesbeth Homans.
Liesbeth Homans (N-VA) semble avoir décidé de devenir la ministre la plus controversée du gouvernement flamand. Elle avait déjà voulu lier l’aide médicale aux sans-papiers à un engagement de retour au pays, pénaliser les locataires de logements sociaux ne maîtrisant pas le néerlandais et créer des examens éliminatoires à la fin des parcours d’intégration. La voici sur le front de l’accueil à l’enfance. Elle estime que les enfants de parents qui travaillent devraient avoir priorité sur les autres dans les structures d’accueil à l’enfance et préconise «d’autres solutions» pour ceux dont les parents n’ont pas de travail. Quelles solutions? «Il y a déjà des villes qui, dans le cadre de leur politique locale, organisent des structures d’accueil très bon marché pour les enfants pauvres», a-t-elle répondu au journal De Zondag. Dans les autres partis, y compris ceux de la majorité, on crie à l’apartheid. La ministre (par ailleurs en charge de la Lutte contre la pauvreté et non de l’Accueil à l’enfance, prérogative du CD&V Jo Vandeurzen) souhaite-t-elle réellement que l’on crée un circuit d’accueil séparé pour les couches les plus défavorisées? Son porte-parole Jochem Goovaerts affirme que non, mais c’est loin d’être clair: «Parfois, le contexte social d’un enfant fait qu’il est souhaitable qu’il soit accueilli, et, pour ces cas-là, il est souhaitable que des initiatives séparées voient le jour, notamment via les CPAS, plutôt que de les voir arriver dans les structures classiques», explique-t-il dans le Standaard.
Pour Frederic Vanhauwaert, coordinateur du Netwerk Tegen Armoede, la proposition a donc bel et bien l’allure d’un «circuit pour pauvres». Alors que, souligne-t-il, des enquêtes ont prouvé que les parents en situation de pauvreté ont besoin de pouvoir confier leurs enfants pour chercher du travail ou régler des problèmes administratifs. Par ailleurs, ajoute-t-il, les enfants ont besoin «d’un environnement qui les prépare à leur milieu scolaire futur et à la société». On peut comprendre l’argument que l’absence de places d’accueil puisse devenir une sorte de piège à l’emploi pour des mères qui travaillent. Mais l’accueil à l’enfance n’est-il pas avant tout un droit de l’enfant lui-même avant d’être un droit des parents? Et quels enfants ont le plus besoin de cette forme d’intégration sinon les moins favorisés?
Aux Pays-Bas
Cette politique a déjà été essayée aux Pays-Bas et beaucoup de communes néerlandaises en sont revenues. Chez nos voisins du nord, seuls les parents qui travaillent peuvent bénéficier d’un avantage fiscal pour leurs frais d’accueil. En parallèle, les communes reçoivent des subventions pour organiser de «l’éducation préscolaire anticipée» («Vroeg Voorschoolse Educatie» ou VVE). «En pratique, cette politique a conduit à davantage de ségrégation», explique Gjalt Jellesma, porte-parole de BOinK, une organisation de parents. «Ceux qui viennent de familles pauvres ne vont pas dans les crèches mais dans la VVE. Celle-ci n’existe qu’à partir de deux ans et demi et les enfants ne peuvent y aller que dix heures au maximum par semaine.» Pour Gjalt Jellesma, en ce qui concerne les coûts, «organiser deux systèmes séparés d’accueil ne peut pas être efficace». Il vient de se rendre à une conférence à Dublin sur le sujet: «Des enquêtes montrent qu’un système séparé d’accueil maintient les enfants défavorisés en bas de l’échelle sociale.» Enfin, Leen Du Bois, la porte-parole de Kind en Gezin, pendant flamand de l’ONE, ne veut pas entendre parler non plus d’un système à la néerlandaise: «Ce sont justement les enfants qui viennent de familles fragiles qui ont le plus besoin d’être accueillis dans des structures de qualité.»
Revue de presse réalisée d’après De Morgen et De Standaard