Organisée le 20 novembre 2007 par l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la Jeunesse1, la journée d’étude «Des enfants qui ont beaucoup à dire » a permis aux personnes présentes de prendre connaissance d’une nouvelle recherche dont les conclusions sont limpides : s’il esttemps d’écouter l’avis des plus jeunes concernant l’éducation qu’ils reçoivent, il n’en reste pas moins que leur point de vue est égalementfortement imprégné d’un utilitarisme aux relents de projections parentales et/ou professorales…
Sujet d’étude inépuisable, l’éducation des enfants est souvent présentée comme un enjeu important puisque certains la font aujourd’hui rimeravec des mots comme « remédiation à l’échec scolaire » ou « citoyenneté ». Cependant, là où pour l’étudier laplupart des intervenants se concentrent sur les performances et autres caractéristiques des enfants, l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à laJeunesse a décidé de s’intéresser aux sentiments de ces derniers. S’appuyant sur les données recueillies auprès de 369 d’entre eux pour lesbesoins d’une autre recherche (« Grandir en l’an 2000 », réalisée depuis 1989 par la Région wallonne), l’observatoire a ainsi tentéd’envisager, d’une part, le point de vue de l’enfant sur son éducation scolaire durant les années de maternelles et de primaire et, d’autre part, de prendre encompte ses perceptions concernant l’éducation qu’il reçoit dans le cadre familial. Exposés par Deborah Poncelet, docteur en sciences de l’éducation etchercheuse au sein du Service de pédagogie expérimentale de l’université de Liège2, les résultats de la recherche « Des enfants qui ontbeaucoup à dire » ont laissé entrevoir une réalité non dénuée d’intérêt…
Une vision positive mais formatée
Très vite en effet, la chercheuse liégeoise a mis en exergue une des principales conclusions de cette approche originale : les enfants ont une vision assez positive del’école. Ainsi, en 3e maternelle, ils sont 80 % à l’apprécier, un chiffre qui va cependant décroissant puisqu’il tombe à 70 % en3e primaire. Mieux encore, 98 % des bambins interrogés semblent convaincus de l’utilité qu’il y a à se rendre en classe et ce, même si une grandequantité d’entre eux se révèle dans l’incapacité de justifier un tel point de vue… Une situation étrange que Déborah Poncelet tenterad’expliquer en avançant l’hypothèse d’une pression sociale effectuée par les adultes (enseignants et parents) sous forme d’un message utilitariste etquelque peu normatif à l’égard de l’école ; message qui serait intégré par les enfants sans qu’ils ne se posent de questions.
À titre d’exemple, elle mentionnera ainsi différentes citations où les enfants affirment qu’ils apprennent à lire « parce qu’il faut bienétudier pour le métier» ou « parce qu’il faut passer en 4e primaire » et dans lesquelles ils semblent considérer l’erreur comme quelquechose de grave (« On doit tout recommencer », « On doit gommer ») plutôt que comme un levier d’apprentissage. Véritable point de départ d’uneréflexion plus générale effectuée par l’ensemble des intervenants présents, ce constat va, dès ce moment, sous-tendre la plupart des interventions luisuccédant.
Michèle Carlier (médiatrice interne du ministère de la Communauté française3) parlera ainsi d’une « absence d’envie et de plaisir» qui expliquerait d’ailleurs le nombre décroissant, au fil des années, d’enfants appréciant l’école tandis que Monique Meyfroet (psychologuespécialiste des relations précoces) pointera du doigt la confusion faite par les parents entre école et famille ; confusion ayant pour effet de maintenir les enfants dans unrôle d’élèves permanents. Des élèves permanents que les conclusions de la recherche présentent d’ailleurs comme influencés parl’école et son objectif d’acquisition de compétences « matières » au point d’être habités par « (…) l’impression queleurs parents insistent davantage sur l’individualisme, le sens des responsabilités en laissant de côté l’humour, la solidarité et la créativité» et avec pour effet la mise en place d’un contexte éducatif poussant l’enfant à « adopter une ligne de conduite initiée de façonextrinsèque à sa personne et à adapter les moyens à mettre en œuvre pour arriver à des finalités qu’il n’a pas nécessairementchoisies de sa propre initiative ». Une constatation encore renforcée, toujours selon le point de vue des enfants, par l’usage généralisé du contrôle,des contraintes et de la surveillance comme mode d’éducation privilégié par les parents…
Rendre la parole aux enfants…
Face à cette situation, les conclusions de la recherche « Des enfants qui ont beaucoup à dire » sont donc très claires : il importe de rendre la parole auxenfants, de les écouter, de les laisser s’exprimer (l’intégralité de la recherche est disponible sur le site : www.oejaj.cfwb.be). Un vœu loin d’être pieu puisque la fin de la journée d’étude sera consacrée à la présentation du DVD Letemps des enfants, réalisé par Jacques Duez. Instituteur et professeur de morale, celui-ci est devenu célèbre pour avoir filmé pendant trente ans sesélèves lors des entretiens qu’il menait avec ceux-ci dans le cadre des cours qu’il donnait. Une belle manière d’entendre ce que ces jeunes avaient à direà propos de leur rapport à la lenteur (durant les leçons notamment) ou de l’ennui en classe…
1. Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la Jeunesse, secrétariat général – ministère de la Communautéfrançaise de Belgique
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 37 65 ou 02 413 36 27
– courriel : observatoire.enfance-jeunesse@cfwb.be
– site : www.oejaj.cfwb.be
2. Unité d’analyse des systèmes et des pratiques d’enseignement (Service de pédagogie expérimentale) :
– adresse : université de Liège, rue de Pitteurs, 20 (Institut d’anatomie) à 4000 Liège
– tél. : 04 366 94 65
– site : http://www.mag.ulg.ac.be
3. Secrétariat général – ministère de la Communauté française de Belgique,
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 37 65 ou 02 413 36 27
– site : http://www.cfwb.be