Une incarcération n’impacte pas seulement un détenu, mais aussi sa famille et ses proches. Le maintien des liens familiaux constitue d’ailleurs l’un des facteurs essentiels pour la réinsertion de la personne détenue. Mais existe-t-il un droit au maintien des relations familiales pour les détenus et si, c’est le cas, quelle en est la substance ? Dans son dernier rapport, la Ligue des Droits Humains (LDH) s’est penché sur cette question.
Dans le cadre de son enquête, la LDH s’est rendue dans six établissements pénitentiaires : Lantin, Namur, Saint-Gilles, Louvain, Ittre et Turnhout. 110 questionnaires ont été remplis. Ainsi, le profil-type du visiteur est une femme de plus de 45 ans, parlant français. L’enquête montre que sur les 110 personnes interrogées, 49,1 % sont les compagnons des détenus, 17,3 % sont leurs enfants, 5,5 % leur père ou leur mère, 11,8 % sont leur frère ou soeur, 15,5 % des cousins ou amis proches. Les résultats de l’étude démontrent que l’administration pénitentiaire fait la distinction entre parents proches (père, mère, conjoint, enfant) qui auraient plus de facilités ou de possibilités d’accéder aux visites, tandis que les frères, cousins, amis et partenaires auraient plus de difficultés à obtenir des autorisations. Les témoignages récoltés par la LDH vont d’ailleurs en ce sens. Ils montrent qu’il existe des disparités sur la possibilité d’obtenir une autorisation de visite. Hormis le critère de l’appartenance à la famille de la personne détenue, l’administration se base également sur le critère de résidence du visiteur. Sur l’échantillon de l’enquête, 37,3% ont déjà reçu un refus de visite. Comme le précise l’enquête, bien que certains refus soient justifiés notamment par des sanctions internes de la personne détenue, d’autres ne trouvent de justification légitime.
Quant au déroulement de la visite, 49,1 % des répondants déclarent attendre entre 30 minutes et une heure, et 28,2 % entre une et deux heures avant de pouvoir rencontrer leur proche. En plus de ce temps d’attente relativement long, la salle d’attente est souvent jugée inappropriée pour 67,3 % des visiteurs interrogés. Une visite dure pour une grande majorité des détenus environ une heure. 44 % des visiteurs indiquent venir à hauteur de trois, voire quatre fois par semaine, tandis que 10,9 % précisent venir tous les jours. A côté de ces visites en salles partagées, les détenus comme leurs proches ont le droit de se retrouver dans un cadre plus intime grâce aux visites hors surveillance (VHS). Ces visites concernent 42,6% des compagnons et 15,8 % des enfants de détenus.
Des visites coûte que coûte
L’autre point de l’enquête concerne l’accessibilité des visites. 41,8 % des répondants vivent à plus de 30 kilomètres du détenu qu’ils visitent. « Cela oblige donc les visiteurs à utiliser leur voiture ou les transports en commun pour retrouver leur proche », rappelle l’enquête qui met en évidence le caractère onéreux de ces visites, entraînant parfois la restriction du nombre de visites hebdomadaires ou mensuelles. « Bien que la grande majorité des répondants semblent déterminés à poursuivre les visites de leurs proches coûte que coûte. » En effet, le coût des transports depuis le domicile jusqu’à la prison ajouté à celui de la consommation de boissons et d’aliments dans la salle d’attente et à celui des appels téléphoniques permettant d’assurer un lien familial plus ou moins continu avec le détenu est considérable. Sur les 110 répondants, 8 estiment leur coût par visite à plus de 50 euros et 60 autres paient 10 à 30 euros par visite. De plus, 16,9 % des répondants dont le coût d’une visite s’élève entre 10 et 30 euros viennent voir leur proche détenu trois fois par semaine.
Face à ces différents constats, la Ligue des Droits Humains recommande notamment d’ouvrir un fond spécial d’aide aux visites, incluant un remboursement des titres de transport, un versement mensuel aux visiteurs spécialement dédié au maintien du lien familial avec le détenu. La LDH en appelle aussi à la rédaction d’un guide pratique, détaillé et accessible, sur la procédure de visite à destination des familles, à l’organisation de formations à destination des agents pénitentiaires quant aux droits et aux besoins des familles de même que des rencontres entre familles visiteuses et agents pénitentiaires pour faciliter le compréhension mutuelle. Enfin, la Ligue appelle, dans la mesure du possible, à adapter les horaires de visite à la situation des familles, moyen d’éviter l’engorgement des salles de visites lors des permanences fixées par l’administration pénitentiaire.